Après avoir voté en mars dernier la mobilisation de 620 millions d’euros supplémentaires d’ici 2028 fléchés vers l’eau, la Région Sud vient enfin de dévoiler les lignes de son plan « Or bleu.» Ce plan puise notamment dans des mesures mises en place dans d’autres pays, à l’instar de l’Espagne, mais aussi d’Israël, où le président de la Région Sud Renaud Muselier s’est rendu début mai.
Les mesures ont été annoncées à l’occasion des Etats régionaux de l’eau, organisés à l’hôtel de Région mercredi 7 juin. Elles ne sont pas sans faire écho aux volontés du Président de la République Emmanuel Macron, qui a lui-même annoncé sa stratégie sur l’eau en mars dernier, au bord du lac de Serre-Ponçon. Il fallait donc décliner sur le plan régional. Ce qui a donc été fait à l’occasion d’une séance d’interventions, à laquelle étaient conviés des présidents de département, mais aussi des acteurs économiques, notamment les président(e)s de Suez, Sabrina Soussan, et Veolia (Antoine Frérot), des start-up ou encore des représentants d’organismes à l’instar du président du Conseil mondial de l’eau, Loïc Fauchon. Et en guest star, Nicolas Pagnol, petit fils de Marcel, venu pour rappeler que, dans les romans de son grand-père, l’eau en Provence était déjà source d’inquiétude. « En Provence, on n’a jamais eu d’eau de toute façon et nos aînés ont toujours su trouver des solutions », martèle d’ailleurs Renaud Muselier qui veut « éviter le côté catastrophique de la situation » et affiche un « optimisme de combat » face aux problématiques actuelles.
Plan Or bleu : 3,5 milliards d’euros d’investissements
Au total, le plan « Or bleu » régional se chiffre à 3,5 milliards d’euros d’investissement, dont :
• 2,5 milliards jusqu’en 2028 abondés par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (soit 500 millions d’euros par an)
• 1 milliard de la Région fléché sur l’hydraulique agricole
• 620 millions d’euros de la société du canal de Provence d’ici 2028
• Projet Hauts de Provence Rhodanienne Nord Vaucluse : 105 millions d’€
• Investissements issus de l’étude Prohydra : 315 millions d’€
10% d’eau réutilisée d’ici 2028
Malgré tout, il est urgent d’agir. Et pour cela, le président de la Région Sud mise gros sur la réutilisation des eaux usées, mesure phare du plan présenté ce 7 juin, largement inspirée d’Israël qui, souligne la Région, « recycle à 80% son eau.» Renaud Muselier avait déjà annoncé sa volonté de mettre en place une expérimentation, se heurtant toutefois aux réticences de l’Agence régionale de santé (ARS). Des réticences visiblement dépassées : « Il n’y a pas de problème pour arroser nos champs ou nettoyer nos rues. Il faut quand même souligner que les Espagnols boivent cette eau traitée ! On y est pas encore en France, mais c’est bien la preuve que c’est possible en Europe » s’enthousiasme Renaud Muselier, interrogé par Gomet’. Cette réutilisation ne pourra toutefois être possible que pour les territoires dont le réseau d’eau distingue eau brute et eau potable, ce qui n’est pas le cas partout dans la Région … Pour atteindre l’objectif de 10% des eaux traitées d’ici la fin du mandat régional (2027), soit 50 millions de mètres cubes selon la Région, cette dernière va travailler étroitement avec les entreprises Suez et Veolia.
Un partenariat entre la Société du canal de Provence et Mekorot, la compagnie des eaux israélienne
La contribution entre la Région Sud et Israël va se poursuivre. C’est dans cet objectif que la Société du canal de Provence, dont la présidente Fabienne Joly faisait partie de la délégation accompagnant Renaud Muselier, a signé au cours du voyage une convention avec son homologue israélienne, Mekorot.
Les deux entités resteront en contact pour échanger les initiatives en matière de gestion de l’eau. De nouveaux partenariats entre les deux contrées sont à venir, de même qu’avec l’Espagne, promet Renaud Muselier. La SCP est délégataire de la Région Sud pour capter et acheminer sur le territoire l’eau du canal de Provence, lui-même alimenté par le Verdon.
A côté de la réutilisation des eaux usées, l’accent sera mis sur la sobriété. La Région, en charge des lycées, s’engage ainsi à réduire la pression de l’eau dans ces établissements. La collectivité promet aussi d’investir dans des récupérateurs d’eau de pluie « sur l’ensemble du patrimoine régional » et de mettre en place des aides pour que les particuliers puissent à leur tout s’équiper de ces outils à partir de 2024. Autre sujet majeur : la lutte contre les fuites d’eau. Au total, 10 millions d’euros sont fléchés vers cet objectif de sobriété. Enfin, la Région compte accompagner le projet de dérivation de l’eau douce issue de la production hydroélectrique du site EDF de Saint-Chamas. Jusqu’alors, l’eau douce était rejetée et mélangée à l’eau salée de l’étang de Berre, contribuant à la perturbation des écosystèmes. L’objectif est que cette eau douce soit récupérée et réutilisée (voir notre article).
Un appel d’offres pour des stations mobiles d’eau potable
Renaud Muselier a également annoncé le lancement prochain d’un appel d’offres pour la mise en place de stations mobiles d’eau potable pour approvisionner les agriculteurs et les communes en cas de sécheresse. Cette station prendrait la forme d’un camion-citerne, alimenté par des panneaux photovoltaïques, et génèrerait jusqu’à 800 litres d’eau à partir de celle contenue dans l’atmosphère … Une innovation qui n’est pas sans rappeler celle proposée par la société Atmosphérique Water (Grimaud) dont le PDG Jacques Benveniste a pris la parole lors des Etats régionaux de l’eau.
Prochaine étape : le président de la Région Sud veut profiter de la présence du Pape, le 23 septembre à Marseille, pour faire adouber les mesures prises en faveur de le Méditerranée dans le cadre du prochain forum Méditerranée du futur, qui sera cette année placé sous la thématique de l’eau.
L’eau, un sujet qui transcende les clivages politiques ?
Vendredi 2 juin, les élus Rassemblement National (RN) de la Région, qui constituent l’opposition, ont pris les devants des Etats régionaux pour présenter leurs propositions sur l’eau. Ces dernières rejoignent pour partie celles présentées par la majorité, et le plan eau d’Emmanuel Macron par la même occasion. « Il n’est pas question de faire un contre-plan » reconnaît d’ailleurs le président du groupe et député RN Franck Allisio. « Notre intention n’est pas de faire de politique politicienne sur ce sujet, mais d’apporter notre contribution à la réflexion. » Autre similarité : les élus RN plaident aussi pour une approche «positive» de l’écologie, à l’instar du président Renaissance de la Région. Parmi les mesures qui se recoupent, la réutilisation des eaux usées, la lutte contre les fuites ou encore la mise en place d’une tarification progressive de l’eau – une mesure également invoquée par le Président de la République à Serre-Ponçon. Ils se distinguent néanmoins sur d’autres mesures, notamment la désalinisation de l’eau, ou encore la cartographie de sources oubliées et cachées lors de travaux publics. Ils proposent également la mise en place d’une « task force » d’intervention rapide sur le réseau d’eau en cas de fuite ou d’incident. « Le conseil régional est la bonne échelle pour mener ces projets, mais nous aurons aussi besoin du législateur … » nuance Franck Allisio.
Liens utiles :
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