[Carnet] Bernard Morel : l'art et la manière

Sa famille, ses amis, ses anciens collègues, ses compagnons de route. Ils étaient très nombreux réunis vendredi 19 novembre au cimetière St Pierre pour témoigner de leur affection à Benard Morel, décédé la semaine précédente à l’âge de 75 ans. La cérémonie au funérarium fut à l’image de l’homme : simple et bienveillante avec une série de prises de parole de personnalités ou d’anonymes qui ont partagé leur vie avec l’économiste et homme politique marseillais. Pierre-Paul Zalio (directeur de l’Ecole normale supérieure de Paris Saclay), Michel Vauzelle (ancien garde des Sceaux et président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur), Sophie Bouffier (directrice de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme), Maryline Crivello (vice-présidente d’Aix Marseille université) ou encore Jean-Benoît Zimmermann (Paris Dauphine et directeur de recherche au CNRS), ont tour à tour saluer les qualités professionnelles, universitaires mais aussi et surtout la grande humanité de Bernard Morel : un homme tout à la fois brillant et humble, ambitieux et chaleureux.

« Ce qui caractérise son attitude envers le monde, envers les hommes et les femmes, en somme c’est une morale» résume Pierre-Paul Zalio (lire l’intégralité de son éloge en bas de l’article). Pour Michel Vauzelle, Bernard avait « l’art et la manière… jamais une manifestation d’orgueil ou de vanité, il s’exprimait avec respect pour l’autre. » Son fils, Antonin, lut les confidences de son père qui à l’âge de 17 ans partait à l’aventure en Palestine, plein de rêves et de volonté de conquérir le monde. Une présence au monde rappelée aussi par sa voisine du quartier d’Endoume où malgré le confinement et la maladie, Bernard resta un ami attentionné et désireux de vivre.

Michel Vauzelle intervient aux obsèques de Bernard Morel vendredi 19 novembre 2021 (Crédit Gomet’/JFE)

Dans la salle, de nombreuses personnalités, notamment des amis politiques, comme les adjoints au maire de Marseille, Joël Canicave, Eric Semerdjian, Aïcha Sif, ou encore la maire de secteur des 1er et 7e arrondissements Sophie Camard. Des anciens collègues de la Région, des décideurs publics, de nombreux universitaires (Philippe Langevin, Jacques Boulesteix), des acteurs de la société civile et culturelle comme l’architecte Corinne Vezzoni ou le directeur du Mucem, Jean-François Chougnet, étaient également présents. Myriame, l’épouse de Bernard Morel est historienne, conservatrice et commissaire d’expositions.

Avant cette cérémonie, le décès de Bernard Morel, qui était l’un des associés de Gomet’, avait suscité de nombreuses réactions (*). Des personnalités et élus de gauche comme de droite, du maire de Marseille Benoît Payan à Renaud Muselier le président de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, en passant par Laure-Agnès Caradec, la présidente d’Euroméditerranée ou encore Sophie Camard, tous ont salué un homme de conviction et de dialogue.

Benoît Payan revient ainsi du parcours de Bernard Morel et son engagement pour Marseille : « C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris la disparition de Bernard Morel, brillant économiste qui consacra une grande partie de sa vie politique à Marseille et son territoire. Son engagement et sa détermination sans faille l’emmenèrent en 2012 à la vice-présidence à l’économie du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. » L’édile rappelle également que « grâce à sa connaissance aiguë et sa vision des enjeux marseillais, cet homme de gauche présida avec brio en 2014 l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée, après avoir été conseiller municipal du premier secteur de la ville de 2008 à 2014.» Pour le maire de Marseille, il s’agit bien d’ un « parcours et une carrière exceptionnelle qui furent distingués par le titre de Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques.»

Un homme profondément intelligent, passionné par l’action publique et l’intérêt général
Renaud Muselier

Renaud Muselier, ancien président d’Euroméditerranée, comme Bernard Morel, mais adversaire de ce dernier sur la scène politique, salue« la mémoire d’un homme profondément intelligent, passionné par l’action publique et l’intérêt général.» Même sentiment chez Laure-Agnès Caradec, l’actuelle présidente de l’établissement public d’aménagement. L’élue LR souligne la qualité humaine de Bernard Morel :« je lui avais succédé à la présidence d’⁦Euroméditerranée et ai toujours apprécié sa courtoisie.» Daniel Sperling, ancien conseiller régional et actuellement conseiller municipal d’opposition à Marseille résume bien l’équilibre qui caractérisait Bernard Morel :« Je souhaite dire combien Bernard était intelligent, ouvert et humain….Il savait défendre ses valeurs…sans concessions mais avec équilibre… Dans ce monde politique très compliqué il défendait l’essentiel… Sa vérité doublée de sincérité…»

Homme de gauche, c’est du côté-ci du paysage politique que les réactions ont été les plus nombreuses. L’élu écologiste à la mairie de Marseille Sébastien Barles évoque« un humaniste, un visionnaire, curieux et à l’affût de créativité et d’innovation sociale.» Sophie Camard se rappelle avoir bien travaillé à la Région (elle faisait partie de la majorité de Michel Vauzelle avec le groupe EELV). Elle confie que l’ancien vice-président régional à l’économie, qui habitait au dessus du Vallon des Auffes, dans le 7e arrondissement,« était si heureux du changement politique. » Et l’élue du Printemps marseillais de déclarer :« Le flambeau est transmis, Bernard ! » . L’ancienne ministre socialiste Marie-Arlette Carlotti retient de son« ami» homme politique engagé dans le développement économique de Marseille. Même témoignage de l’ancienne élue socialiste d’Annie Levy Mozziconacci :« C’était un homme engagé pour son territoire» observe la présidente de l’association Innovons pour Marseille. Aldo Bianchi, animateur du collectif Marseille et moi parle« d’un ami qui [nous] a beaucoup aidé.»

