Tourisme au point mort, arrêt des transports scolaires, service minimum pour les lignes régulières… Le transport de voyageurs est l’un des secteurs les plus touchés par la crise du Covid-19. Jean-Paul Lieutaud, président de la fédération des transports de voyageurs (FNTV) Paca craint pour l’avenir des petites entreprises de la filière.
Quelle est la situation pour les transporteurs de voyageurs dans la région ?
Jean-Paul Lieutaud : La majeure partie de notre activité est complètement à l’arrêt. Certains transporteurs ne travaillent qu’avec le tourisme, ceux-là sont les plus impactés car il n’y a plus du tout de voyageurs. Leur chiffre d’affaires est à zéro depuis quinze jours. Pour les TPE-PME qui étaient déjà un peu fragile, c’est catastrophique. Les petits transporteurs ne s’en sortiront pas. Je connais déjà une petite dizaine d’entreprises de la région qui m’ont indiqué qu’ils devront mettre la clé sous la porte.
Avez-vous des chiffres sur les pertes engendrées ?
J-P. L : C’est encore trop tôt pour avoir des éléments précis. Pour ma société, les cars Lieutaud, je sais que nous avons perdu 200 000 euros de chiffre depuis le début du mois et cela va continuer. Mais le tourisme ne représente que la moitié de notre activité. Heureusement, nous avons aussi des contrats avec la Région Sud pour les transports scolaires et des lignes régulières de passagers.
Pourtant, avec la fermeture des écoles, collèges et lycées, les transports scolaires sont également à l’arrêt…
J-P. L : Oui mais la FNTV a signé un accord avec la Région pour qu’elle continue à nous rémunérer un minimum pendant cette période. J’avoue que le président de la Région Renaud Muselier a été très réactif. Nous l’avons rencontré vendredi 13 mars au matin et le soir même, on avait un accord. La région nous assure la totalité de la part fixe du contrat et 25 % de la part variable. C’est la première région de France à avoir assuré ce soutien pour nous permettre de respirer un peu.
Vous continuez à assurer les lignes régulières de passagers ?
J-P. L : Oui mais depuis mardi 17 mars nous sommes passés en service minimum. C’est-à-dire en général un passage le matin et un le soir. On doit permettre aux gens qui doivent travailler de continuer à voyager mais le trafic est réduit au strict minimum.
Avez-vous déjà fait appel au chômage partiel ?
J-P. L : Oui, très largement. Aujourd’hui, 95% de mon personnel, soit 110 salariés, sont en chômage partiel et beaucoup de mes collègues sont dans la même situation. On vient de déposer les dossiers et on attend une réponse d’ici la fin du mois. Cette mesure est rétroactive donc ça devrait nous aider à payer l’ensemble des salariés pour mars. Mais je reste très inquiet pour la suite si la crise continue à durer.
Pensez-vous que les mesures de soutien du gouvernement sont insuffisantes ?
Je doute que l’Etat mesure réellement le coût de cette crise pour l’économie
Jean-Paul Lieutaud
J-P. L : Je reste très prudent sur les effets d’annonces. Je doute que l’Etat mesure réellement le coût de cette crise pour l’économie, notamment le secteur des transports. Quand viendra l’heure des comptes, je suis sûr qu’il faudra faire des choix et que tout le monde ne pourra pas être indemnisé. Le report des charges annoncé est également insuffisant. Pour le moment, ça nous permet d’être sous cloche mais au moment de la reprise, notre trésorerie sera toujours à zéro. A moins d’un étalement du paiement sur une très longue période, on ne pourra régler ce que l’on doit. Il faut que le gouvernement réalise cela et annule tout simplement les impôts et les charges sociales sur la période.
Quand viendra le moment de la reprise, les transporteurs seront-ils prêts pour répondre à la demande ?
J-P. L : Ce sera très compliqué. Il faudra déroger à la règle pour nous permettre de reprendre l’activité. Par exemple, nos conducteurs sont obligés de suivre des formations régulières pour exercer. Dans deux mois, ils ne seront plus à jour et ne pourront plus travailler si l’on s’en tient aux lois actuelles. Même chose pour les cars. En juin, près de 20 % de ma flotte verra son contrôle technique périmé. On ne peut plus faire le nécessaire en ce moment et quand il faudra repartir, cela prendra beaucoup de temps pour rattraper le retard. Le gouvernement devra assouplir les règles pour nous permettre de relancer l’activité.
Le ministre de l’économie Bruno Le Maire insiste sur « zéro revenu = zéro dépense ». Aujourd’hui, vous ne sortez plus d’argent ?
J-P. L : Bien sûr que si. Mon entreprise qui bénéficie encore de rentrée comme celles qui n’en ont plus du tout. Nous avons par exemple de gros frais d’assurances pour nos véhicules même si ils sont à l’arrêt. Pour l’instant, je n’ai pas entendu de mesures pour éviter de payer les assureurs. Il faut que l’Etat fasse pression sur ces derniers pour leur demander une suspension des frais. D’autant qu’ils ne sont aujourd’hui que deux à faire la pluie et le beau temps.
Vous continuez d’assurer quelques lignes régulières de passagers. Quelles mesures adoptez-vous pour assurer la sécurité des personnes à bord des véhicules ?
On fait ce qu’on peut mais c’est très difficile d’assurer le risque zéro
Jean-Paul Lieutaud
J-P. L : On aménage un espace sanitaire en limitant les contacts entre les passagers et avec les conducteurs. On désinfecte totalement les véhicules, nous l’avons d’ailleurs toujours fait. Par contre, on nous demande de fournir du gel hydroalcoolique mais c’est très difficile d’en trouver. Dans les faits, on fait ce qu’on peut mais c’est très difficile d’assurer le risque zéro quand on ne nous donne pas les moyens suffisants.
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