Jaguar Network se voit un peu comme le Google marseillais avec une volonté de transformer en profondeur la ville bien au-delà de son activité de base. Spécialisé dans les data center, le groupe fondé par Kevin Polizzi a lancé son premier projet immobilier en 2018 : Quanta, un centre de recherche et développement, qui accueille aujourd’hui 350 personnes et 35 entreprises dont une partie des équipes de Jaguar Network. En octobre dernier, le patron annonçait sa volonté d’aller plus loin en créant un véritable « smart quartier ». Il a dévoilé jeudi 5 mars les premières esquisses de son projet baptisé Théodora.
Un potentiel de 3 500 créations d’emplois à Theodora
Plus qu’un quartier, Theodora (du nom de la plateforme qui s’y trouve) se présente davantage comme un campus numérique avec des bureaux high tech pour les entreprises, des espaces de vie communs et un lieu dédié à la formation. Jaguar Network sera le premier locataire de ces locaux avec 1 000 salariés de l’entreprise attendus. « Ce sera des créations d’emplois nets, certainement pour développer nos services de relations clients », explique Kevin Polizzi. En clair, Theodora devrait abriter de nouveaux call center. Pour rappel, Jaguar Network a été racheté l’an dernier par Iliad, la maison-mère de Free. Il est donc tout à fait envisageable que l’opérateur téléphonique de Xavier Niel y installe une partie de ses centres d’appel aujourd’hui localisés au Maghreb. Sans confirmer cette possibilité, Kevin Polizzi explique que relocaliser ces centres de relations clients « permettrait d’améliorer la qualité de services et créerait de l’emploi pour Marseille qui en a bien besoin ».
Avec 30 000 mètres carrés de surface de plancher prévus, Jaguar Network ne sera pas seul à Theodora. Il estime qu’il pourrait créer 2 500 emplois supplémentaires. Jaguar Network souhaiterait voir s’installer des designer web sur son site. « Ils sont devenus un maillon essentiel de la chaîne de décision des entreprises digitales. Avec une bonne image, ils permettent de faire le lien entre les ingénieurs et les développeurs par exemple. C’est une nouvelle compétence à développer. Ils ont un bel avenir devant eux », assure Kevin Polizzi. Sinon, il reste ouvert à toute entreprise du monde numérique ou non. « A Quanta, on a été surpris de voir les profils qui viennent travailler chez nous. On a par exemple un fournisseur de bois à l’international qui s’appuie sur la qualité de nos réseaux et notre puissance informatique pour se développer ». Theodora devrait également accueillir un laboratoire de recherche et d’innovation, un business center, des espaces de coworking, un showroom… Jaguar proposera à ses locataires « les services les plus performants notamment en termes de connexions au prix le plus bas possible », affirme Kevin Polizzi.
Un projet à 100 millions d’euros
Si le patron de Jaguar espère proposer des loyers bas, il ne lésine pas pour autant sur l’investissement. Theodora devrait lui coûter environ 100 millions d’euros. Environ 20 millions d’euros seront apportés en propre par la foncière Jaguar Network et le reste sera emprunté aux banques partenaires habituelles du groupe dont le CIC.
Pour la partie architecturale, Jaguar Network a fait appel à Roland Carta et au cabinet de Martigues VLEG. Ils ont imaginé une structure divisée en cinq ou six bâtiments séparés par des coursives qui relient le site à la ville. Les esquisses montrent des toits végétalisés avec des panneaux photovoltaïques. Une bonne partie du terrain sera réservé aux espaces verts avec le ruisseau des Aygalades qui le traverse. « Nous avons pris la présence du ruisseau des Aygalades comme une chance plus que comme une contrainte même si sa présence classe la majorité du terrain en zone inondable », explique Roland Carta. De plus, Theodora se situe dans la continuité du futur parc des Aygalades prévu par Euroméditerranée pour 2026.
Dans sa vision de la ville idéale, Kevin Polizzi insiste sur la nécessité « de rapprocher les lieux de travail des habitations. Le problème numéro un de la Métropole est la mobilité. Ces blocages freinent la croissance des entreprises et créent du chômage », analyse-t-il. Il a donc décidé d’installer son futur campus numérique Theodora en bordure nord d’Euroméditerranée, face au nouveau terminus de la ligne 2 du métro marseillais Capitaine Gèze. « La connexion aux transports en commun est essentiel pour notre projet », prévient Kevin Polizzi. Il compte aussi sur l’arrivée du tramway annoncé également pour 2023 pour desservir Theodora. Sur la partie logements, il espère que les futurs salariés du campus pourront accéder à des prix avantageux aux habitations développées dans le quartier des Fabriques. Bouygues a commencé les travaux de ce gros morceau du projet Euroméditerranée et les premiers immeubles seront terminés en 2022 normalement. Le chantier de Theodora doit démarre lui en 2021 pour une livraison fin 2023.
Trois nouveaux Quanta à Aix, Istres et Aubagne et un projet de flottes de véhicules autonomes
Rapprocher le salarié de son lieu de travail, telle est l’ambition prioritaire de Kevin Polizzi. En plus de Theodora, il va donc développer son concept Quanta en dehors de Marseille car ses équipes habitent un peu partout sur le territoire métropolitain.
Le premier d’entre eux devrait voir le jour à Aix-en-Provence, certainement sur la Zac de la Constance, pas très loin du siège de Voyage Privé. Deux autres bâtiments similaires à celui de Marseille, soit environ 5 000 mètres carrés, suivront à Istres et Aubagne.
Pour ce dernier, Jaguar a déjà identifié un site. Pour Istres, la ville d’origine de Kevin Polizzi, « on va laisser passer le temps politique », annonce-t-il. L’investissement pour chacun de ces Quanta est évalué à 10 millions d’euros environ. A terme, les cinq sites de Jaguar Network seront reliés entre eux par la fibre afin de créer un hub d’entreprises.
De plus, Kevin Polizzi travaille sur un projet très avant-gardiste baptisé Star Fleet. Il veut développer une flotte de véhicules électriques autonomes pour permettre aux salariés de travailler pendant les trajets domicile-bureau. « Il faut exploiter les temps morts pour optimiser la journée des équipes et leur permettre de rentrer chez eux à 17h ou 18h car il y a une vie après le travail », explique Kevin Polizzi.