La saison touristique est partie sur les chapeaux de roues dans les Bouches-du-Rhône. En mars, le territoire atteste d’une forte fréquentation et des taux d’occupation supérieurs à 2022. « On a déjà beaucoup de touristes étrangers sur notre territoire (…) avec des Anglais et des Allemands », remarque Danielle Milon, vice-présidente en charge du tourisme au sein du Département et de la Métropole Aix-Marseille, à l’occasion d’un point presse avec vue panoramique organisé le 7 avril au 30e étage de la tour La Marseillaise.
Après plusieurs années frappées du sceau de la pandémie de Covid, la maire de Cassis s’attend à une « longue et belle saison » qui sera prolongée jusqu’à l’automne avec la coupe du monde de rugby. La compétition devrait attirer, entre septembre et octobre, près de 450 000 visiteurs sur le sol français. Six matchs sont prévus au stade Vélodrome et de nombreux fans ont déjà réservé leur chambre à Marseille. Sans oublier la visite du Pape François, prévue le 23 septembre à Marseille qui pourrait, elle aussi, rassembler les foules.
Les locaux redécouvrent leur territoire.
Isabelle Brémond, directrice générale de Provence Tourisme
Les Bouches-du-Rhône accueillent annuellement huit millions de voyageurs, soit quatre fois la population résidente, pour 41 millions de nuitées. Mais cette année, « on s’attend à plus de monde », se réjouit Isabelle Brémond, la directrice générale de Provence Tourisme. Les offices de tourisme du territoire s’accordent sur les prévisions d’une augmentation de la fréquentation touristique comprise entre 10 et 15%, avec une clientèle française largement majoritaire (9 touristes sur 10). Les locaux « redécouvrent leur territoire », poursuit la dirigeante.
L’économie touristique représente 50 000 emplois directs ou indirects, et génère 8% du produit intérieur brut (PIB) des Bouches-du-Rhône. Le département compte près de 283 000 lits touristiques et 3000 restaurants, dont 25 étoilés.
La saison 2023 bénéficie en outre d’un calendrier propice aux déplacements. Et pour cause, les week-end prolongés sont au nombre de quatre cette année, contre deux lors du précédent exercice. Par exemple, le 1er et le 8 mai tombent un lundi, et pas un dimanche comme c’était la cas en 2022. Une donnée qui explique notamment la hausse des réservations déjà visible sur ces deux week-end.
Par ailleurs, « la saisonnalité a énormément bougé », constate Isabelle Brémond. Et le phénomène est tout récent. « Traditionnellement, la fréquentation touristique démarrait au mois d’avril, à la Feria d’Arles, mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, on voit bien que les vacances de février sont importantes ». Cette année, la fréquentation hivernale est d’ailleurs 18% supérieure à celle de 2019, pourtant une année de référence.
Location saisonnière : le collectif « Un centre-ville pour tous » dit stop
La location saisonnière dans les Bouches-du-Rhône affiche une avance sur les réservations d’avril à décembre 2023 (+14% par rapport à 2022). Avec par exemple, près de 100 000 nuits déjà réservées au 15 mars pour le mois de mai, et des locations multipliées par sept sur le territoire pour la période septembre – octobre, au moment de la coupe du monde de rugby.
Des prévisions touristiques qui ne réjouissent pas le collectif marseillais « Un centre ville pour tous ». Dans une tribune publiée sur le site Marsactu, il dénonce « l’explosion du marché Airbnb, profitant à quelques rentiers multipropriétaires, détournant la fonction première d’un logement, celle d’être utilisée pour habiter, et enfin contribuant à raréfier l’offre ». Marseille concentrerait en effet un « stock » de 40 000 demandes de logements sociaux sans réponse.
Le collectif réclame un encadrement plus strict de la location saisonnière : une seule résidence secondaire louable, et 120 jours maximum de location pour les résidences principales. « Un centre ville pour tous » recommande également de doubler la majoration de la taxe d’habitation des résidences secondaires mises en location de courte durée.
