« La croissance pour la croissance, c’est terminé ! ». Philippe Bernand, en poste depuis 2017, est conscient du défi environnemental qui l’attend dans les prochaines années. Sur le tarmac de l’aéroport de Marignane, mercredi 10 novembre, le président de l’Aéroport Marseille Provence (AMP), deuxième aéroport régional français en nombre de passagers avec 4,5 millions voyageurs attendus en 2021, accueille la presse devant le balai des avions de ligne. Le polytechnicien présente cet après-midi le projet « aéroport du futur », un lot d’innovations supposées plus respectueuses de l’environnement. Une manière pour AMP de rattraper le retard accumulé sur ces dernières décennies. Tous les avions qui fréquentent aujourd’hui les pistes de Marignane carburent au kérosène, une énergie fossile.
Dans quelques minutes, un A320 NEO (new engine option), dernier engin d’Airbus et propriété de la compagnie Air Corsica, va atterrir. Cet avion, moins gourmand en carburant (15-20% d’économie par vol), moins polluant et moins bruyant que ses aînés (-50% de décibels), est l’étendard des nouvelles ambitions d’AMP. L’aéroport vise une “neutralité carbone” à l’horizon 2030 – contre 2026 pour l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. Mais attention, cette neutralité supposée ne concerne que les émissions directes de l’aéroport (2% de l’empreinte global). Le paramètre ne prend pas en compte les émissions CO² des avions qui décollent et atterrissent chaque jour à Marignane.
Face aux critiques des ONG, Philippe Bernand ne se démonte pas. Il assure privilégier les compagnies vertueuses sur le plan environnemental. « On les incite à imiter Air Corsica », indique le président d’AMP, notamment avec des approches commerciales ou financières, même si le secteur est très réglementé. Air Corsica, en pleine transformation de sa flotte, est la seule des 31 compagnies affrétées à l’aéroport de Marignane à posséder deux A320 NEO. Ces avions ont notamment la possibilité d’être raccordés électriquement (400 Hz) au sol – l’aéroport dispose de 27 stations et fait payer la facture aux compagnies. Un pas de plus vers un aéroport moins polluant.
Réduire les émissions du “scope 3”
Philippe Bernand lance la visite et présente les derniers chantiers. Le défi est maintenant de « décarboner son activité », insiste le polytechnicien. Pour réduire son empreinte carbone, la structure doit agir sur ses propres émissions (2 735 tonnes de CO² en 2019 pour les scopes 1 et 2). Mais ces paramètres ne représentent que 2% des émissions liées aux activités de l’aéroport. Le scope 3, plus important, c’est l’empreinte carbone indirecte de l’aéroport : les transports en communs, les émissions des avions au sol… C’est sur ce point que l’aéroport doit s’améliorer dans un futur proche. « Oui les aéroports ont un rôle à jouer, déclare Romain Wino, chef du département RSE (responsabilité sociétale des entreprises) à l’Aéroport Marseille Provence, nous devons travailler avec les industriels pour que la décarbonation dépasse le cadre strict de l’infrastructure aéroportuaire ».
Le scope 3 représente 98% des émissions carbones de l’aéroport, soit près de 230 000 tonnes de CO² en 2019. Dans ce scope 3, les accès terrestres des passagers vers l’aéroport représentent 48% des émissions, contre 42% pour les avions en vol (jusqu’à 915m au-dessus de la structure aéroportuaire).
• Scope 1 : les gaz à effet de serre émis directement par l’entreprise (chauffage, véhicules AMP…)
• Scope 2 : émissions liées à la consommation d’électricité
• Scope 3 : les émissions indirectes (transports tiers, achat de marchandises, services…)
L’aéroport Marseille-Provence espère rapidement accueillir sur ses deux pistes des avions verts. C’est-à-dire des engins alimentés en partie avec du biocarburant, voire du carburant de synthèse – d’ici quelques années pour ce dernier car le procédé est encore à l’étude. La structure travaille en ce moment sur la création d’une filière locale d’approvisionnement en biocarburants en partenariat avec Total Énergie. L’aéroport est également en pleine électrification de ses véhicules. D’ici la fin de l’année, 20 nouveaux véhicules viendront accélérer ce processus de reconversion de flotte vers l’électrique. Pour l’heure, les parkings de la structure aéroportuaire destinés aux passagers et aux employés ne sont toujours pas équipés en bornes éclectiques.
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