Vous appelez à un biomimétisme au service de la vie, que nous enseigne la vie, la nature pour sortir de cette crise ?
Emmanuel Delannoy : Au-delà des ressources matérielles que la biodiversité nous prodigue chaque jour, nous aurions aussi beaucoup à apprendre d’elle. Car si le biomimétisme peut nous inspirer de nouveaux matériaux, de nouveaux designs ou de nouveaux processus, il peut aussi nous inspirer de nouveaux modes d’organisation plus agiles et plus résilients. Mais encore faudrait-il que nous nous donnions la peine d’écouter ce qu’elle a à nous dire, et qu’elle soit en mesure de délivrer son message !
Or, nous sommes devant ce qu’il faut bien appeler un effondrement de la biodiversité. On estime aujourd’hui que les espèces disparaissent à un rythme de 100 à 1 000 fois plus rapide que celui de l’extinction naturelle. De nombreuses espèces disparaissent avant même que nous ne les ayons découvertes, du fait des activités humaines. Dans le même temps, les écosystèmes sont fragmentés, altérés, simplifiés et fragilisés, au point que cela questionne leur capacité à soutenir nos activités dans les décennies à venir.
Aider la nature à nous aider
Emmanuel Delannoy
Tout l’enjeu de cet appel est donc d’inviter l’ensemble des acteurs concernés, chercheurs, designers, ingénieurs et industriels, à faire en sorte que le biomimétisme profite aussi à la biodiversité. En quelque sorte, il s’agit d’aider la nature à nous aider.
On l’a vu, nous sommes, ne serait-ce que pour l’accomplissement de nos fonctions vitales, dépendants de la biodiversité. On sait maintenant que nos économies le sont tout autant. Mais nous devons maintenant dépasser le constat – anxiogène – de notre dépendance radicale vis-à-vis du vivant et de notre communauté de destin avec la biodiversité. Car ce constat n’est autre que celui d’une « solidarité de fait ». Pour aller plus loin, il est maintenant nécessaire de tendre nos désirs et nos énergies vers une solidarité de projet, autrement dit une « solidarité écologique » élargie à l’ensemble du vivant humain et non humain.
C’est cette nouvelle solidarité qui devrait aujourd’hui guider notre économie, appelée à devenir régénératrice. Pour ma part, je l’appelle « Permaéconomie » en ce qu’elle fait sienne l’éthique et les principes de conception de la permaculture.
Diplômé de l’Inseec Paris et du MS Management de l’innovation, de la qualité et de l’environnement à Centrale Marseille, Emmanuel Delannoy a commencé sa carrière dans les technologies de l’information avant de se consacrer au développement durable. Consultant auprès de la Banque mondiale, du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique), des CCI et de nombreuses entreprises, il crée en 2008 l’Institut Inspire pour animer et expérimenter une réflexion stratégique sur les modèles économiques innovants, le biomimétisme et la biodiversité.
Expert lors du Grenelle de l’environnement, il sera chargé à plusieurs reprises de missions par le ministère de l’écologie, sur la préfiguration de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) ou sur les métiers de la biodiversité.
Il est l’auteur de « L’économie expliquée aux humains » et « Permaéconomie » aux éditions Wildproject.
Liens utiles :
www.pikaia.fr
www.permaeconomie.fr
(1) https://blog.pikaia.fr/biomimetisme/pour-un-biomimetisme-au-service-de-la-vie/
(2) « La biodiversité, un atout pour le développement économique et la création d’emploi. » : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/DELANNOY_BIODIV_Rapport_Final_20161117.pdf