C’était une promesse de campagne du Printemps Marseillais : faire un grand audit des finances de la Ville pour connaître l’état dans lequel la précédente majorité de droite leur a laissé la mairie. Mardi 2 février, Benoît Payan a enfin dévoilé le rapport de 79 pages commandé au cabinet Deloitte. « Dette mal gérée », « patrimoines bradés », « gaspillage »… Le constat du nouveau maire est sans appel : « L’ancienne municipalité nous a laissé des caisses vides ». Dans le détail, l’audit alerte sur une situation compliquée mais note aussi une amélioration au cours du dernier mandat de Jean-Claude Gaudin.
Deloitte ne donne pas que des mauvais points à l’ancienne majorité
Si la chambre régionale des comptes avait déjà largement présenté la situation financière difficile de la mairie de Marseille en 2019, l’audit de Deloitte apporte quelques précisions notamment sur le poids de la dette. Fin 2020, cette dernière s’élevait à 1,54 milliard d’euros. La cabinet l’estime « saine » et note même qu’elle n’a cessé de diminuer depuis 2014 où elle culminait à 1,85 milliard d’euros. Résultat, sa capacité de désendettement est passée de 11,9 ans à 8,8 ans pendant le dernier mandat de Jean-Claude Gaudin, sous le seuil d’alerte des 10 ans fixé par la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL). Mais si l’encours de dette par habitant diminue, il reste « nettement plus élevé à Marseille que dans la moyenne des villes de plus de 100 000 habitants. On relève un écart de près de 300 euros par habitant en 2019 », constate Deloitte (cf. tableau ci-dessous).
La dette pèse lourd sur le budget de la municipalité avec notamment d’importants frais financiers : « On rembourse 46 millions d’euros d’intérêts par an, soit l’équivalent des charges financières cumulées des six plus grandes villes de France », s’insurge Benoît Payan. A noter cependant que Deloitte salue dans son rapport « une nette amélioration du montant des frais financiers (-11 millions d’euros) soit un recul de près de 20% » au cours du dernier mandat Gaudin.
« Pendant très longtemps, la majorité sortante faisait simplement état de l’épargne brute, explique Benoît Payan. Mais le problème, c’est que l’épargne brute ne prend pas en compte le poids de la dette. En réalité, si on calcule non pas l’épargne brute, mais l’épargne nette, celle qui nous sert à investir, là, la situation est catastrophique », s’alarme-t-il. Concrètement, l’épargne brute affichée en 2019 s’élève à 179 millions d’euros mais lorsque l’on soustrait les 166 millions d’euros dépensés pour rembourser l’emprunt, il ne reste plus que 13 millions d’euros. Avec une épargne nette équivalente à 1% de son budget, la Ville de Marseille est très en dessous du seuil d’alerte fixée à 8% par la DGCL. Interrogé par Gomet’, l’adjoint aux finances Joël Canicave s’attend à une situation pire pour 2020 : « Nous allons finir en négatif cette année. Selon les premières estimations, l’épargne nette devrait plonger à – 20 millions d’euros notamment à cause de la crise sanitaire », prévient-il.
« Le grand loto du patrimoine »
Outre le poids de la dette, Benoît Payan dénonce surtout « l’argent jeté par les fenêtres » par l’ancienne majorité. Il cite plusieurs exemples comme la location pendant deux ans pour 1,16 million d’euros de bureaux dans le 14e arrondissement « alors que les services avaient déménagé ». Il évoque ensuite le projet de résidences de logement très contesté du boulevard de la Corderie : « Le promoteur Vinci a détruit la sortie de secours de l’une de nos écoles. Et là les bras m’en sont tombés, nous avons racheté son propre terrain sur lequel était situé cet escalier de secours. Et qui a-t-on choisi pour reconstruire l’escalier cassé par Vinci ? Je vous le donne en mille : Vinci. Rachat du terrain, plus escalier de secours, plus réaménagement intérieur, coût total de l’opération pour les contribuables marseillais : 1,4 million d’euros. Incroyable, invraisemblable cadeau ! », s’emporte le maire. Et de poursuivre avec la patinoire « la plus chère du monde » qui a coûté 50 millions d’euros à la Ville ou encore la négociation sur le stade Vélodrome « qui nous a coûté 93 millions d’euros », rappelle-t-il. La liste est encore longue… Mais le maire assure que ces dépenses « irrationnelles » sont terminées et déclare ouverte « la chasse au gaspillage, au superflu, au bling-bling ».