Malgré les demandes pressantes depuis lundi 5 novembre, le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin, n’avait pas souhaité s’exprimer avant, car « il y a une question de décence. Le temps n’est pas à la polémique. La dignité à l’égard des familles s’impose à tous et je tiens à leur apporter mon soutien plein et entier ». La colère et l’incompréhension ne cessent pourtant de croître dans le quartier de Noailles. L’effondrement des deux immeubles rue d’Aubagne a fait six morts et deux disparus, selon un bilan provisoire. Les critiques fusent de toutes parts de la rue au sommet de l’Etat.
Les habitants cherchent les responsables et accusent la Ville de Marseille. Mercredi 7, une centaine de militants associatifs ont scandé « Gaudin, Fructus, assassins », jugeant que la municipalité n’a pas suffisamment fait pour prévenir ce type de drame. Dans un communiqué, l’association Droit au Logement (DAL) estime que l’effondrement « révèle une grave carence et met en jeu la responsabilité du maire, car il doit selon la loi organiser une stricte surveillance par des experts, si besoin réaliser des travaux d’office aux frais des propriétaires, ou ordonner l’évacuation et le relogement des occupants ». L’association marseillaise Un centre-ville pour tous met, elle aussi, en avant la responsabilité de la mairie.
Le maire en appelle à l’Etat
Sur le banc des accusés, la Ville a répondu aux attaques jeudi 8 novembre, à l’occasion d’une conférence de presse, organisée à la mairie. Outre le point sur la situation (lire par ailleurs), le maire a tenté de mettre un terme aux polémiques sur la gestion municipale en matière de logement. Il a dressé le bilan des actions menées à grand renfort de chiffres : « Des moyens colossaux ont été mobilisés. Depuis 2005, la seule ville de Marseille a engagé plus de 200 millions d’euros, dont 110 au seul titre de l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), 35 pour l’éradication de l’habitat indigne et 28 du logement locatif social », tout en reconnaissant que « l’ampleur de la situation de l’habitat dégradé à Marseille nécessite beaucoup plus ». La ville compte 14 chantiers de l’Anru, 13 dans le secteur Nord et un dans le Sud. « Nous faisons, là où la population en a besoin, quelque soit la coloration politique », a affirmé Jean-Claude Gaudin. « Plusieurs quartiers du grand centre-ville ont fait l’objet d’opérations de résorption d’habitas insalubres », développe le maire. Et d’ajouter que « des milliers de personnes ont été relogées, dans des logements neufs ou rénovés. Des centaines de logements ont été rénovés ».
Face à des « procédures terriblement longues, complexes et coûteuses » dans ce domaine qui « implique un très grand nombre d’acteurs privés et publics », il en appelle à l’Etat pour accélérer et faciliter la réhabilitation de l’habitat privé vétuste. Le maire a réaffirmé l’ambition de la Ville : « Depuis 20 ans, nous sommes porteurs d’une ambition de rénovation de l’habitat ancien, notamment l’amélioration des conditions de vie, que ce soit dans le parc public, privé, plus particulièrement dans les quartiers les plus dégradés ».
51 signalements en 24 heures
Sur les arrêtés de péril, Jean-Claude Gaudin a indiqué que, « là aussi », la Ville n’est pas à la traîne. « Nous sommes même très actifs ». Pour étayer ses propos, Julien Ruas, son adjoint, délégué au bataillon des marins-pompiers, à la prévention et gestion des risques urbains a pris le relais pour préciser : « Tout au long de l’année, le service de la ville est concerné par des appels de riverains, de propriétaires, de locataires, de bailleurs, de syndics d’immeubles, qui nous sollicitent car ils considèrent que telle ou telle habitation présente un désordre. Dès lors que nous en sommes informés, des agents de la ville se rendent sur place et dans l’heure l’avis d’un expert, mandaté par le Tribunal administratif, sur ma requête est demandé. Nous nous basons sur l’avis de l’expert pour prendre les arrêtés adéquats en terme de péril simple ou imminent ». Sur les dernières 24 heures, les services ont reçu 51 signalements qui ont nécessité 37 interventions sur la journée du mercredi 7 afin de lever les doutes. Quatre ont fait l’objet d’une évacuation à la suite d’une expertise, au nom du « principe de précaution ».
Le capitaine dans la tempête
Pour Arlette Fructus, adjointe au maire, déléguée au logement, le cœur du sujet reste la dégradation de l’habitat par les marchands de sommeil. Elle a demandé la réactivation du groupe d’intervention de lutte contre l’habitat indigne. Une cellule initiée sous l’autorité du procureur de la République Jacques Dallest, et depuis tombée en désuétude. « Nous avions abouti à des condamnations », affirme l’élue. Elle compte aussi sur la rapide promulgation de la loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) puisqu’elle prévoit également une aggravation des sanctions pénales.
Enfin, interrogée par une journaliste sur les 56 millions d’euros dépensés pour la construction de la patinoire, qui avaient fait polémique à l’époque, et comparés aux 15 millions d’euros annuels dépensés par la mairie pour le logement, le maire dit « ne rien regretter. La patinoire a été intégralement payée par la ville de Marseille et a un énorme succès, on ne peut pas comparer ».
Lionel-Royer Perreaut, président de 13Habitat, la caution solidaire des bailleurs face à ce drame, a ajouté qu’il fallait additionner les moyens dans leur ensemble. « 13Habitat investit chaque année 70 millions d’euros pour la rénovation et la réhabilitation de bâtiments et du patrimoine ».
Cible de nombreuses critiques depuis la catastrophe, malmené par le rapport Nicol sur la requalification du parc immobilier marseillais et à deux ans de la fin de son mandat, le maire n’envisage pas de démissionner. « Vous croyez que le capitaine quitte le navire durant la tempête ? », a-t-il répondu à la question d’un journaliste. Et d’ajouter : « le travail de Monsieur Nicol était très partisan, il est venu quelques jours et s’est basé sur les documents que nous lui avons fournis. Nous n’avons pas attendu Monsieur Nicol pour agir ! ».
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