Tower Power n’est pas le nom de la prochaine tour de la skyline marseillaise mais un projet collectif imaginé par l’artiste Lor-K, soutenu par la fondation Desperados pour l’art urbain et l’association Artagon, qui s’est déroulé du 19 au 23 juillet 2021. Derrière le concept de parcourir les rues de la ville à la recherche d’encombrants laissés sur la voie publique et de les détourner pour leur donner une dernière vie avant disparition, se dévoile l’objectif d’interroger à la fois l’espace public et notre attitude consumériste.
Depuis plus de dix ans, la street-artiste parisienne Lor-K a fait des déchets et des rebuts sa passion, et ses premiers souvenirs remontent même au-delà, dans son enfance, lorsqu’elle ramassait des objets dans la rue, les repeignait ou les transformait pour les revendre dans les brocantes. « Ça me faisait mon argent de poche, se souvient-elle. J’observais aussi tout ce que je voyais sur le chemin de l’école : tags, graff, pochoirs… mais ce n’est qu’à la faculté que j’ai pris conscience que les objets ont leur propre force dans le contexte où je les trouve. Et je me suis ainsi détachée du mur et du tag pour réaliser ces sculptures urbaines. » Suivie depuis quelques années par Stéphane Carricondo, créateur du collectif 9e concept et directeur artistique de la fondation d’entreprise Desperados pour l’art urbain, ils cherchaient ensemble l’occasion de produire un travail à plus grande échelle. Marseille leur a offert cette opportunité, avec la complicité de l’association Artagon qui a ouvert depuis peu une résidence pour artistes dans l’ancien siège de la société Ricard, à Sainte-Marthe.
5 duos pour 5 œuvres
Habituée à travailler seule, Lor-K n’a jamais trouvé quelqu’un avec qui collaborer. Grâce à un appel à projet lancé par l’intermédiaire de l’association Artagon, ce n’est pas un mais cinq jeunes artistes retenus pour vivre cette expérience – Olga Shalashova, Quentin Dupuy, Gabriel Bercolano, Clément Pelisson et Smith.367. Ce dernier, originaire de Salon, a fait ses études à la faculté des Beaux-arts d’Aix-en-Provence, avant de partir vivre et travailler en région parisienne. Dans son travail, il aime mélanger nature et technologie, « et notamment tout ce que le numérique et les logiciels 3D peuvent apporter à l’art », précise-t-il. Une fois le lieu du happening choisi, Smith.367 a pris des images thermiques des encombrants qu’il a reproduites en peinture, comme on peut le voir ci-dessous. Hot Spot est l’une des œuvres réalisées au cours de cette semaine intense puisqu’en cinq jours, cinq duos ont créé cinq sculptures. Et Lor-K de rappeler justement à quel point c’était enthousiasment de partir chaque matin, à 7h30, sillonner en scooter les rues de la ville, choisir le quartier, le style de déchets et réaliser cette mini série.
L’art ne donne-t-il pas matière à réflexion ? En tout cas, Marseille fut, malheureusement, un terrain de jeu propice à leur démarche. Comme le souligne Smith.367 : « Pour un artiste, c’est une vraie mine d’or ; pour les citoyens, c’est un scandale ! » Mais le projet ne s’arrête pas là puisque Lor-K tient à garder une trace photographique de toutes ses interventions. Tower Power est en réalité plus complexe et complet qu’il n’en a l’air, « une interrogation sur la verticalité, sur les symboles, à l’image des totems, que produit notre société actuelle », conclut Lor-K qui souhaite ainsi revisiter le célèbre jeu du tarot marseillais. Une édition d’art en tirage limité et la production d’un documentaire révèleront alors au public les différents atouts de chaque artiste. Rendez-vous en septembre.
Pour information :
Où se situaient les œuvres dans Marseille :
> Extasy, de Lor-K et Olga Shalashova, rue Augustin Roux (15e)
> Hot Spot, de Lor-K et Smith.367, impasse Pardigon (4e)
> Dirty Free, de Lor-K et Quentin Dupuy, 1 rue Masséna (3e)
> Sculptures, de Lor-K et Gabriel Bercolano, 15 boulevard Vintimille (15e)
> Baby Run, de Lor-K et Clément Pelisson, rue Edouard Crémieux (3e)
Liens utiles :
> La Fondation Desperados pour l’art urbain, fondation d’entreprise du Groupe Heineken, s’adresse à la fois aux artistes, aux acteurs de la scène artistique et au grand public. Elle articule son action autour de deux missions : la promotion et la diffusion de l’art urbain dans l’ensemble de la société, et le soutien à la création artistique et l’accompagnement d’artistes émergents.
> L’association Artagon, fondée en 2014, est dédiée au soutien, à la promotion et à l’accompagnement de la création artistique émergente en France et en Europe. En 2021, elle a ouvert dans l’ancien siège Ricard un lieu pour résidence d’artistes > .
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