Alain Trannoy économiste marseillais, spécialiste de la fiscalité poursuit son travail avec persévérance pour son projet de réforme de la fiscalité dont nous avons parlé dans Gomet’. Avec trois confrères, Odran Bonnet, Guillaume Chapelle et Étienne Wasmer il a publié un article « Land is back, it should be taxed, it can be taxed », paru dans la European economic review en 2021. Ils développent l’idée que la terre devrait être seule taxée parmi les divers composants du capital. Cette proposition de « taxe sur la terre » aurait des effets tant en matière de justice sociale que sur le plan de l’efficacité économique et écologique. Le jury de la 6e édition du prix Maurice Allais, Prix Nobel d’économie en 1988, a choisi de distinguer cette contribution à la recherche en fiscalité.
Après s’être prononcé dès 1966 en faveur de l’instauration d’un impôt sur le capital dans un article paru dans la Revue droit social, Maurice Allais plaidait, dans L’Impôt sur le capital et la réforme monétaire (1977), pour une abrogation de l’impôt sur le revenu au profit d’un impôt annuel de 2 % sur le capital matériel (machines, équipements, terre, immeubles, etc.), à l’exception du patrimoine financier.
L’apport d’Odran Bonnet, Guillaume Chapelle, Alain Trannoy et Étienne Wasmer à l’idée de Maurice Allais est de concentrer exclusivement l’impôt sur le capital foncier, d’une part, et, d’autre part, d’introduire un taux d’imposition différencié dépendant de l’usage du terrain : foncier non construit à visée spéculative, foncier à usage locatif, foncier à usage résidentiel, foncier industriel, commercial et professionnel.
Selon les lauréats du Prix, ce modèle de taxation doit permettre de rendre l’économie la plus productive possible, alors que la valeur du patrimoine foncier n’a cessé d’augmenter en France. Ainsi, un prélèvement de 2 % sur la valeur de tous les terrains détenus par les entreprises et les particuliers – estimée à 7 000 milliards d’euros – rapporterait 140 milliards d’euros par an et permettrait également d’alléger la fiscalité sur les autres éléments du capital et sur le travail, source d’un accroissement plausible d’un point de croissance française.
Cette taxe sur la terre à taux différenciés a une portée pratique considérable
Prix Maurice allais
Bertrand Munier, président du conseil scientifique, président du jury précise que « le jury choisit de récompenser un travail qui est à la fois un hommage, une critique et l’adaptation d’une idée chère à Maurice Allais : l’impôt sur le capital. Cette taxe sur la terre à taux différenciés a une portée pratique considérable, non seulement parce qu’elle taxe des rentes qui ne seront jamais que des incitations à la facilité au détriment de la création de vraies richesses et à l’encontre de la justice sociale, mais aussi parce que l’aggiornamento fiscal que ses auteurs proposent peut réinstaller l’économie française parmi les grandes nations développées. »
Décerné tous les deux ans, le Prix Maurice Allais de science économique vise à prolonger l’œuvre de Maurice Allais en orientant la recherche en économie dans les directions qu’il a tracées : l’application d’une véritable approche scientifique à l’analyse des questions économiques et le refus de toute démarche explicative fondée sur des a priori idéologiques ou conceptuels.
Liens utiles :
Alain Trannoy dans les archives de Gomet’
[Rediff] Entreprises : résister et rebondir, les interventions des nos invités
[Fiscalité] Taxation des superprofits ou de la terre ? Le choix d’Alain Trannoy
[Analyse] La strangulation prolongée de l’activité économique n’est pas une solution viable