Pierre Gattaz, (58 ans), l’ex-patron des patrons (et du Medef), s’initie à l’oenologie dans le Luberon . De sa fortune (300 à 400 millions) héritée de l’industrie électronique paternelle, il soustrait 11 millions d’euros en octobre dernier pour acquérir le château de Sannes, entre Ansouis et Cucuron, dans le Vaucluse. 70 hectares, dont un vignoble de 25 cernant la demeure de 2000 mètres carrés, (six suites, deux piscines, etc) : un domaine convoité par Steve Jobs, le patron d’Apple, avant qu’il ne disparaisse. Des chais sannois sortiront cette année trente mille bouteilles, syrah et grenache principalement.
Par delà cette illustration ponctuelle, qui aurait pu être celle de M. Bolloré dans le Var, le monde agricole provençal constate que la guerre du foncier est déclarée dans la région. Aux producteurs de l’alimentation naturelle, ce conflit oppose les forces de pression urbaine, touristique , et spéculative. Un esprit sarcastique évoquerait plutôt le combat de la cuve métallique contre le pot de terre.
Un acteur majeur tente ici de s’interposer comme régulateur : la Safer, Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural. Elle vient de tenir à Cavaillon son assemblée régionale.
Préserver ressources et paysage
Dénuée d’ambition lucrative, cette instance d’intérêt public cherche à préserver paysages et ressources, en soutenant une agriculture saine et durable, et veillant à la transparence des échanges. Dans le sud comme ailleurs, la population paysanne se réduit et vieillit. Sur les six départements, les surfaces cultivées ne représentent que la moitié des zones occupées par la forêt.
22 à 24 mille exploitations réalisent un chiffre d’affaire annuel de 3,5 milliards d’euros, pesant l’équivalent de 40 000 emplois à temps plein, et Impliquant 120 000 personnes. Chaque ferme travaille, en moyenne, une quarantaine d’hectares. Sur la totalité, huit cent mille hectares (équivalent à un million de terrains de football), le dixième est planté de vignes.
Nourrir ou bâtir ?
L’élevage reste rare, tant domine en Paca la polyculture végétale, sur parcelle de taille familiale. Sans oublier l’ostréiculture du littoral, ni le citron de Menton, le melon de Cavaillon ou le jasmin de Grasse et la lavande des hauts plateaux. A ces pratiques nourricières essentielles, sous climat favorable et attractif, se heurte le besoin de bâtir, de bétonner, voire le désir cupide de spéculer. Selon la confédération paysanne, qui manifestait récemment dans le Var, en Provence, en quelques années, le prix de l’hectare de vigne a triplé . Du coup, de nombreux vignobles suscitent la convoitise de quelques vedettes ou de grosses fortunes… Milliardaires britanniques, oligarques russes ou investisseurs chinois renchérissent à coups de millions. Ce fut le cas à Courthezon, pour s’emparer de prestigieux plants de Châteauneuf-du-pape. Safer l’a empêché .
Si en 2017 trois cents jeunes ont pu s’installer en milieu agricole, nombre d’exploitants âgés cherchent à tirer de leur cession le meilleur rendement. Et l’hectare cultivable ne vaut pas la même chose dans l’enclave des papes que sur les hauteurs rocailleuses des Alpes.
Ne plus céder un hectare
La paysannerie sudiste refuse désormais de céder aux promoteurs ou aux financiers avides de rentabilité le moindre hectare de terre agricole. La SAFER agit afin de maintenir un équilibre harmonieux entre la propriété patrimoniale et le rendement des produits du labeur. Elle tient également à une gestion de l’eau équitable et économe, dans un paysage sauvegardant les rôles des hommes et celui de la nature. Ainsi qu’une concordance vertueuse entre les personnes physiques et les entreprises.
Selon ces experts, en vue de garantir la souveraineté alimentaire, l’association en coopérative ne saurait s’opposer aux activités individuelles. Est ainsi imaginé un nouvel outil nommé SCIC, Société Coopérative d’Investissement Collectif. Pouvant permettre aux jeunes et démunis , aux urbains motivés également , de s’associer pour soutenir un projet agricole utile, durable et rentable. Savoureux aussi, ça ne gâte rien. La sagesse oblige à ne pas négliger ce qui constitue la première fonction de la terre : nourrir correctement les habitants qui y vivent.