Un grand Monsieur dont la compagnie était toujours un bonheur
Christian Amiraty

Christian Amiraty, le maire divers gauche de Gignac-la-Nerthe, réagit avec beaucoup de chaleur :« Esprit brillant, humilité de tous les instants et je ne peux revoir Bernard sans voir ce sourire toujours accroché à son visage. Un grand Monsieur dont la compagnie était toujours un bonheur.» Le communiste Alain Hayot sociologue et universitaire, ancien vice-président de la Région en charge de la culture dans l’ancienne majorité confie :« J’ai une longue histoire commune avec Bernard, universitaire et politique, faite de solidarité et parfois de désaccord qui n’ont pas remis en cause notre amitié.» Stéphane Mari, ancien conseiller municipal socialiste salue« un humaniste et un intellectuel qui savait se mettre à la portée des plus humbles.» Pour la députée européenne Sylvie Brunet,« c’est une grande perte.» Le député En marche Saïd Ahamada parle aussi de« l’humaniste, brillant économiste et homme politique averti» avec qui il confie avoir travaillé.

Carte souvenir de Bernard Morel (Crédit photo Antonin Morel)

L’ancien directeur général d’Euroméditerranée François Jalinot témoigne aussi de son estime pour son ancien président et membre du conseil d’administration.« Homme d’une grande intelligence et de culture, il contribua beaucoup au développement de ce projet d’intérêt national grâce à son sens du dialogue avec toutes les composantes de notre Conseil» observe M. Jalinot qui dirigea l’établissement public d’aménagement de 2004 à 2017. Le monde économique reconnait l’apport de Bernard Morel notamment lorsqu’il a conduit la politique économique. Ainsi Jean-Michel Sibue (A plus Finance) déclare« sa tristesse. C’était un homme courtois, de gauche, ce que je ne suis pas, qui comprenais bien les enjeux de développement économique à travers le financement des PME, et comme vice-président il avait soutenu un investissement de la Région dans mon fonds.»

Le monde universitaire n’est pas en reste. Bernard Morel était avant tout un universitaire et professeur émérite. Le président Eric Berton et la communauté d’Aix Marseulle Université saluent« un homme de convictions, humaniste et engagé » qui« avait beaucoup œuvré au développement de [notre] université. » « Son humanisme, son enthousiasme resteront dans la mémoire de celles et ceux qui l’ont côtoyé » déclarent de leur côté ses anciens collègues de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH) que Bernard Morel dirigea. Ainsi Brigitte Martin (directrice de l’école française de Rome, Robert Ilbert fondateur de la MMMSH Aix-en-Provence) et de l´Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA Marseille) et Sophie Bouffier, l’actuelle directrice, insistent sur l’humanisme et l’enthousiasme de Bernard Morel qui« resteront dans la mémoire de celles et ceux qui l’ont côtoyé.» Yvon Berland, l’ancien président d’AMU lui rend également hommage :« Bernard était un universitaire de très grande qualité qui a beaucoup apporté à la Maison Méditerranéenne des sciences de l’homme et à l’université d’Aix Marseille.» L’ancien président de l’université de Provence Marc Pena relève les« nombreux souvenirs et combats communs ! »

Vincent Geisser, chercheur à l’Iremam, l’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans d’Aix-en Provence témoigne de l’amour de Bernard Morel pour la Méditerranée et la Tunisie où il aimait partir en villégiature dans sa maison de Zarzis.« J’ai toujours ses livres co-écrits avec Philippe Sanmarco dans ma bibliothèque que je conserve précieusement. Paix à son âme pour cet amoureux de la Méditerranée et de la Tunisie. » Tahar Rahmani, autre engagé pour la Méditerranée à travers de nombreuses associations, partage aussi son émotion :« Il fut un compagnon d’armes pendant de nombreuses années et nous avons beaucoup partagé ensemble….et aussi parfois des différences de vues. Dieu le garde. »

Nous avons partagé préoccupations de recherche, discussions politiques, mais aussi des rires, de bons plats et de bons vins
Jean-Benoît Zimmerman

Michel Peraldi, autre intellectuel et fin connaisseur du territoire évoque« un grand monsieur.»« Son analyse du “système industrialo portuaire marseillais” est un des plus pertinents et des plus lucides travaux sur l’évolution de l’économie marseillaise. Je l’ai beaucoup côtoyé à la MMSH, apprécié son intelligence et son humour, il n’en manquait pas, même s’il était parfois rude et exigeant dans les débats.»

Enfin, Jean-Benoît Zimmerman, à la fois collègue et ami de Bernard témoigne de sa relation professionnelle mais surtout humaine :« Bernard était un grand ami, en plus d’un collègue et d’un co-auteur. Nous avons partagé préoccupations de recherche, discussions politiques, mais aussi des rires, de bons plats et de bons vins. Salut Bernard tu conserveras une grande place dans ma mémoire. Rien ni personne ne pourra remplacer la richesse que tu nous apportais. Une pensée émue et de profonde amitié pour Myriame et Antonin. Bernard était vraiment quelqu’un de bien !» Repose en paix Bernard.