Les résultats d’une étude pour mesurer les variations de certains métaux polluants dans la Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer ont été publiés il y a quelques semaines dans la revue scientifique Chemosphere. Ils révèlent que sur la période analysée (1975-2015), ce territoire a été exposé à de nombreux polluants métalliques, particulièrement ceux émis par les industries du secteur : aluminium, arsenic, cadmium, cobalt, cuivre, molybdène et zinc.
L’enquête a été réalisée entre 2016 et 2017 par des chercheurs de l’Institut Écocitoyen pour la Connaissance des Pollutions, organisme de recherches appliquées aux problématiques environnementales et sanitaires du pourtour du golfe de Fos et de l’Étang de Berre, du Laboratoire Chrono-environnement de l’Université de Franche-Comté et du CEREGE, centre européen de recherche de l’Université d’Aix-Marseille.
Comment l’étude a-t-elle été menée ?
Pour cette étude dite dendrochimique, les chercheurs ont travaillé sur les arbres de la ZIP. Et plus précisément sur leurs cernes, les fameux anneaux de croissance qui se forment au fil des ans. Il n’y a toutefois pas eu besoin d’abattage pour mener l’étude puisqu’un carottage dans les troncs a été effectué. Grâce à ce prélèvement, les équipes ont pu déterminer l’année de formation des cernes et identifier la présence de métaux. « Ces derniers restent stockés dans les cernes même avec le temps, contrairement à certains polluants organiques », explique Annabelle Austruy, chargée de mission sur l’écotoxicité à l’Institut Écocitoyen.
Les chercheurs se sont concentrés sur les pins et peupliers de la ZIP de Fos, plantés dans la zone au moment de sa création, en 1966. « Avant c’était une zone humide avec très peu d’arbres, c’est pour cela que nos mesures remontent au plus tôt à 1975 », souligne Annabelle Austruy. Pour apporter de la pertinence à leur étude, les experts ont aussi réalisé des carottages sur des arbres d’une zone témoin située à Grans, à 25 kilomètres, pour comparer les résultats.
Que révèle l’étude sur l’histoire de la pollution à Fos ?
Grâce aux prélèvements, on découvre que le territoire de Fos a été fortement exposé à certains métaux entre 1975 et 1993, avant de voir leur concentration largement diminuer. On parle ici du mercure, du cadmium, du zinc et du plomb. Les concentrations en zinc ont par exemple augmenté jusqu’en 1993 (+43% par rapport à 1975) puis se sont réduites de 21% en 2014 par rapport à 1975. Celles en cadmium ont diminué de 157% en 2014 par rapport à 1975. « L’évolution des procédés industriels et des réglementations a probablement joué un rôle sur ces diminutions », avance Annabelle Austruy.
Pour le plomb, les concentrations ont triplé entre 1975 et 1993 aussi bien à Fos qu’à Grans. L’utilisation à cette époque d’essence au plomb en serait à l’origine. Une diminution a été enregistrée jusqu’en 1999, atteignant même des niveaux proches de ceux mesurés en 1975. La tendance est à une « légère augmentation » de l’exposition depuis cette date.
Pour autant, si certains métaux ont diminué, d’autres au contraire ont vu leur concentration augmenter. Le chrome, le fer, l’aluminium, le vanadium, le nickel, l’arsenic et le cobalt présentent des teneurs 3 à 9 fois plus concentrées en 2014 par rapport à 1975. Et ce seulement pour les arbres de la ZIP de Fos, hormis pour le chrome où même la zone témoin de Grans est concernée. La diversification des activités industrielles pourrait en être la cause. Mais là encore, la chercheuse tempère. « Ces chiffres sont des moyennes. L’exposition à ces polluants et leurs variations ne permettent pas d’identifier les sources émettrices de façon précise, mais met en évidence l’impact de l’anthropisation du territoire suite à son industrialisation ».
Quelle suite désormais ?
Les résultats de cette étude dendrochimique recoupent ceux d’autres études réalisées par l’Institut Écocitoyen. Et notamment celle baptisée « Index », menée en 2016 sur des habitants de Fos-sur-Mer pour savoir si les polluants qui s’échappent des fumées de la zone industrielle les contaminent. Pour autant, « il est difficile de faire un lien de cause à effet car la recherche est longue. Mais ça nous apporte des arguments pour interpréter et expliquer les résultats de l’étude Index, même si on a aucune certitude. Pour en avoir, il faudrait déterminer l’origine des sources des polluants, ce que nous n’avons pas fait », souligne Annabelle Austruy.
Un manque qu’espère combler les chercheurs. L’Institut Écocitoyen, toujours avec les mêmes partenaires plus le laboratoire TELEMMe (pour Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale – Méditerranée), ont demandé un nouveau financement à l’agence nationale de recherche pour prolonger leur projet. « On aimerait déterminer la source et l’origine de ces polluants, en couplant à une étude historique de la zone ». La demande de financement a été déposée fin mars et la réponse est attendue pour le mois de juin.
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