Bouillonnant d’idées neuves, parfois utopistes souvent prémonitoires, de solidarités actives, avec les pays de l’Est notamment, Pierre Laffitte a su user de sa voix de basse, forte et respectée pour faire entrer, d’abord la Côte d’Azur, puis la région Provence Alpes Côte d’Azur dans l’ère numérique. Lorsqu’il devient en 1993, président de la Route de hautes technologies, il met sa vision, son énergie au service d’une économie d’ouverture. La fertilisation croisée est son credo, . À Toulon pour ouvrir la DGA au privé, a Cadarache pour inciter le CEA à regarder les PME dans le Vaucluse pour inviter l’agroalimentaire à se tourner vers l’innovation. La RHT avait confié à mon équipe, à l’agence Sudreporters, la rédaction de sa newsletter et nous avons pu mesurer la détermination du président mais aussi et surtout sa modestie, son écoute, son humanité.
Pierre Laffitte : « L’avenir est à ceux qui osent et réalisent. Il nous est donc ouvert »
Aux questions de journalistes qui pouvaient révéler ses conflits, ses combats, il répondait avec un regard malicieux, avouait des freins sans jamais perdre le cap ni l’espoir. Dans un discours à l’École des Mines de 1984, Pierre Laffitte déclarait : « L’avenir est à ceux qui osent et réalisent. Il nous est donc ouvert. »
C’est Jean-François Carrasco, directeur des projets IoT de Jaguar Network, coprésident de Telecom Valley qui a trouvé les mots juste pour lui rendre hommage. « Pierre Laffitte, est cet homme chez qui tout est hors de proportions : une main énorme à étreindre, des lèvres qui semblent faites pour des discours sans fin, des sourcils qui ponctuent des yeux toujours espiègles, mais parfois, le temps d’une fraction de seconde, pleins de farouche décision et capables de vous faire plier. Mais pas que. (…) Cet homme était art et poésie dans sa posture de bâtisseur, un Niemeyer qui aurait mangé un Leiris, il avait du Breton, du Borges et du Picasso en lui, il avait le geste, l’oralité, la mémoire, la fidélité, quelques rancœurs tout de même. La grâce en somme. Il a élevé des dizaines de pieds tendres venus à lui par des chemins divers, il a dessiné pour eux, parlé pour eux, inventé pour eux. Il a tissé le réseau infini de ses synapses autour de la planète et semé des graines sur tout le chemin, arrosé les fleurs qui en grandissaient et averti le monde comme Dali pour qu’il s’en extasie. Cet homme que le JT de TF1 va somptueusement ignorer était un magicien. Il a fait de Sophia Antipolis un rêve universel partagé et diffusé, une réalité parfois âpre et cabossée par la réalité peu amène des “visions sérieuses” des autres. Ces autres à qui il a toujours tout donné alors qu’eux l’ont parfois trahi. Que chaque centimètre carré de ce territoire béni se souvienne, que chaque olivier ou chêne parle aux vents qui portent souffles et idées, que chaque étudiant apprenne à qui il doit une bibliothèque ou un fablab… J’ai grandi grâce à lui, j’ai fait grandir mes enfants parce que j’avais pu moi-même grandir, je veux encore faire grandir d’autres espoirs à deux pattes. Ceux qui l’ont aimé se reconnaissent et le feront longtemps encore.»
L’École des Mines promet d’organiser un évènement en hommage à la rentrée et invite pour honorer sa mémoire, à faire un don « au bénéfice des prochains lauréats du “Prix de thèse Pierre Laffitte” auquel il était très attaché ».
(1) (La Révolution de l’intelligence, Paris,1983-1985).
(2) Sophia Mag N° 28 Juin 2019 Numéro spécial célébration de l’anniversaire des 50 ans de la fondation de la technopole de Sophia Antipolis
Lien utile :
Pierre Laffitte sur la chaîne de ParisTech