Anciennement chargé du patrimoine, Eric Méry a récupéré en mai dernier la délégation de l’urbanisme et de l’aménagement à la Ville de Marseille, après la démission de Mathilde Chaboche, qui quitte aussi le groupe Printemps Marseillais et le collectif Mad Mars. L’élu est lui-même issu de ce collectif fondateur du mouvement Printemps Marseillais, en 2020. Dans un entretien accordé à Gomet’, il détaille ses nouvelles fonctions et réagit à la démission de Mathilde Chaboche.
Comment se passe votre prise de fonction ? Y a-t-il eu une réorganisation de la délégation de l’urbanisme ?
Eric Méry : Cela se passe plutôt bien ! Dans le cadre de ma délégation, je travaille avec d’autres adjoints : Patrick Amico pour le logement, Rebecca Bernardi pour les commerces ou encore Laurent Lhardit pour les activités tertiaires. Il y a eu quelques changements au niveau de l’organisation : la compétence de la préemption commerciale, autrefois détenue par Mathilde Chaboche, passe désormais dans le giron de Rebecca Bernardi. Idem pour ce qui est de la préemption civile en matière de logement, qui revient à Patrick Amico. On peut dire que la délégation de l’urbanisme a été recentrée.
Pourquoi le choix du maire s’est-il porté sur vous pour remplacer Mathilde Chaboche ?
E.M. : En tant qu’adjoint délégué au patrimoine, délégation que je conserve pour l’instant en plus de l’urbanisme, j’avais déjà une visibilité sur le foncier de la Ville. J’assistais aux réunions avec la délégation de l’urbanisme. C’est pour cela que le maire m’a choisi.
Mathilde Chaboche adoptait une approche de « qualitatif » plutôt que quantitatif pour ce qui est de la construction … Elle disait aussi vouloir arrêter l’étalement urbain pour davantage construire « la ville sur la ville.» Avez-vous la même vision ?
E.M. : Oui, il n’y a pas de changement majeur. Nous sommes d’accord pour dire que pour créer du logement, il faut s’élever et éviter l’étalement pour aussi préserver les zones agricoles et naturelles. Il y a aussi une charte de la construction durable qui a été mise au point et sur laquelle je continue de m’appuyer. Cette vision correspond à l’ADN du Printemps Marseillais.
« Notre objectif est de maintenir le dialogue avec les promoteurs pour aller de l’avant »
Eric Méry
Cette vision a pourtant pu créer des tensions avec les promoteurs immobiliers … Qu’en est-il de votre côté ?
E.M : J’arrive en deuxième partie de mandat, après une adjointe qui a voulu remettre de l’ordre. Bien sûr qu’il faut faire dans la transparence. Notre objectif est de maintenir le dialogue avec les promoteurs pour aller de l’avant. C’est pourquoi je reçois les promoteurs un jeudi sur deux.
Le préfet a récemment écrit au maire de Marseille Benoît Payan pour tirer la sonnette d’alarme sur une carence en logement – seulement 38% de l’objectif atteint entre 2020 et 2022. Avez-vous reçu des consignes à la suite de cette lettre pour accélérer les signatures de permis de construire ? Conservez-vous l’objectif de 27 000 logements d’ici 2026 ?
« La priorité de ma délégation est de rattraper le retard en matière de logement social »
Eric Méry
E.M. : Oui, et effectivement il est question d’accélérer, mais pas de faciliter. Le maire m’a donné une feuille de route pour rattraper le retard en matière de logements sociaux. C’est la priorité de ma délégation. Je souhaite que chaque année, nous soyons en progression en termes de construction et que cette progression soit visible aux yeux des Marseillais.
Je souhaite aussi plus d’intégration des logements sociaux dans les quartiers sud de la ville, même s’il est vrai que le foncier y reste très cher et que nous ne pouvons ignorer les difficultés auxquelles se heurtent les promoteurs. Mais nous leur demandons au moins d’intégrer une petite part de logements sociaux dans leurs opérations au Sud. D’ailleurs, la Métropole a accepté de modifier le Plan local d’urbanisme intercommunal (Plui) pour intégrer l’obligation pour les promoteurs d’intégrer 30% de logements sociaux dans les opérations comprenant plus de 30 logements, contre 60 actuellement. Cette modification sera effective à partir du 1er trimestre 2024.
