Il est sept heures…
Non ce n’est pas une nouvelle version du chef d’œuvre de Jacques Dutronc. On ne parle pas ici de 5 heures et de Paris qui s’éveille mais de 7 heures et de Marseille réveillée par le chuchotement assourdissant de la rumeur. Jean-Claude Gaudin et son inamovible directeur de cabinet, Claude Bertrand, ont été, rapportent les sites et gazettes, entendus pendant sept longues heures par les gendarmes. Il est question une fois encore des horaires de service du Samu social. Les deux témoins ont affirmé aux enquêteurs qu’ils avaient comme pour les autres services tout mis en œuvre pour que les services municipaux entrent dans les clous de la loi et ce, en dépit de pressions syndicales. Au parquet national financier d’éplucher désormais le contenu de l’ensemble des auditions que les gendarmes ont réalisées. L’affaire tourne désormais en boucle sur les ondes et les réseaux et elle va durablement, à tort ou à raison, faire peser sur la ville le poids très lourd du soupçon. Nietzsche disait qu’il est « plus facile de s’arranger avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation ». C’est dire.
Sous vos applaudissements
Arpenter les rues d’Aix en ce début d’été torride est une épreuve. Les travaux d’embellissement des rues fort nombreux n’arrangent rien à l’affaire. La disparition d’une partie des platanes du cours Mirabeau frappés par la maladie ne facilite pas non plus la déambulation sur la pierre de Chine ou les galets de la Calade. Pourtant la ville s’impose toujours comme une belle coquette et son charme a la tiédeur à peine rugueuse des fortunes discrètes. Tout ici, de la place d’Albertas à celle des quatre Dauphins en passant par la Rotonde, raconte la réussite et l’opulence mais mezzo voce. Sous les chemises de lin et les chapeaux de paille façon Cézanne, on subodore quelques rentes bien assises mais seule la qualité de quelques cigares trahit parfois l’insolente fortune. Du coup Aix ressemble en ce mois de juillet à Saint-Tropez où les riches s’accoutrent pauvres et les pauvres jouent les riches. Jusqu’au festival qui sort de ses cercles choisis pour quelques intermèdes populaires sur le cours. Tout au long du printemps, on aura entendu les leaders syndicaux et quelques politiques égrainer à longueur d’onde la convergence des colères. Les fourmis à Aix qui ont croisé ce samedi, la directrice du FMI en goguette, Mme Christine Lagarde, ne revendiquaient a priori qu’une liberté, celle des cigales.
Les points sur les i
C’est sans doute une des fautes les plus répandues dans notre département : l’utilisation du téléphone au volant. Il en coûte, en principe, 135 € et trois points sur le permis. A l’observation, on doute que la répression soit organisée en ce sens. Il est très rare de voir un livreur s’arrêter pour utiliser son portable, encore moins s’il est sur un deux roues. Visiblement les agents chargés de faire respecter le stationnement en ville sont plus nombreux et du coup, plus efficaces que les forces de l’ordre habilitées à appliquer la loi et le code de la route. L’opposition parle du reste d’une véritable racket et les commerçants du centre-ville estiment que cette politique va à l’encontre d’une revitalisation de leur activité. On continuera donc, au moins un temps, à payer 135 € pour la roue d’une voiture mordant sur un passage pour piéton, tout en voyant passer des automobilistes vociférant dans leur portable et conduisant avec deux ou trois doigts. Gustave Flaubert disait qu’à Marseille « on respire content ». C’était au temps de la marine à voile. Désormais comme le dit un avocat spécialiste des questions de délits routiers « la voiture n’est plus qu’un outil, le plaisir de conduire a disparu ».
