C’est un sujet qui a le vent en poupe. Mercredi 29 septembre a eu lieu la réunion de point d’étape du débat initié le 12 juillet dernier par la Commission nationale du débat public (CNDP) concernant l’implantation d’éoliennes flottantes en Méditerranée. A cette occasion, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et la ministre de la Mer, Annick Girardin ont pu répondre aux (nombreuses) interrogations qui persistent sur la question. Le Golfe du Lion est-il vraiment l’endroit le plus propice à cette installation ? Quid de l’impact sur la biodiversité marine ?
Les citoyens qui prennent la parole remettent surtout en question une accélération impromptue du calendrier concernant la création de fermes commercialisables avant le résultat des fermes pilotes. Des questionnements auxquels la ministre de la Transition écologique répond avec fermeté : « Les fermes pilotes seront mises en service d’ici 2023. Or, si l’on attend les résultats définitifs, il faudra ensuite patienter quatre ans supplémentaires pour commercialiser. L’autre option, pour laquelle nous avons opté, consiste à prendre connaissance des résultats au fur et à mesure que nous construisons. Nous ne pouvons pas nous permettre de traîner et d’attendre 2027 pour commencer à créer des fermes commerciales, compte tenu de l’urgence climatique », tranche Barbara Pompili, assumant le choix de cette commercialisation anticipée.
Ce projet, porté à la fois par le ministère de la transition écologique et par le Réseau de transport d’électricité (RTE) pour le raccordement, consiste en la réalisation de deux parcs éoliens flottants commerciaux de 250 mégawatts (MW) chacun, composé respectivement d’une vingtaine d’éoliennes, et de leurs extensions, soit une cinquantaine d’éoliennes par parc, pour une durée de 25 à 30 ans. Un appel d’offres attribuera dès 2022 la création des parcs à un ou deux lauréats, puis la construction des extensions débutera à compter de 2024. Le périmètre du Golfe du Lion a été choisi en raison de vents fréquents, plus précisément sur quatre zones identifiées : le large du Parc naturel du Golfe du Lion, au large des Pyrénées orientales est de l’Aude, le large du cap d’Agde, celui de la Petite Camargue et enfin celui du golfe de Fos-sur-Mer. En revanche, le lieu d’implantation exact, lui, n’a pas encore été déterminé.
Combler une demande d’électricité toujours croissante
Barbara Pompili justifie le timing serré par l’urgence de la demande croissante de l’électricité. Un argument qui ne convainc pas tout le monde, comme Blandine Guichané, conseillère municipale déléguée à l’Agenda 2030 à Martigues. « Ce projet est une addition d’énergie mise à disposition de la population. Mais à aucun moment on ne parle de réduction de la consommation d’énergie. Ce projet d’éoliennes est une fuite en avant, sans remise en cause de nos modes de vie», s’insurge l’élue martégale.
Des propos qui ne font pas vaciller la conviction de la ministre de la Transition écologique, qui ne manque pas de rappeler au passage que des mesures sont prises pour réduire la consommation d’énergie. « Aujourd’hui, l’énergie la plus consommée est le pétrole. Si l’on veut ralentir le réchauffement climatique, c’est la consommation de pétrole qu’il faut éviter. Or, nous avons la possibilité de faire passer de nombreux usages pétroliers en usages électriques, à l’instar des voitures. C’est pourquoi on va avoir besoin de produire davantage d’électricité à bas coût, et les éoliennes vont nous y aider », argumente Barbara Pompili. En effet, l’éolien flottant est actuellement considéré comme une technologie productive, faiblement émettrice de CO2, et créatrice d’emplois.
Le président du RTE, Xavier Piechaczyc, précise « qu’une éolienne qui tourne se substitue à 77% à de l’électricité produite par une centrale thermique, qui est polluante. En Europe et en France, le prix de l’électricité flambe majoritairement parce que nous continuons à la produire avec du gaz. C’est pourquoi la solution est de développer les énergies renouvelables ». Les deux parcs de 250 MW prévus dans le projet produiront un total cumulé d’environ 2,2 TWh d’électricité, soit
l’équivalent de la consommation annuelle de 950 000 habitants (voir document source ci-dessous).
Quant au coût final de cette énergie décarbonée, il reste pour l’heure assez flou : « Plus un champ éolien est éloigné, plus l’électricité est chère. Le coût sera proportionnel à cet éloignement, au choix final de l’emplacement en Méditerranée», poursuit Xavier Piechaczyc. Il donne tout de même un ordre de grandeur : « Le raccordement pourrait varier de 450 à 850 millions d’euros par champ selon si on le place à 20 ou 60 kilomètres de la côte. La différence de coût sur ce raccordement se répercuterait alors sur le coût de l’électricité ». Or, l’emplacement exact des parcs n’est pas encore déterminé, notamment dans l’attente de résultats d’études sur la biodiversité marine.
Impact « limité» sur la biodiversité
Les citoyens ayant pris part au débat se montrent également préoccupés par l’impact sur la biodiversité. « On ne peut pas dire qu’il y aura zéro impact » reconnaît Barbara Pompili. «Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’actuellement, le plus gros risque pour la biodiversité est le réchauffement climatique, et c’est cela que nous devons limiter grâce aux éoliennes », nuance-t-elle.
La ministre tient néanmoins à rassurer sur plusieurs points : « Évidemment, il n’est pas question mettre les éoliennes sur les herbiers de Posidonie. Par ailleurs, le fait d’installer des éoliennes flottantes implique qu’on ne plante pas de pieu, donc l’impact sur le sol marin est moindre. Enfin, sur la question des oiseaux migrateurs, le Premier ministre a annoncé le lancement de l’étude Migralion pour étudier les couloirs de migration des oiseaux, afin de bien positionner les éoliennes ». Une étude financée à hauteur de 50 millions d’euros et qui doit porter sur l’ensemble des enjeux relatifs à la faune en Méditerranée, dont 4,2 millions consacrés spécifiquement aux oiseaux migrateurs. Le sujet de la biodiversité, en effet, n’est pas à prendre à la légère pour la bonne poursuite du projet : en janvier dernier, la justice annulait ainsi le projet d’éoliennes flottantes porté par EDF sur le site Provence Grand Large en raison de la mise en danger de trois espèces d’oiseaux présents sur le site (lire notre article).
Ce premier point d’étape est révélateur d’une opinion toujours mitigée sur la question de l’éolien en France. Le débat sur les éoliennes flottantes guidé par la CNDP s’achèvera le 31 octobre prochain. En attendant, il est encore possible de prendre part au débat à ce lien.