« Ses avocats voulaient lui éviter la gifle publique. Avec une peine de huit mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité, les juges d’appel de Montpellier lui en ont mis d’eux ». Style à l’emporte-pièce dans la presse locale, pour relater la dernière péripétie judiciaire au cœur de laquelle Mme la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains-Masini, 78 ans, a tenu le rôle principal. Et nous revoilà au temps de la Rome antique avec ce « malheur au vaincu », le célèbre « vae victis » prononcé par le chef gaulois Brennus, en 387 avant Jésus-Christ, autorisant le sac de Rome à ses troupes victorieuses. Et l’opposition aixoise, du Parti Communiste à LREM, en passant par le FN, de juger scandaleux le pourvoi en cassation de celle qui règne sur la ville, sans partage, depuis vingt ans. La vieille dame réputée donc « indigne » par ses ennemis, est vouée au pilori, cet engin de torture issu du droit seigneurial qui permettait d’exposer les condamnés au centre du village et de les soumettre aux gémonies du peuple et de sa violence.
Les contempteurs de l’édile aixoise diront que celle que Jean-Claude Gaudin appelait avec une pincée d’ironie « la dame d’Aix », ne recueille aujourd’hui que la monnaie de sa pièce. Ils ont beau jeu de rappeler qu’il n’y a pas à attendre d’eux quelque courtoisie que ce soit. Ils rappellent du reste qu’elle ne souhaitait surtout pas les égards que la bonne bourgeoisie aixoise réserve en principe à la gent féminine. L’ancienne guichetière à la sécurité sociale, ex-adhérente de la CGT et du Parti Communiste n’en réclamait pas tant, elle qui refusait à tout crin, l’écriture inclusive : « C’est une laideur qu’inflige à la langue une bande de gonzesses ». Et, circonstance aggravante diront les avocats généraux qui se précipitent en ces temps vengeurs à la barre, elle revendiquait volontiers la virilité de ses affirmations. Lorsque François Hollande fut élu, « Maryse » comme on l’appelle sur le cours Mirabeau, osait cette répartie, devant les médias pétrifiés par sa vindicte : « Je ne pense pas que François Hollande soit légitime parce qu’il y arrive après un combat anti-démocratique comme on ne l’a jamais vu dans ce pays et que par voie de conséquence, je ne me sens pas liée par ce président de la République que j’estime illégitime ». Et d’ajouter, devant l’effet produit, que le socialiste était « un danger pour la République ». Pour faire bonne mesure elle enchérissait, rigolarde, que le nouveau locataire de l’Elysée n’avait pas le « physique » d’un président de la République.
Les citoyens aixois ne lui ont jamais, en deux décennies, tenu rigueur de ses envolées paillardes
Le temps n’a pas policé son langage, d’autant que les citoyens aixois ne lui ont jamais, en deux décennies, tenu rigueur de ses envolées paillardes ou de ses formules brutales. Partageant son aversion pour la métropole Aix-Marseille ils approuvèrent, dans une surprenante unanimité, lorsqu’elle en appela à la « guerre totale » empruntant, sans doute à « l’insu de son plein gré », au vocable de Joseph Goebbels. Enfin, il fut assourdissant le silence qui salua sa performance sur France Bleu Provence, lorsqu’elle lança cette injonction au ministre de la Santé : « Véran mérite que je lui dise Ferme-la ! ». N’en jetez plus la cour est pleine.
Un ancien député rappelait enfin que lorsqu’elle est entrée pour la première fois dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, en 2002, elle salua ses collègues parlementaires avec un sonore « bonjour à tout le monde ». Depuis le perchoir, où il sévissait, Jean-Louis Debré, alors président de cette chambre, lui répondit, « Bonjour à vous aussi madame ! ».
« Je suis une panthère moi ! »
Maryse Joissains
On l’aura donc compris « Maryse » fut un style. Mais aujourd’hui ce sont les stylets de l’opposition et sans doute aussi de quelques-uns de ses amis qu’elle doit affronter. Elle a mis ces derniers jours un genou à terre, et sur les recommandations de ses médecins s’est écartée de la vie publique. Peut-elle pour autant s’en éloigner durablement ? Pierre Daninos prétendait que « l’autruche était le seul animal doué de sens politique ». Ce serait faire injure à la maire d’Aix de le penser. Nous avions écrit il y a quelques années déjà, à propos de l’ancien maire d’Aix, Jean-François Picheral qu’il pouvait, comme parfois les vieux lions, se réveiller sans prévenir. Il ne le fit jamais. Mais Mme Joissains nous rappela après avoir lu notre article qu’il trouverait en face de lui un autre animal : « je suis une panthère moi ! ».
Si la cour de Cassation venait à confirmer la condamnation de la cour d’appel de Montpellier à trois ans d’inéligibilité, il ne lui resterait qu’à rétracter ses griffes et à s’installer à la fenêtre de son refuge de la rue Mignet, pour enfin voir ses adversaires montrer les crocs et se disputer la dépouille de Madame Sans Gêne.