Le tribunal de commerce de Marseille remet sur un pied d’égalité les deux candidats à la reprise du quotidien marseillais : le patron de CMA CGM, Rodolphe Saadé, et celui de Free, Xavier Niel. Ce dernier, déjà propriétaire de 11% de La Provence, profitait d’un pacte d’actionnaires signé avec le groupe Bernard Tapie (GBT) lui octroyant un droit de regard et de véto sur les repreneurs. Un gros avantage concurrentiel dénoncé par Xavier Brouard, le liquidateur judiciaire du groupe Bernard Tapie, devant la justice. Le tribunal de commerce lui donne raison en suspendant « la clause d’agrément (…) constituant de fait un trouble manifestement illicite », indique l’ordonnance de référé du 11 janvier.
Le tribunal privilégie la concurrence des offres
Dans sa décision, le juge explique que « cette situation caractérise un conflit d’intérêts entre la société L’Avenir Développement (filiale de NJJ, la holding de Xavier Niel) et celui de l’ordre public des procédures collectives (…) cette situation ne garantit pas la réalisation de l’actif de la SNC GBT dans les meilleures conditions ainsi que la préservation des intérêts économiques et sociaux de la société La Provence ». Un point de vue contesté par les avocats de Xavier Niel qui estiment « qu’il ne s’agit pas d’une cession d’entreprise mais d’une cession de gré à gré (…) Dans ce cas, les clauses d’agrément s’appliquent ». Le tribunal de commerce privilégie pour sa part le code de commerce car « la clause d’agrément des statuts de la société fait obstacle au processus de réalisation des actifs de la liquidation judiciaire ».
Document source : un extrait de l’ordonnance de référé du 11 janvier 2022
En tant que liquidateur des actifs du groupe Bernard Tapie et donc des 89% détenus dans La Provence, Me Xavier Brouard se doit de choisir l’offre la plus profitable en termes d’emplois, de viabilité économique et de remboursement des dettes. Pour rappel, suite à l’annulation de l’arbitrage du Crédit Lyonnais, le groupe Bernard Tapie a été condamné à reverser 400 millions d’euros à l’État. La vente des parts de La Provence doit servir à éponger en partie cette dette.
Xavier Niel toujours en position de force
Malgré ce premier revers, Xavier Niel conserve toujours en tant qu’actionnaire, un avantage important. Il détient toujours un droit de préemption lui permettant de racheter les titres du journal au même prix que celui proposé par son concurrent, le patron de CMA CGM. Et le patron de Free n’a pas encore abandonné la première manche sur le droit d’agrément. Xavier Niel compte faire appel devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence selon l’AFP.
La procédure pourrait même aller jusqu’au Conseil d’État et ainsi considérablement repousser l’arrivée d’un repreneur à La Provence. L’audience d’ouverture des offres de CMA CGM et Xavier Niel, initialement fixée le 15 décembre dernier, a déjà été renvoyée sine die par le tribunal de commerce de Bobigny dans l’attente de la décision sur cette clause d’agrément. Les salariés devront attendre encore un peu pour connaître leur futur patron.
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