Après Jeff Koons en 2021, c’est au tour d’Yvon Lambert d’être l’invité du Mucem à faire dialoguer une sélection de sa collection avec celle du musée. Un concept qui fait mouche, tel un cabinet de curiosités grand format où les productions anonymes côtoient sans complexe les œuvres d’artistes célèbres. Passions partagées est à voir jusqu’au 23 septembre.
D’un côté, un musée héritier des collections d’art et de traditions populaires avec, dans ses réserves, plus de 350.000 objets, de l’autre, un marchand d’art et collectionneur qui a fait don à l’État, en 2000, de quelque 600 œuvres représentatives des courants artistiques majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. Aux visiteurs de découvrir ce dialogue plaisant, prétexte à exposer des artefacts et des œuvres, peu ou jamais montrés. Des rapprochements formels, pour la plupart, comme celui installé à l’entrée entre la sculpture Arme de jet de Daniel Dezeuze et un piège camarguais de 1860, ou, quelques vitrines plus loin, entre les sabots décorés par Jean-Michel Basquiat et offerts par l’artiste à Yvon Lambert pour s’excuser de ne pas le retrouver pour leur traditionnel repas dominical, et le chef d’œuvre d’Urbain Ollier, sabotier à la fin du XIXe siècle, à Caylus, dans le Tarn et Garonne. Ce “patrimoine du peu” comme le définissait Daniel Dezeuze et que l’on retrouve d’une certaine manière dans l’art minimaliste et conceptuel.
Dans chacune des cinq parties de l’exposition, de quoi contempler et s’étonner souvent de cette ambiguïté entre tradition et modernité, comme un gabarit en forme d’étoile pour la confection textile et la peinture de Niel Toroni, Empreintes de pinceau n°50,
Le parcours d’un adolescent collectionneur devenu marchand d’art
Yvon Lambert est un nom indissociable du marché de l’art contemporain. L’invitation du Mucem donne l’occasion de rappeler le parcours de cet homme qui a acheté sa première œuvre à 14 ans et ouvert, à 26 ans, sa première galerie, à Vence, sa ville natale. Trois ans plus tard, direction Paris, tout en gardant la Provence dans son cœur puisqu’il posera comme condition à sa donation de trouver un lieu dans la région et nulle part ailleurs. À Paris, Niele Toroni et Daniel Buren sont les premiers artistes à fréquenter la galerie. Celle-ci déménagera au gré des événements comme, en 1977, avecl’inauguration du Centre Pompidou duquel elle se rapprochera, rue du Grenier Saint-Lazare. Ou pour s’agrandir, rue Vieille du Temple, en 1986. Il ouvrira également une galerie à New York en 2003 puis à Londres, en 2008. Cette dernière sera de très courte durée en raison de la crise du marché. En 2011, Yvon Lambert décide de fermer sa galerie de Chelsea malgré son succès, mais le galeriste explique vouloir se recentrer sur Paris, puis dans la foulée, prendre un peu de distance avec ce métier qu’il exerce depuis 45 ans “afin de garder son amour des œuvres et sa relation aux artistes intactes”, comme il l’écrira dans un communiqué. Denis Oppeheim, Christo, So LeWitt, Cy Towmbly, Jean-Michel Basquiat, Julian Schnabel, Jean-Charles Blais, Richard Combas, Anselm Kieffer, Nan Goldin, Christian Boltanski, Barbara Kruger, Miguel Barcelo et bien d’autres ont été défendus par Yvon Lambert, exposés ou nourri sa collection personnelle. Plusieurs d’entre eux et d’autres sont présents au Mucem.
Des interventions graphiques et littéraires
À l’occasion de cette exposition, l’artiste peintre designer Nathalie Pasquier, membre du groupe Memphis auprès d’Ettore Sottsass, a été invitée à concevoir une cabine pour y accueillir les projets des chapelles de Vence réalisés en 1994 par Jean-Charles Blais, Sol LeWitt, Jean-Michel Ottoniel, Niel Toroni, Robert Barry à l’invitation d’Yvon Lambert, et à l’extérieur de laquelle, quelques objets de la collection du Mucem liés aux croyances et coutumes en Provence. À la fin du parcours, on retrouve, sur tout un pan de mur, un autre travail de Nathalie Pasquier tout aussi coloré et composé d’une série de douze affiches autour du calendrier révolutionnaire de Fabre d’Églantine. L’artiste et la galerie en ont fait don au Mucem. Enfin, à côté de cartels, Ryoko Sekiguchi invite à un parcours poétique à travers ses petits textes, inspirés des collections du musée.
De Basquiat à Édith Piaf : Passions partagées
> du 17 avril au 23 septembre 2024
> tous les jours sauf le mardi et le 1er mai
> Tarif Mucem 11€ / 7,50 € (pour la journée – expositions temporaires et permanentes)
> Gratuité le 1er dimanche de chaque mois
Le site du Mucem
Le site de la collection Lambert à Avignon