Une rue sinistrée et pourtant…
Peu de Marseillais le savent et encore moins ceux qui la traversent. La rue Breteuil doit son nom à l’officier de la maison du roi qui autorisa la marine à vendre les terrains de l’arsenal des galères. Louis Nicolas Le Tonnellier de Breteuil ignorait alors que l’avenir de ce qui allait devenir une artère indispensable pour traverser Marseille serait aussi noir. Avec la rue du docteur Escat elle est le passage obligé pour relier l’ouest et le nord à l’est. Lorsqu’on s’y attarde, on peut y déceler sous l’épaisseur de la pollution des hydrocarbures quelles belles prouesses architecturales, des atlantes là ou des frises art déco là-bas. La grande synagogue y fut inaugurée en 1864 et quelques institutions comme le tribunal administratif y sont implantées. On dit que la L2 devrait la libérer d’une partie de son flux motorisé quotidien. N’est-ce pas l’occasion de réfléchir à une réhabilitation urgente. Il n’aura pas échappé à ceux qui nous gouvernent qu’elle pourrait utilement recevoir le trafic du boulevard Perrier qui vient s’empaler plus haut chaque matin dans les rues étroites de Vauban alors qu’il serait logique de s’engager vers Breteuil. Il suffirait de changer le sens de la circulation jusqu’au cours Puget où ceux qui veulent rejoindre Toulon à partir du Vieux Port bifurqueraient sur Paradis. On pourrait imaginer une rue Breteuil enfin débarrassée de la cinquantaine de voitures ventouses avec une voie montante pour les bus et un plan de ravalement des façades rapides. Une autre histoire à inventer.
L’horizon sans avenir immédiat
« J’installai ma machine à écrire devant la fenêtre et me mis à écrire, trois lignes, les trois premières lignes de mon dernier chapitre, histoire de me souhaiter la bienvenue et bon travail dans cette maison. Ce furent là les seules lignes que je devais écrire à l’Escayrol malgré les sommations de mon éditeur qui s’impatientait. » L’aveu est de Blaise Cendrars venu se poser dans les années 40 à Ensuès-la-Redonne et mettre bas les armes (d’écrivain) devant le paysage qui s’offrait à lui et la tiédeur qui envahissait son corps. C’est sans aucun doute cet engourdissement qui caractérise le mieux l’été marseillais lorsque les rayons acérés se plantent dans les crânes et qu’il est plus prudent de passer à l’ombre. Beaucoup, venus d’ailleurs, s’en moquent avant de l’éprouver et de s’avouer vaincus au bout d’une anchoïade et les papilles humectées de rosé. Ils consentent alors à regarder Marseille telle qu’en elle-même : une orgie lumineuse qu’il faut savoir déguster à petites lampées sous peine de passer à côté d’un plaisir sans égal : écouter sans broncher s’écouler les heures.
Arles peut se voir en photos
C’est un constat paradoxal. Jamais la photo n’avait connu un tel engouement – notamment à Perpignan et en Arles – et jamais le métier de photographe n’avait été aussi menacé. Les photographes en appellent du coup à la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, pour qu’elle se penche sur cette question. Dans une tribune dans Libération les plus prestigieux d’entre eux affirment que jamais « La photographie ne s’est jamais aussi bien portée en France, les photographes jamais aussi mal ». En cause notamment leur rémunération et les délais de paiement souvent scandaleux. La ministre qui, une fois de plus, a pu se féliciter de la qualité des Rencontres que sa ville, Arles, organise cet été, a promis d’agir rapidement. On en accepte l’augure, d’autant qu’une fois de plus on pourra voir dans la cité antique une cinquantaine d’expositions qui attestent que la photo est à la fois un outil d’information inégalable, mais aussi un art à part entière. On dit souvent qu’une réalité dépend de l’œil du photographe. On pourra le vérifier avec les œuvres de Robert Franck et de Raymond Depardon. On y découvre New York comme seuls savent l’appréhender ceux qui ralentissent le pas, pour capter cette ville de tous les possibles et du temps qui file. Et puis cette année encore on pourra aller saluer Serge Assier pour une promotion de la photo de presse en région. Et le faire parler de René Char, si vous le rencontrez. Un bonheur qui se mérite.