ArcelorMittal à Fos-sur-Mer inaugurait le 26 septembre 2024 un four poche, une « installation de dernière génération pour produire de l’acier en réduisant les émissions de carbone ».
Mais qu’est-ce qu’un four poche ? La question se complique, lorsque l’on apprend d’abord, que ce n’est pas un four, puis que l’on constate que l’équipement n’a rien d’une poche. Mes origines helvétiques m’incitent à y voir un « caquelon », aux dimensions hors normes, qui accueillerait une sorte de fondue, un peu chaude, à 1 600°C ! Ce caquelon pèse à lui seul 120 tonnes, mesure six mètres de haut et affiche un tour de taille de 5 mètres. Il accueille 335 tonnes de fonte en fusion.
En fait, nous sommes en sortie du haut-fourneau d’ArcelorMittal, le groupe investit pour sa décarbonation et s’est fixé pour objectif de baisser de 35% d’ici 2030 ses émissions.
Ce « four poche », car il faudra bien l’appeler par son nom, permet d’introduire dans la ligne de production des aciers recyclés. La fonte issue du fourneau serait la plus facile à travailler, le site le fait depuis un demi-siècle. Mais chaque tonne émet deux tonnes de CO2. Le fait d’introduire de l’acier recyclé permet de faire baisser le bilan carbone de 10 % sur l’acier produit. Mais il faut alors cette manipulation, dans une nouvelle installation, qui consiste à plonger trois électrodes géantes dans la fonte pour la maintenir à température alors que l’acier recyclé a tendance à refroidir « la fondue ».
ArcelorMittal à Fos dans l’économie circulaire
C’est une étape majeure qui inscrit enfin la sidérurgie fosséenne dans l’économie circulaire. Le site de Fos pourra ainsi passer de 100 000 tonnes d’acier recyclé à 500 000 tonnes. En sortie, chaque poche permet de produire 10 brames, donc 10 bobines d’acier. Mais l’équipement est fortement consommateur d’énergie, puisque pour chauffer une poche de 500 tonnes, il faut l’énergie correspondant à la consommation d’un ménage français pendant un an (une puissance de 50 MW). À terme, lorsque les mises au point seront terminées, 20 à 25 poches devraient sortir par jour.
Ce nouvel équipement avait été annoncé par Bruno Le Maire lors d’une visite d’ArcelorMittal, il y a trois ans dans le cadre de la décarbonation de la sidérurgie. Nous en connaissons deux étapes : 2030 donc une baisse de 35% et 2050, la neutralité carbone.
Le four poche d’ArcelorMittal à Fos : quatre ans de gestation
Il aura fallu quatre ans pour la gestation de cet équipement dont deux années d’études préalables. La construction s’est achevée au premier trimestre 2024 après deux ans de chantier et les équipes sont entrées dans la phase de test de ce nouvel outil depuis l’été 2024.
Le four poche représente un investissement de 76 millions d’euros, porté par le groupe et soutenu à hauteur de 15 millions d’euros par l’État dans le cadre de France relance (intégré à France 2030 et opéré par l’Ademe).
Ce projet a mobilisé des équipes de plus de 150 personnes sur les pics du chantier aux côtés des spécialistes de l’entreprise en travaux neufs, des aciéristes, mais aussi des entreprises extérieures pour la construction du four poche. Cet équipement n’est pas une nouveauté dans le monde des aciéristes, mais il n’y en a qu’une vingtaine en Europe et ceux de cette taille sont plutôt rares : celui du voisin Ascometal (repris par l’italien Marcegaglia) est deux fois plus modeste.
Un élément de pérennité du site
« C’est un élément de pérennité du site », affirme Pierre Mabelly, chef de projet lors de la visite de presse. « Notre usine à 50 ans. Nous devons être en phase avec le marché, particulièrement le marché automobile qui représente 30 % de nos ventes et offrir un acier de grande qualité et décarboné. » Le site de Fos-sur-Mer produit une gamme de plus de 150 nuances d’aciers dont un tiers rejoindra la filière automobile : pièces de sécurité, aciers électriques pour les moteurs des voitures électriques ou hybrides. Les deux tiers sont des aciers qui équiperont les industries : le bâtiment, l’agriculture et l’énergie.
« Il faut être humble par rapport à l’acier en fusion »
L’unité connaît une phase de montée en production. Les équipes s’approprient cette nouvelle installation. La sécurité est une préoccupation première chez ArcelorMittal, avec un contrôle des poussières, des masques, des combinaisons, des gants, des lunettes obligatoires qui ont transformé une équipe de journalistes en visite de presse en aciéristes d’un jour. « On se forme, on forme et il faut être humble par rapport à l’acier en fusion qui rappelons-le est à 1 600 degrés » confirme Christian Vromen responsable de la décarbonation.
Pour François Sgro, qui succède à Bruno Ribo en tant que directeur général d’ArcelorMittal Méditerranée « la concrétisation de ce projet est positive pour le climat et l’environnement. Elle a également beaucoup d’importance pour les équipes, très attachées au site de Fos-sur-Mer, cinquantenaire cette année ».
En même temps que l’inauguration de ce four poche, le groupe ArcelorMittal a fêté son anniversaire : les 50 ans de son implantation dans le cadre « des industries industrialisantes» des années 70, de la planification gaulliste et des investissements qui ont transformé cette terre de Camargue en un site industriel européen. Étaient présentes toutes les personnalités de l’écosystème industriel bucco-rhodanien avec Christophe Mirmand, préfet de région, Isabelle Campagnola-Savon, présidente de la Commission Entreprises de la Région Sud, René Raimondi, Maire de Fos-sur-Mer, Régis Passerieux adoubé in situ comme commissaire à l’industrialisation.
« Ce site industriel fait partie de ma vie a souligné le maire de Fos. Les salariés du territoire souffrent, a-t-il rappelé, en évoquant la baisse d’effectif annoncée par ArcelorMittal ; une nouvelle page s’ouvre et nous devons l’écrire ensemble.»
Visite de presse du 26 septembre 2024 © Apothéloz
En savoir plus :
Notre dossier d’actualités sur les projets industriels à Fos
L’actualité d’ArcelorMittal dans les archives de Gomet’