Aix-en-Provence célèbre le retour de deux œuvres de Cezanne

C’est dans la salle voûtée du musée Granet, devant élus, mécènes, conservateurs et passionnés d’art, que le retour d’un dessin de jeunesse de Paul Cezanne a été célébré vendredi 18 juillet.

Le double feuillet, réalisé vers 1857 par le peintre et sa sœur Marie, a été présenté au public par Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, pour la première fois depuis son acquisition aux enchères en 2022. Le dessin, acquis grâce au mécénat privé, entre officiellement dans les collections publiques d’Aix-en-Provence. Exposé dans une vitrine sobrement éclairée, le dessin met en scène un soldat et une vieille femme, dans un style encore naïf mais déjà singulier. Au verso, un paysage attribué à Marie Cezanne. L’ensemble appartient à un carnet familial dont la majorité des feuillets est aujourd’hui conservée au musée d’Israël à Jérusalem. Une présentation qui survient un mois après la révélation d’une autre peinture inédite, retrouvée sur un mur de la Bastide du Jas de Bouffan, l’ancienne maison familiale de Cezanne, lors de sa restauration

Une œuvre Cezanne réapparue après 75 ans d’oubli

Tout commence à Cannes, en 2019. Lors d’un inventaire de succession, le commissaire-priseur Thierry Collet découvre un dessin double-face. Au verso, une inscription manuscrite attire son attention : « Le dessin ci-contre est un dessin original de mon grand-père Paul Cezanne », signé Jean-Pierre Cezanne. Sceptique, un premier expert rejette l’authenticité de l’œuvre. Mais Me Collet persiste. Il fait appel à Marc-Henri Tellier, spécialiste du XIXe siècle, qui reconnaît immédiatement le lien avec un célèbre carnet de dessins de la fratrie Cezanne, aujourd’hui conservé à Jérusalem.

L’œuvre — un dessin représentant un soldat pieds nus et une vieille femme tenant une fiole — fait partie d’un carnet familial réalisé dans l’enfance à la Bastide du Jas de Bouffan, avec Paul, Marie et la petite Rose. Ce carnet est vendu par Jean-Pierre Cezanne en 1947 au collectionneur américain Henri Perlman. Six feuillets manquent. Celui-ci en fait partie. Le reste est aujourd’hui conservé au musée d’Israël à Jérusalem. S’ensuit alors une longue période d’expertise. Malgré la crise sanitaire, les recherches progressent. En 2021, l’authenticité du dessin est finalement confirmée par la Société Paul Cezanne, notamment par Walter Feilchenfeldt, Jayne Warman, David Nash et l’historienne Fabienne Ruppen. L’œuvre est enfin répertoriée dans le catalogue raisonné du peintre.

Le 13 mars 2022, la pièce est mise en vente aux enchères à Reims. Le Fonds de dotation Aix-en-Provence Mécénat, mobilisé en toute discrétion, entre en lice. Grâce à l’engagement de plusieurs mécènes, dont Carmelo Zappitelli (présent à la cérémonie), président du groupe Provence Habitat, le dessin est adjugé à 26 000 euros. Avec les frais, l’encadrement et la restauration, le coût total s’élève à environ 40 000 €. Il est désormais propriété de la Ville d’Aix-en-Provence.

Une lithographie-catalogue comme second trésor retrouvé

Ce dessin n’est pas la seule œuvre à revenir récemment à Aix. En février 2024, le Fonds de dotation acquiert une rare lithographie-catalogue éditée pour la première exposition personnelle de Paul Cezanne chez Ambroise Vollard en 1898. L’image représente Les Baigneurs ; au verso figure la liste des 60 tableaux présentés. L’acquisition est rendue possible grâce au soutien financier du Groupe Figuière Promotion. L’œuvre, tout comme le dessin, s’inscrit dans le projet de restauration de la Bastide du Jas de Bouffan, futur lieu d’exposition de ces documents rares. Ce catalogue est aussi un témoignage unique du parcours de Cézanne depuis ses premières années jusqu’à sa reconnaissance artistique.

Aujourd’hui, le dessin rejoint les collections du musée Granet. Il est visible durant tout l’été 2025, avant d’être intégré au parcours permanent du Jas de Bouffan, rouvert depuis le 28 juin.

Dans le prolongement de cette restitution, la Ville d’Aix réaffirme son engagement pour faire revivre les lieux de création du peintre. Outre la bastide familiale, le parcours cézannien s’étend à l’atelier des Lauves, que Cezanne fait construire en 1902. Situé sur les hauteurs d’Aix, face à la montagne Sainte-Victoire, ce dernier lieu de travail devient le cœur de ses dernières années. L’atelier, rouvert au public après restauration, reprend aujourd’hui sa vocation de site de mémoire.

Il témoigne du quotidien du peintre dans ses dernières œuvres — notamment Les Grandes Baigneuses — et du rapport intime qu’il entretient avec la lumière, les objets, la solitude et le motif. L’année Cézanne 2025, qui marque les 120 ans de sa mort, met pleinement en valeur ce site à travers une nouvelle publication collective dirigée par Denis Coutagne et François Chédeville.

Lien utile :

L’actualité de l’année Cezanne à Aix à retrouver sur Gomet’