Après le transhumanisme et la techno-médecine, le Health Future Show a de nouveau dévoilé un pan de ce que sera la santé dans un avenir proche. Au Palais du Pharo, l’évènement a réuni un prestigieux plateau pour parler d’une discipline qui vient révolutionner la biologie : l’épigénétique. Pour résumer, il s’agit de l’étude de la modification de l’expression des gènes en fonction de l’environnement direct.
L’épigénome soumis aux aléas de la vie
Pour bien comprendre, il faut savoir que la partie « codante » de l’ADN ne représente que 2 % de sa totalité. « Il y a encore peu de temps, les scientifiques appelaient les 98 % restants : Junk DNA, de l’ADN poubelle car ils pensaient qu’il ne servait à rien. Maintenant, on sait que leur rôle est primordial », explique Joel de Rosnay, prospectiviste et conseiller du président d’Universcience sur la scène du Pharo. En effet, ce matériel encore mal connu permet aux cellules de lire et d’exprimer le code génétique de plusieurs manières différentes. C’est ce qui explique par exemple les différences entre deux vrais jumeaux.
De plus, contrairement au patrimoine génétique, l’épigénome est variable. Il est fortement influencé par le mode de vie et l’environnement direct de l’individu : alimentation, pollution, stress… Le règne animal donnent beaucoup d’exemples de modifications épigénétiques importantes. En Afrique, de plus en plus d’éléphants naissent sans défense à cause du braconnage et de leur isolement dans les parcs. Chez les abeilles, c’est la consommation de gelée royale qui va déterminer qu’une larve deviendra une reine. Les arbres aussi réagissent en changeant le goût de leurs branches les plus basses afin d’éloigner les prédateurs. Récemment, les scientifiques ont découvert des conséquences plus inquiétantes chez l’humain. Lors d’une grossesse, les mères soumises à un important niveau de stress sécrètent trop de cortisol, ce qui peut provoquer des modifications épigénétiques dangereuses pour le cerveau du fœtus. « Heureusement, nous avons le pouvoir d’agir sur cet environnement qui structure notre biologie », affirme Boris Cyrulnik, le célèbre neuropsychiatre.
Les découvertes sur l’épigénétique ont permis l’exploration de nouvelles pistes pour élaborer de nouveaux traitements médicaux. « Nous avons compris le rôle de certaines molécules capables d’agir sur les mutations épigénétiques. Certaines permettent par exemple de réactiver des gènes nécessaires à la lutte du système immunitaire contre le cancer », explique Frédérique Magdinier, directrice de recherche à l’Inserm. Ainsi, les laboratoires ont lancé de nombreux essais cliniques pour de nouveaux médicaments contre les cancers, les maladies auto-immunes, Parkinson, Alzheimer en encore le diabète. Mais en attendant de voir apparaître ces nouveaux traitements miracles, le corps humain est d’ores et déjà capable d’effectuer des prouesses en s’adaptant à son milieu.
Le corps s’adapte aux conditions extrêmes
Pour démontrer l’influence de l’environnement et la capacité d’évolution en un laps de temps assez rapide de la physiologie humaine, The Health Future Show a proposé une petite expérience avec un sportif de haut niveau. Le marseillais Morgan Bourch’is, double champion du monde d’apnée, s’est livré à trois sessions de une, trois puis cinq minutes sans respirer. Grâce au casque développé par la société Emotiv, l’assistance a pu suivre en direct ses niveaux de stress et de concentration. Les résultats ont montré que l’athlète peut maintenir un stress constant, « ce qui se retrouve chez tous les grands champions », explique Olivier Oullier, le président d’Emotiv qui a mené l’expérience. Et Morgan Bourch’is d’expliquer qu’il a pu « modifier son corps avec un peu d’entrainement pour prolonger les périodes d’apnée ». Ce changement corporel se retrouve chez le peuple Bajau, en Indonésie, des plongeurs nés capables de rester 13 minutes sous l’eau sans respirer. De récents travaux ont découverts qu’ils possèdent une rate surdéveloppée qui leur permet d’avoir plus de globules rouges dans le sang.
Un exemple typique de mutation épigénétique chez l’homme pour s’adapter à son environnement. Un autre aventurier, curieux de connaître la capacité d’adaptation du corps humain, est monté sur la scène du Futur Health Show. Christian Clot, spécialistes des expéditions extrêmes, a lancé le projet Human Adaptability in Situ. Il va bientôt accompagner une vingtaine de bénévoles dans des zones pour le moins hostiles : Iran (+ de 50°C), Sibérie (- 30 °C), Amazonie (100 % d’humidité) et Patagonie (- 20°C et 90 % d’humidité). Ce voyage sera l’occasion de mesurer les constantes de chacun et de vérifier comment le corps et le cerveau réagissent aux conditions extrêmes. Christian Clot a déjà mené l’expérience sur lui-même et en a tiré des premières leçons très intéressantes : « On a découvert que 27 zones du cerveau ont été modifiées après 30 jours de voyages. Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant mais nous publierons l’an prochain des résultats importants », annonce l’aventurier.
Lien utile :
> Les transhumanistes rêvent d’immortalité à la Villa Méditerranée