C’est par une des formules dont il a le secret que Renaud Muselier a synthétisé la politique de la région Sud en matière de défense. C’était à l’Agora Demain le Sud, c’est-à-dire sans pupitre ni estrade, que la région Sud a réuni pour 150 minutes, le 27 mars dernier à l’Hôtel de région, tout ce que le territoire compte, côté militaire, des plus haut gradés des armées, de terre, de l’air et de mer et du côté des industries, tous les patrons et décideurs de l’écosystème des industries de défense.
Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé de l’Europe avait fait le déplacement. Il n’avait pas grand-chose à dire, mais il l’a dit. Il a souligné la continuité du désengagement américain vis-à-vis de l’Europe, rappelant le coup de Jarnac subi par la France par Naval Group et ses sous-marins en Australie, alors que le président était Joe Biden. Comme Renaud Muselier, il a rappelé son amitié déçue pour les États-Unis, mais il doit prendre acte d’un « moment de bascule historique ».
Pour le président de la Région Sud, il est important d’avoir une industrie et une défense fortes « pour ne pas avoir à s’en servir. C’est une garantie de nos libertés » a souligné Renaud Muselier. « Nous ne sommes ni bisounours, ni va-t-en-guerre »
Alexis Bautzmann, patron du groupe de presse aixois Areion, expert en géopolitique, avait la rude tâche de dresser en trois cartes et graphiques l’état des menaces sur l’Europe, le sens des 59 conflits actifs sur la planète dont beaucoup en Afrique, souvent instrumentalisés contre les puissances européennes.
Emmanuel Chiva : l’homme qui pèse 30 milliards
Emmanuel Chiva, directeur général pour l’armement fut écouté avec grand intérêt par tous. Il est le plus gros acheteur public en France avec 30 milliards d’euros. Sous des allures bonhommes, avec humour et sans langue de bois, il rappelle que le Covid a été révélateur de nos dépendances. Il adresse en priorité ses demandes à la Base industrielle et technologique de défense (BITD) ses 4 000 PME et ses 9 grands groupes dont 10% des entreprises sont basées dans notre région.
Mais il souhaite l’ouvrir à de nouveaux acteurs, « on ne peut plus faire comme avant », affirme-t-il. Et il donne le mode d’emploi pour ne pas se perdre dans les abysses de l’organigramme du ministère de la Défense ! Il indique que la porte d’entrée de la DGA passe par « l’attaché d’industrie de défense » en région ou directement la plateforme internet sécurisée de la DGA.
Emmanuel Chiva veut passer à l’intelligence artificielle de combat, contrer les cybers attaques qui ont doublé en France depuis l’invasion de l’Ukraine, il est ouvert aux solutions « numériques agiles » et surtout, il dispose de deux fonds d’investissement, le Fonds Definvest pour les entreprises stratégiques, le Fonds innovation défense pour les entreprises innovantes.
L’ouverture des crédits BEI à la Défense
Si le DGA fut scruté avec une grande attention, Ambroise Fayolle, vice-président de la Banque européenne d’investissement a eu un franc succès, car il n’est pas venu les mains vides. Jusqu’alors les fonds de la BEI excluaient les activités de défense pures acceptant uniquement de financer les entreprises duales. Ambroise Fayolle a pu annoncer sous les applaudissements nourris des entreprises de défense, que depuis le 6 mars 2025 le bras armé de l’Union européenne en matière de crédit, a réévalué la liste des activités exclues et augmenté le volume des financements disponibles dans le domaine de la sécurité et de la défense.
Depuis le 21 mars, la BEI peut intervenir dans « des domaines tels que les casernes et les installations de stockage, les véhicules terrestres et aériens, les drones et les hélicoptères, les radars et les satellites, l’avionique ainsi que la propulsion et l’optique de pointe, la protection des frontières terrestres, la mobilité militaire, les infrastructures critiques, le déminage et la décontamination, l’espace, la cybersécurité, les technologies antibrouillage, les équipements militaires, la protection des infrastructures dans les fonds marins et la recherche. »
Critères ESG, “S” comme sécurité
Les critères ESG, la taxonomie européenne, la CSRD sont le cauchemar des industriels de défense puisqu’ils éliminent d’office, et à la source, le militaire des financements socialement et écologiquement responsables. « Le S de ESG, a revendiqué le patron de Naval Group, Pierre-Éric Pommelet, doit être aussi le S de la sécurité ».
L’entreprise quadricentenaire, remise de la défection australienne, déploie des investissements lourds, en particulier, pour une unité nouvelle à La Londe-les-Maures à l’horizon 2027, un pôle d’excellence en matière de drones, systèmes autonomes et armes sous-marines. Sabena se renforce à Istres pour maintenir « un haut niveau de disponibilité » des aéronefs de la base stratégique istréenne.
« On a de tout partout » a constaté en conclusion Renaud Muselier, rappelant le soutien de l’institution régionale à cet écosystème dynamique et aux armées, dont le tiers des effectifs nationaux est en région Sud.
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