Elle a pris ses fonctions en août 2020. Kristen K. Grauer est l’actuelle consule générale des Etats-Unis à Marseille, dont le siège est situé place Varian Fry (6e). Elle a exercé auparavant aux quatre coins du monde pour le compte du Département d’Etat : au Libéria, au Bénin, à Abidjan, Washington, Moscou ou encore Bagdad et Paris avant d’arriver au Consulat général des Etats-Unis à Marseille. Un poste important, qui couvre trois régions françaises – Provence-Alpes-Côte d’azur, Occitanie, Corse – mais aussi Monaco. Il faut dire que les liens entre cette partie de la France et le pays de l’oncle Sam sont étroits depuis longtemps, bien qu’assez méconnus. Aujourd’hui, le territoire revêt de l’intérêt pour les entrepreneurs américains et les inspire. Interview.
Quel bilan tirez-vous de cette année 2021 ?
Kristen Grauer : Nous sortons de deux années chaotiques, avec le covid-19. J’ai pris mes fonctions en août 2020 dans ce contexte bizarre. Cela a impacté l’activité du consulat. Par exemple, nous ne connaissons pas à ce jour le nombre exact de ressortissants américains présents dans le sud de la France. En effet, il n’existe pas d’obligation de s’inscrire au consulat. Le covid, qui a mis un coup d’arrêt au tourisme sous toutes ses formes, a encore compliqué les choses. Malgré cela, je suis fière du travail que nous avons accompli dans ce contexte. En cette année particulière, nous avons su nous adapter avec beaucoup de virtuel.
Prochainement, nous aurons une nouvelle ambassadrice des Etats-Unis en France, Denise Campbell Bauer, nommée par Joe Biden. Depuis janvier 2021, il n’y avait pas d’ambassadeur. Notre chargé d’Affaires, Brian Aggeler, a été fantastique depuis l’inauguration, mais nous sommes très heureux qu’elle arrive.
Justement, quels sont les objectifs du gouvernement américain concernant la France et plus particulièrement le Sud ?
K.G : Depuis l’investiture du président Biden en janvier 2021, nous suivons les priorités du Président, qui portent sur l’environnement, l’entrepreneuriat et la diversité. Sur le plan de l’environnement, nous avons mené de nombreuses actions de ramassage des déchets avec des écoliers, dans les calanques, le Luberon, ou encore à Montpellier, où nous avons pris part à une collecte de mégots.
Notre deuxième priorité concerne la diversité et l’inclusion. Nous avons réalisé un film sur la vie du romancier Claude McKay à Marseille qui touche à cette thématique. Jamaïcain, vivant aux Etats-Unis au début du 20e siècle, grand aventurier qui a fait le tour du monde, il est un auteur majeur de la littérature afro-américaine de la première moitié du XXe siècle et du mouvement Harlem Renaissance. Dans plusieurs de ses romans dont Banjo et son roman posthume écrit en 1933 (et paru en 2021, ndlr), Romance in Marseille, il raconte son arrivée dans la cité phocéenne et la découverte d’une ville aux mille visages, ouverte sur le monde. C’est ce qu’il y a de fabuleux à Marseille : sa grande diversité.
Plus récemment, nous avons aussi rencontré la maire des 15e et 16e arrondissements à l’occasion de l’inauguration des fresques du Plan d’Aou sur les murs de l’immeuble dit du Goéland. Ces fresques portent sur des sujets de société communs aux deux pays et ont été réalisées par les artistes Difuz (France) et La Morena (Etats Unis), en partenariat avec l’association Planète Emergence dans le cadre du projet Fama (French American mural art) qui a pour but de soutenir l’art urbain, toujours dans cette logique d’inclusion.
Quel est le rôle du consulat auprès des acteurs économiques du territoire ?
K.G : Concernant l’innovation, qui est notre troisième priorité, nous avons eu l’occasion de rencontrer des start-up et entrepreneurs locaux, par le biais de Rising Sud ou encore de différents incubateurs.