Enfin, la délégation de l’urbanisme va prochainement se renforcer : une procédure a été lancée pour recruter dans un premier temps une vingtaine de personnels, afin d’accélérer le traitement des demandes de permis de construire.
Lors de la première alerte émise par le préfet, Mathilde Chaboche avait pour sa part jugé que le courrier de ce dernier avait « 40 ans de retard » et estimait qu’on ne pouvait pas faire dans le quantitatif en ignorant les contraintes environnementales.
E.M. : Qualifier les propos du Préfet en disant qu’ils ont « 40 ans de retard », c’est vraiment mal venu. Nous devons travailler main dans la main avec l’Etat pour résoudre la problématique du logement.
Sur l’environnement aujourd’hui, il est évident que nous devons prendre en compte les contraintes qu’il implique. Aujourd’hui, nous demandons aux promoteurs d’intégrer dans leurs projets des poches de fraîcheur, des aménagements paysagers …
Justement, la Ville, l’Etat et la Métropole travaillent ensemble notamment au sein de la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) mise en place sur la volonté de l’Etat pour rénover le logement en centre-ville de Marseille. Votre prédécesseur y siégeait. Allez-vous reprendre ce siège ?
E.M. : Je ne sais pas pour l’instant s’il est nécessaire que j’y siège personnellement, car je suis invité à tous les conseils d’administration. Par ailleurs, mon collègue Patrick Amico continue d’assurer la représentation de la Ville en y siégeant aussi.
Il en va de même au sein du conseil d’administration d’Euroméditerranée, où siégeait également Mathilde Chaboche. Je saurai si je l’y remplace lors du prochain conseil municipal le 30 juin.
Parlons politique … En tant que membre du collectif Mad Mars, comment avez-vous perçu le départ de Mathilde Chaboche ? Vous y attendiez-vous ?
E.M. : En toute franchise, ça a été une grosse surprise. C’est elle qui a rendu sa délégation. Son départ m’a attristé, mais ce qui est le plus blessant est sa façon de nous traiter dans Marsactu de « baudruche[s] et d’idiots utiles du pouvoir en place » pour signifier que nous sommes à la botte du maire … C’est pourtant une chance d’avoir un maire qui nous laisse toujours nous exprimer même lorsque nous ne sommes pas d’accord. Plusieurs fois, nous avons fait valoir auprès du maire la position de Mathilde Chaboche, même lorsque le reste de la majorité était contre. Je trouve que ses propos sont injustes.
Peut-on dire que la majorité municipale ressort affaiblie de ce départ ?
E.M. : Ce n’est pas mon avis. Mathilde Chaboche a beau quitter le groupe Printemps Marseillais, elle reste dans la majorité en rejoignant le groupe des écologiques pluriels. Nous venons en outre d’être rejoints par deux nouvelles élues (Farida Benaouda et Doudja Boukrine, anciennement dans le groupe d’opposition divers droite, ndlr).
Mais tout de même, on a l’impression que ce départ et le fait de rejoindre le groupe des écologistes sonne comme un acte de défi …
E.M. : Ce serait mentir que de dire qu’il n’y a pas eu de tensions avec Mathilde Chaboche. Mais au sein même de la majorité, nous travaillons très bien les uns avec les autres, que ce soit avec les écologistes ou avec le groupe de Samia Ghali. Bien sûr, il peut arriver qu’il y ait des désaccords, mais in fine, c’est la majorité qui est la pus importante.
Croyez-vous en l’avenir du Printemps Marseillais pour les prochaines municipales de 2026 ?
E.M. : Actuellement, en 2023, je l’espère. Ce n’est qu’en étant unis que nous pourrons gagner. Le récent sondage de l’Ifop valide la politique du maire. Ce qui est certain, c’est que Mad Mars continuera de suivre le Printemps Marseillais. Nous sommes le collectif qui compte actuellement le plus d’élus dans la majorité, et le maire en a conscience.
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