Exposer l’œuvre d’un écrivain au musée n’est jamais simple, ni facile. S’agissant de Jean Giono, disparu voici un demi-siècle, la tâche s’avère plus ardue encore – tant se contrarient l’homme, ses écrits et son époque marquée par deux conflits mondiaux.
Quelques marseillais se souviennent peut-être qu’en 1939, Jean Giono, jeune employé de banque fut emprisonné fort saint-Nicolas, pour avoir affiché son hostilité à la guerre qui sourdait. Quand celle-ci s’acheva , l’ex-poilu des tranchées de 1915 fut à nouveau incarcéré à la maison d’arrêt de Digne, toujours pour délit de pacifisme, voire d’intelligence avec l’ennemi ! Ironie du manosquain : «Je suis un personnage si dangereux que chaque fois que l’on me met en prison, on me fourre dans une forteresse !» D’octobre 1944 à janvier 1945, Jean Giono s’occupera de la bibliothèque des détenus de saint-Vincent-les-Forts, en haute vallée de l’Ubaye, et, de son propre aveu, jouera aux échecs avec «son» juge. Il sera libéré l’année de ses 50 ans.
Certes, en 1941, il a confié son roman «Deux cavaliers de l’orage» au périodique pro nazi (bien) nommé La gerbe. Ce feuilleton trône sous vitrines de l’exposition, de même que quelques procès verbaux – au demeurant mal lisibles et peu convaincants. Symétriquement, les historiens présentent plusieurs témoignages prouvant l’aide fournie par l’auteur aux résistants de la région à l’occupation allemande.