Le président de la République a donc décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale après avoir pris connaissance des résultats des élections Européennes. Ils étaient telluriques et les semaines qui s’annoncent seront sans aucun doute dévastatrices pour la Ve République. Emmanuel Macron s’apprête donc à vivre une cohabitation. Et il n’est pas besoin d’être grand clerc pour annoncer des lendemains qui déchantent pour la formation qu’il a créée et animée.
Tous les observateurs s’accordent désormais pour constater que l’élection présidentielle de 2022 fut plus un rejet de l’extrême droite représentée par Marine Le Pen, qu’un chèque en blanc signé à l’aveugle au locataire de l’Elysée. Le scrutin de ce 9 juin atteste d’un rejet puissant de la politique libérale conduite par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron.
Les résultats des élections européennes sont incontestablement un double échec. Pour le parti du Président d’abord mais aussi pour l’Europe. Les ultra-nationalistes progressent ou triomphent dans de nombreux pays du Vieux Continent et Emmanuel Macron, comme son Premier ministre, Gabriel Attal, subissent un revers cinglant. Leur implication dans la campagne de leur tête de liste Valérie Hayer a été contre-productive. Deux raisons peuvent être avancées.
La première c’est que l’enjeu a été dévoyé par l’extrême-droite et l’extrême-gauche : alliées objectives, elles ont pour l’une placé les enjeux sociétaux et l’immigration en tête de gondole, pour l’autre Gaza et la défense des musulmans au premier rang des revendications. La seconde, c’est que le parti Renaissance qui revendique la disruption chère au Président depuis 2017, n’a pas su créer autour de lui une coalition pour faire barrage aux extrêmes. Ce parti iconoclaste a perdu plus de la moitié de ses électeurs avec aujourd’hui 14% alors qu’Emmanuel Macron avait recueilli 28% au premier tour de l’élection présidentielle.
Renaissance et LR ne sont plus en mesure de dicter leur loi et il faut s’attendre à de douloureuses remises en question
La droite républicaine et le centre sont également dévalués, car le score du Rassemblement National de Marine Le Pen (32,5%) additionné à celui de Reconquête du couple Zemmour-Maréchal constitue une première dans l’histoire de la Ve République. Ils revendiquent plus de 40% de part de gâteau républicain. Les héritiers de Jean-Marie Le Pen lorgnent avec gourmandise la prochaine élection présidentielle de 2027, sûrs d’atteindre des sommets aux prochaines législatives.
Renaissance et LR ne sont plus en mesure de dicter leur loi et il faut s’attendre à de douloureuses remises en question dans ces camps dévastés, où bien des digues sont prêtes à rompre.
Après ce KO collectif, quelques voix s’élèvent néanmoins pour faire entendre des dissonances. Raphaël Glucksmann peut légitimement se réjouir d’avoir su, jusqu’au bout, porté une certaine idée de l’Europe fidèle à ses principes d’origine, tout en fustigeant les pouvoirs assujettis à un libéralisme décomplexé et brutal. Il obtient un score qui rappelle l’embellie enregistrée aux élections européennes de 2019 par le candidat des Verts, mais il ne peut ignorer que Yannick Jadot, illusionné par ce succès, avait connu un reflux sans appel au premier tour de la présidentielle de 2022. Le PS ne peut donc bomber le torse d’autant que la France Insoumise avec un score relativement honorable (autour de 10%) n’a rien perdu de sa capacité de nuisance. La lamentable cacophonie qui a suivi dans ce camp l’annonce présidentielle, laisse présager du pire.
Des voix se font pourtant entendre pour souligner l’urgence à reconstituer un pôle de gauche suffisamment armé pour résister au RN et ses alliés. Les 28% des Européennes si l’on fusionne les scores des Verts, de LFI et du PS suffiront-ils pour résister à la vague bleue marine qui menace ? Rien n’est moins sûr d’autant que Jean-Luc Mélenchon n’a pas dit son dernier mot et qu’il n’est pas l’homme politique le plus doué pour appeler au consensus. A moins que ce ne soit sous son autorité qu’il n’aime pas partager. Emmanuel Macron a allumé une mèche. A-t-il mesuré toutes les conséquences de la déflagration à venir ?