« Marseille est ville de lumière. Et de vent. Ce fameux mistral qui s’engouffre dans le haut de ses ruelles et balaie tout jusqu’à la mer. » C’est sans doute pour la première affirmation de Jean-Claude Izzo, dans son roman Solea, que certains politiques ont la conviction qu’il faut un jour s’amarrer au Vieux Port pour se mettre sous les sunlights et conquérir la France. Bernard Tapie l’a cru. Jean-Marie Le Pen aussi. Et, aujourd’hui encore, Jean-Luc Mélenchon. Le député de la 4ème circonscription marseillaise est convaincu, pour la troisième fois, qu’il a rendez-vous avec l’Histoire. Faut-il encore que les vents soient porteurs et qu’ils ne faiblissent pas d’ici 2022. Ils peuvent, comme en prévient Izzo, vous balayer et vous perdre en mer, là où l’horizon et l’étendue liquide ne font plus qu’un.
Mélenchon depuis qu’il a proclamé haut et très fort, lors d’un épisode politico judiciaire tragi-comique, que sa « personne » était « sacrée » et que la République c’était lui, squatte les limbes improbables d’un paradis républicain, où « les âmes justes » attendent leur heure.
« Le révolutionnaire de 1920 écrivait des livres et en lisait beaucoup mais ne devait pas se faire voir. Le contestataire de 2020 n’écrit pas une ligne mais doit beaucoup se montrer. »
Régis Debray
Revenu sur terre et entouré de communicants hors pair, il s’engouffre cependant dans les espaces infinis qu’une république virtuelle a ouvert. Il a lu sans doute Umberto Eco qui déplorait les dérives de ce monde nouveau : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. » Une réflexion amère que prolonge, à l’adresse des politiques, Régis Debray dans sa dernière livraison (« D’un siècle à l’autre » chez Gallimard) : « Le révolutionnaire de 1920 écrivait des livres et en lisait beaucoup mais ne devait pas se faire voir. Le contestataire de 2020 n’écrit pas une ligne mais doit beaucoup se montrer. » Mélenchon s’exécute sans fausse pudeur, prenant rendez-vous dans les médias qu’il n’a pourtant jamais cessé de vouer aux gémonies à l’instar de sa garde rapprochée. Et comme l’Elysée vaut bien la grand-messe du 20h, il a choisi TF1 pour frapper les trois coups et annoncer le troisième acte de son psychodrame. Il a fixé sans concertation excessive de sa base et moins encore de potentiels alliés, à 150 000 la jauge nécessaire pour se qualifier dans ce qu’un de ses détracteurs a appelé « une primaire avec un seul candidat ». Une sorte de click and collect à la mode « insoumise ».