Jean-Baptiste Pietri a succédé à son père à la tête de Constructa depuis maintenant deux ans. Pour Gomet’, il revient sur son arrivée à la direction de l’entreprise familiale, l’impact de la crise sanitaire et sa vision de l’avenir urbain de Marseille.
Comment Constructa a traversé la crise du Covid-19 ?
Jean-Baptiste Pietri : Constructa s’en est plutôt pas mal sorti. L’épidémie de Covid a bloqué toute l’activité au départ. On ne savait pas alors si nous allions pouvoir travailler et combien de temps cela allait durer. Heureusement, tout a pu repartir assez vite grâce aux aides de l’Etat et aux efforts des équipes. Les années Covid n’ont pas été propices à la production de foncier mais notre activité se maintient tout de même. On vient de gagner 400 logements en région parisienne sur les trois derniers mois. Constructa fait son match avec une assez bonne année 2021. On a une quarantaine de programmes en cours dans toute la France. Nous avons un positionnement original dans le secteur. Nous ne sommes pas de simples promoteurs mais une plateforme de services immobiliers avec plusieurs métiers : la commercialisation, la gestion d’actifs, la société de gestion et la promotion. C’était la vision de mon père de multiplier les activités et elle s’est avérée payante en période de crise car les promoteurs ont beaucoup souffert tandis que nous avons continuer à progresser sur les autres segments.
Votre père Marc Pietri, le fondateur de Constructa, est décédé au tout début de l’épidémie de Covid. Comment avez-vous vécu cette succession ?
J-B.P : Entre la disparition de mon père et le Covid, Constructa a effectivement vécu une double crise en 2020. A l’époque, je n’étais pas dans le groupe, j’étais architecte à mon compte et il a fallu que je reprenne la direction assez rapidement, de manière assez inattendue. Et j’ai dû âprement défendre la vision de mon père. Une fois de plus, je me suis aperçu qu’il avait raison sur l’aspect de plateforme multi-services. Cette succession a été très difficile. Beaucoup de personnes, des banques d’affaires, m’ont très fortement incité à vendre l’entreprise ou du moins, une partie de ses activités. J’ai fait face à des pressions sur les projets en cours. J’ai refusé, tenu bon et un an plus tard, les mêmes personnes m’ont recontacté pour me dire : « En fait, vous aviez raison. Tout le monde veut adopter ce modèle maintenant ». La crise sanitaire a démontré l’intérêt d’être multi-métiers.
Outre cette vision de l’entreprise, partagez-vous la vision du développement de Marseille de votre père ?
J-B.P : Mon père a beaucoup voyagé notamment aux Etats-Unis et il sentait les mutations de la ville, les transformations sociales en cours. Comme il était amoureux de Marseille, il a très vite compris que son avenir était au Nord. Cela nous paraît une évidence aujourd’hui mais il y a encore peu de temps beaucoup de gens refusaient d’y croire et ne soutenaient pas forcément cette option. Au début des années 2000, il rachète le terrain où vont pousser la Porte bleue et la prochaine tour H99 à un promoteur qui n’en faisait rien. Depuis, la tour CMA CGM et la Marseillaise sont devenues des symboles du renouveau de Marseille et je suis très content de participer à cette grande aventure.
Vous portez un projet d’immeuble de grande hauteur avec H99 et un édifice important avec la Porte Bleue qui tutoie les standards des gratte-ciel. Pensez-vous qu’il y a encore de place pour d’autres tours sur le bord de mer marseillais ?
J-B.P : Euromediterranée a eu tout a fait raison d’ambitionner ces tours de grandes hauteurs sur cette zone entre port et autoroutes. Oui, il y a encore de la place pour construire des grands immeubles dans un environnement urbain encore dur, très marqué par l’activité industriel. Il faut continuer à imaginer des projets déclencheurs d’urbanités, des catalyseurs d’architectures, des symboles forts. C’est même une nécessité de poursuivre les tours vers le Nord. Et si les opportunités se présentent, Constructa y participera évidemment. Nous sommes un des seuls groupes à avoir les capacités techniques et le goût de ses projets à haut risque. A l’époque, on nous disait que ce serait impossible et mon père l’a fait. Aujourd’hui, on aura certainement plus de concurrents.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle vision de l’urbanisme de la mairie de Marseille avec notamment la charte de la construction durable ?
Il faut donc continuer de construire mais mieux et plus dense pour arrêter d’empiéter sur les espaces naturels.
Jean-Baptiste Pietri
J-B.P : La nouvelle mairie de Marseille insiste sur l’aspect qualitatif des logements et ça c’est merveilleux. Je suis à fond pour l’établissement de ces chartes. J’ai travaillé dans plusieurs villes qui les ont adopté et ça pousse les maîtres d’ouvrage à s’améliorer. On ne peut pas encore répondre à tout pour l’instant mais ça viendra. Dans toutes les métropoles de France, il y a un questionnement des élus et des citoyens sur l’acte de construire qui freine le marché. La volonté de mieux bâtir est louable et doit être soutenue. Mais parfois, les visions sont un peu trop ambitieuses et les nouveaux venus un peu trop critiques sur ce qui a été fait avant. Il faut continuer de produire du logement, c’est absolument nécessaire. La production de logement social en France par exemple est une catastrophe. On ne doit surtout pas arrêter de construire car la ville est un être vivant en perpétuelle évolution et les projets immobiliers permettent de réaménager tout l’espace public, font travailler les entreprises, créent des emplois. Il faut donc continuer de construire mais mieux et plus dense pour arrêter d’empiéter sur les espaces naturels.
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