Après la centaine d’actions annoncées en décembre par le Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI), initiateur du projet Réponses, Jean-Michel Diaz, le président du Groupement maritime et industriel de Fos (GMIF), veut redorer l’image de l’industrie auprès des habitants.
Le monde industriel est parfois perçu comme obscur. Les populations ont souvent l’impression que les entreprises se cachent dans leurs usines et ne communiquent pas sur leur activité. Comment restaurer le dialogue ?
Jean-Michel Diaz : Nous avons toujours voulu parler aux riverains, leur expliquer ce que nous faisions et les usines ouvrent régulièrement leurs portes aux visites avec notamment le développement du tourisme industriel. On a besoin de se faire mieux connaître pour susciter des vocations car nous proposons des emplois intéressant et bien payés sans trouver suffisamment de candidats. Sur la question environnementale, la démarche Réponses (lancée en novembre 2018, elle regroupe de nombreux partenaires, NDlR) a permis d’identifier les pistes pour mieux informer les habitants. On va par exemple mettre en place le service Allo industries avec une application qui alertera en temps réel les habitants en cas d’événement spécifique comme un épisode de torche par exemple. On va également élargir les Comité locaux d’informations et d’échanges. Jusqu’à maintenant, les habitants n’y étaient pas représentés. On va les ouvrir aux habitants qui souhaitent y participer.
Informer c’est bien mais agir c’est mieux. Quelles sont les actions concrètes des industriels du golfe de Fos pour réduire leur impact carbone ?
J-M. D : Je peux vous assurer que les industriels investissent massivement pour améliorer leurs performances environnementales. Ces quinze dernières années, ils ont dépensé environ 1,5 milliard d’euros sur l’efficacité énergétique ou la réduction des rejets polluants dans l’air. Et les résultats sont là. En 40 ans, les émissions de CO2 de l’industrie ont été réduites de 85%. A Fos, Kem One est un parfait exemple de ces efforts. Ils ont réduit leur consommation énergétique de l’équivalent de celle d’une ville de 60 000 habitants en cinq ans. Cela représente une économie de 60 000 tonnes de CO2 renvoyés dans l’atmosphère.
Le golfe de Fos et l’Etang de Berre constituent l’un des territoires qui concentre le plus d’usines en France. Ne faudrait-il pas mieux répartir les usines ?
J-M. D : Pas du tout. On pense souvent qu’il faut disperser les usines pour améliorer l’acceptabilité de la population. Peut-être que politiquement, ça passera mieux mais si on veut vraiment réduire l’impact sur l’environnement, il faut faire l’inverse. C’est en concentrant l’activité au cœur de plateformes industrielles interconnectées que l’on pourra mutualiser l’utilisation des ressources et ainsi moins polluer. Il suffit de regarder ce qui se passe à l’étranger. A Lausanne, ils ont installé l’incinérateur de la ville en plein milieu urbain. La commune récupère la vapeur créée par l’incinérateur pour se chauffer. En Tunisie, on est en train de construire une éco-cité, Zenata, avec la zone industrielle totalement imbriquée dans la ville.
On est toujours à la recherche d’un fonds d’investissement pour financer le projet de réseau vapeur.
Jean-Michel Diaz
Sur Fos, on entend parler de plateformes industrielles et d’usines connectées depuis longtemps mais pour l’instant, les résultats se font attendre…
J-M. D : C’est vrai que cela peut sembler long pour les habitants mais avec Piicto (plateforme industrielle d’innovation Caban-Tonkin), nous sommes en train d’imaginer l’usine de demain. L’Etat vient d’ailleurs de sélectionner Piicto parmi les 12 premières plateformes industrielles clés en main du pays. Elle est encore en train de se structurer mais elle pose les bases de l’interconnexion des usines à Fos. L’avenir de l’industrie passe notamment par l’économie circulaire avec un approvisionnement le plus proche possible des usines et un recyclage des matériaux. C’est le but du réseau vapeur que l’on souhaite mettre en place depuis plusieurs années maintenant. On est toujours à la recherche d’un fonds d’investissement pour financer le projet. Si pour l’instant, cela semble abstrait, j’espère vous annoncer la concrétisation d’un projet très important dans le courant de l’année 2020.
La pétrochimie très présente à Fos a-t-elle un avenir quand toutes les politiques tendent vers la fin des énergies fossiles ?
J-M. D : L’industrie a un rôle primordial à jouer dans la transition énergétique. C’est la fin du tout pétrole et il faut trouver des alternatives. Et ce sont les industriels qui vont développer ces nouvelles énergies : les biocarburants, les batteries électriques, l’hydrogène… Cette dernière solution est l’une des pistes les plus intéressantes selon moi. On voit Jupiter 1000 qui vient d’injecter les premières molécules d’hydrogène dans le réseau. Ensuite, Air Liquide a annoncé son projet d’usine avec une capacité de production d’une tonne d’hydrogène par jour. La barrière technologique se situe pour l’instant sur le transport de l’hydrogène. Mais nous avons des solutions comme Hysilabs, une PME locale qui a développé une technologie pour pouvoir transporter l’hydrogène sous forme liquide à température ambiante. Les travaux sont toujours en cours mais on est sur la bonne voie.