On ressent un enthousiasme contagieux chez les entrepreneurs dans la région
Kristen K. Grauer
Il y a une telle créativité ici, pour l’art comme pour l’entrepreneuriat ! On ressent un enthousiasme contagieux chez les entrepreneurs dans la région. Il y a quelque chose de très new-yorkais à Marseille, avec un melting-pot de cultures qui correspond davantage à la mentalité américaine, par rapport à d’autres villes comme Paris. C’est cela, également, qui incite les entrepreneurs américains à venir s’installer ici.
Le consulat agit à deux échelles en aidant les entreprises américaines à s’implanter sur le territoire et, inversement, en guidant les entreprises locales à faire du business ou s’exporter aux Etats-Unis si elles en ont envie. Prochainement l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique en France, en partenariat avec Boxer Inside à Paris et Le Carburateur à Marseille, lance le programme Start Us Up . Le programme ouvert aux entrepreneurs et/ou dirigeants associatifs marseillais. Il est piloté par Le Carburateur pour la partie entrepreneuriat, et par le Marseille Boxing Club pour la partie sport. Start Us Up permet à des jeunes âgés de 18 à 35 ans avec ou sans diplômes, de bénéficier d’un accompagnement unique de six mois dans le développement de leurs projets, et de prendre part aux JO 2024. Nous recherchons actuellement de bons candidats locaux. Les candidatures sont ouvertes jusqu’à la mi-mars sur le site de notre ambassade. A côté de cela, nous avons également le programme Select USA, qui se déroule à Washington du 26 au 29 juin prochains, dont l’objectif est d’inciter les entreprises étrangères à investir directement aux Etats-Unis et à se mettre en lien avec des entreprises américaines.
Quels liens particuliers entretiennent le Sud et les Etats-Unis ?
K.G : L’amitié des Etats-Unis avec la France existe depuis longtemps. Vous êtes le premier pays qui a cru en nous. Plus spécifiquement, il existe des liens historiques forts avec le sud de la France, souvent méconnus. C’est pourquoi le consulat a pris l’initiative de réaliser des films que nous diffusons sur Internet, afin de raconter cette histoire. En 2020 et 2021, nous avons ainsi réalisé deux films en collaboration avec Matthieu Verdeil et A7 production: l’un sur la présence américaine à Marseille durant la Seconde Guerre mondiale (à visionner ici). Nous sommes en lien avec le Rectorat pour diffuser ce film dans des établissements scolaires et sensibiliser les enfants à ce sujet. Nous avons projeté ce dernier au Théâtre Silvain dès mon arrivée en aout 2020 et il y a peu de temps en novembre 2021 au cinéma L’Alhambra de l’Estaque; et l’autre film sur Claude McKay, que j’évoquais précédemment.
D’autres films sont en préparation, sur les bergers des Hautes Alpes qui ont migré dans le Grand Ouest américain à la fin du XIXe siecle par exemple, mais aussi peut-etre sur l’histoire americano-corse de Pascal Paoli.
Le maire de Marseille Benoît Payan évoque souvent la ville de San Francisco en exemple de ville-modèle. A quand un jumelage entre Marseille et une ville américaine ?
C’est une grande fierté pour nous que le maire de Marseille soit tombé amoureux de San Francisco
Kristen K. Grauer
K.G : C’est une grande fierté pour nous que le maire de Marseille soit tombé amoureux de San Francisco lors de sa participation au programme de jeunes leaders de l’Ambassade des Etats-Unis en 2018, avant qu’il ne devienne maire.
Concernant un potentiel jumelage, nous sommes heureux de travailler avec la mairie sur un projet de ville jumelée avec une ville américaine s’ils sont intéressés. Nous sommes un “dating service”, il n’est pas question de faire un mariage forcé ! C’est aux acteurs locaux des deux côtés de faire la démarche. Mais les discussions déjà engagées sont en bonne voie et vont se poursuivre.
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