Le « slow tourisme » a le vent en poupe
L’été 2022 a été marqué par des épisodes de canicule et de sécheresse importants à l’échelle nationale. On se souvient, dans les Bouches-du-Rhône, du terrible incendie de la montagnette qui avait brûlé près de 1450 hectares de forêt. « Ces événements sont amenés à se reproduire », s’attriste Provence Tourisme dans son étude annuelle.
La structure s’attend, dans les années à venir, à « des réservations tardives, des modifications de destination, des reports de clientèles » au moment de la période estivale, qui représente près d’une nuitée sur deux. « Nous allons réfléchir demain à différentes façons de promouvoir notre territoire », plaide Isabelle Brémond. Selon elle, le tourisme responsable et durable « devient un signe fort ».
« On ne veut plus s’agglutiner sur les plages »
Les voyageurs cherchent aujourd’hui à voyager moins loin, pour réduire à la fois les coûts et leur empreinte carbone. « On ne veut plus s’agglutiner sur les plages (…) on a besoin de détente, de dépaysement et de vivre une expérience unique », explique Isabelle Brémond. Aux collectivités et hôteliers d’adapter leur offre. « On n’est plus dans une logique de conquête, mais de préservation », assure Danielle Milon.
On n’est plus dans une logique de conquête, mais de préservation.
Danielle Milon, la maire de Cassis
Une des solutions envisagées pour lutter contre le tourisme de masse consiste notamment à étaler la programmation culturelle et sportive dans le temps, afin d’équilibrer la fréquentation touristique. « On préfère programmer certains événements, comme des grosses expositions, sur les quatre mois d’hiver, quitte à perdre un peu sur les deux gros mois d’été », illustre Michel Fraisset, le directeur de l’office de tourisme d’Aix-en-Provence.
Aix-en-Provence cherche à se « désaisonnaliser »
L’office de tourisme d’Aix-en-Provence a organisé jeudi 6 avril ses premiers rendez-vous du tourisme aixois, en présence d’élus et de nombreux professionnels issus de la filière, tous souriants ce jour-là. L’occasion de faire un point sur la conjoncture, et sur les prévisions pour la saison 2023, qui se présentent sous les meilleurs auspices. Plusieurs hôteliers locaux ont notamment témoigné d’un « très bon mois de mars », avec de forts taux d’occupation.
Le Pays d’Aix accueille chaque année près de deux millions de visiteurs. Selon l’office aixois, l’activité touristique génère pour le territoire environ 230 millions de retombées économiques. Après plus de deux ans de pandémie, la cité aux mille fontaines serait d’ailleurs en bonne voie pour retrouver ses standards pré-Covid, malgré quelques difficultés persistantes, tout comme le reste du département, à attirer une clientèle extra-continentale.
Fort de cette attractivité croissante, le président de l’office de tourisme, Stéphane Paoli, souhaite lui aussi étaler la fréquentation dans le temps. Une manière de rendre le tourisme « plus responsable et moins impactant » pour le territoire – la Sainte Victoire, par exemple, étant particulièrement sollicitée l’été – mais aussi de « combler les périodes de creux ». Histoire de remplir les restaurants et autres commerces de janvier jusqu’à décembre.
On veut ne veut pas réduire la volumétrie, on veut l’étaler pour permettre au territoire de mieux l’absorber.
Stéphane Paoli, président de l’office du tourisme d’Aix-en-Provence
Aix cherche en effet à se « désaisonnaliser », explique Jean-Philippe Alfonsi, le responsable du pôle promotion et commercialisation. Il n’est donc pas impossible, dans les prochaines années, que des festivals, des grandes manifestations culturelles ou des compétitions sportives soient organisés à l’automne, voire en période hivernale.
Côté stratégie, les communes du pays d’Aix misent particulièrement sur les réservations des couples en « city break », et sur le réveil du tourisme d’affaires. Le territoire espère également saisir l’opportunité du « revenge travel ». Un néologisme utilisé par certains spécialistes pour qualifier le besoin frénétique de s’évader afin de rattraper le temps perdu après deux ans de quasi-sédentarité liée à la pandémie.
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