En avril, Jean-Claude Gaudin devrait se découvrir d’un fil, dans sa biographie. On l’attend. Parce qu’on imagine qu’il a réservé quelques chapitres musclés à ceux, particulièrement dans son camp, qui ont accompagné la fin de son mandat de plus de reproches que de louanges. Renaud Muselier, président de la Région qui fut de cet équipage-là dans deux des quatre mandats de l’ancien maire, n’a pas visiblement fini lui, d’écrire ce qui ressemble à un règlement de comptes. Même s’il a demandé un peu de bienveillance à ceux qui se réjouissaient de la récente longue garde à vue de Gaudin, Muselier est toujours en guerre en ce mois de Mars très martial.
Devant Jean-Michel Apathie (LCi), l’élu régional a encore dit cette semaine, tout le mal qu’il pensait de la gestion passée de la municipalité de Marseille. Et quand Benoît Payan regrette que Jean Castex, le Premier ministre, ait oublié sa ville dans des annonces récentes d’aides financières, Renaud Muselier rappelle que Marseille a systématiquement tourné le dos lors des deux derniers mandats municipaux, à des aides européennes. En substance le président de région explique que la ville a été incapable de monter les dossiers, qui ont permis, à Nice et à Toulon, d’engranger cinq milliards d’euros pour la première et trois milliards pour la seconde. Faute de réactivité, la deuxième ville de France n’aurait obtenu qu’un petit milliard. Mazette !
Le médecin marseillais diagnostique dès lors une absence de compétence, rare à ce niveau, des hauts fonctionnaires capables de ficeler les feuillets qui auraient convaincu Bruxelles.
Emmanuel Macron aurait été très attentif à la situation
Payan qui fut un observateur attentif et appliqué, lorsqu’il assumait le leadership de l’opposition sous l’ère gaudinienne, ne peut pas être indifférent à ce qu’induit la nouvelle charge, sabre au clair, du petit-fils de l’amiral Muselier. Mais, pour l’heure, ce n’est pas vers l’épicentre de la communauté européenne que le socialiste a tendu toute sa volonté, mais vers la capitale française où il est allé partager à l’Elysée une blanquette de veau. Elle a eu l’avantage de ne pas le faire tomber sur un os. Emmanuel Macron aurait été, selon quelques indiscrétions savamment distillées, très attentif à la situation de cette grande ville pour laquelle il nourrit quelque affection, à commencer pour son mythique club de football. Payan, génération oblige, a estimé qu’un certain feeling s’était instauré entre lui et le locataire du 55, rue du Faubourg Saint-Honoré, pouvant laisser présager du mariage heureux d’ambitions partagées. Mais en vieux routier de la politique, il se refuse de s’esbaudir devant la mariée, tant qu’il n’a pas vu la dot. Il a donc fait savoir, en même temps, à celui qui est en marche pour 2022, que les écoles marseillaises avaient l’urgent besoin d’un milliard, pour sortir du ghetto misérable où on les a condamnées jusqu’ici.
On imagine que le pouvoir central attend donc d’examiner les dossiers qui permettront à cette ville martyrisée, humiliée mais désormais libérée, de sortir du marasme où deux mandats de trop l’ont entraînée.
Et voilà donc l’argumentaire de Muselier qui refait surface : a-t-on dans les étages de la place Bargemon, les compétences requises pour être crédibles au plan administratif ? A lire nos confrères du Ravi il y a loin de la coupe aux lèvres, car Benoît Payan doit, pour muscler ses équipes, surmonter un écueil de taille, l’omnipotence de Force Ouvrière.
Le sort que la nouvelle municipalité a réservé à FO n’est pas là pour inverser le sens de l’Histoire
Le syndicat a eu, des décennies durant, son mot à dire dans le recrutement, ce qui expliquerait selon beaucoup à commencer par ses concurrents – CGT, CFDT, FSU – que les personnes idoines ne se sont pas toujours trouvées là où elles auraient dû être. Depuis des semaines, on entend, franchissant allègrement les murs des services municipaux, la lancinante plainte de l’incompétence qui fait loi, là où les priorités réclament urgence et rigueur. Des élus du Printemps marseillais, sous le couvert de l’anonymat, confient ici et là que « la bonne volonté des municipaux n’est pas en cause, mais l’absence d’encadrement sérieux et qualifié désespère les meilleures volontés ». Les confidences de Muselier à Apathie sont donc étayées.
Et le sort que la nouvelle municipalité a réservé à FO n’est pas là pour inverser le sens de l’Histoire. Alors que Gaudin et son ancien directeur de cabinet se voyaient reprocher en garde à vue, d’avoir prolongé des contrats au-delà de l’âge des retraites des bénéficiaires, on apprenait que Patrick Rué, patron syndical des municipaux bénéficierait de la même mansuétude, pour aller jusqu’au bout de son mandat… syndical. On comprend mieux pourquoi, celui qui avait fait Gaudin membre d’honneur de FO, se soit empressé de publier sur les réseaux sociaux une photo où il jubilait en compagnie du nouveau maire. Certains se consoleront de ce pathétique bégaiement de l’Histoire, en affirmant que c’est avec le pain rassis que l’on fait le meilleur pain perdu. Certes, mais Marseille attend plus, pour redémarrer, que des recettes anciennes.