Le port, le GPMM, c’est deux espaces : à Fos 10 000 hectares pour l’accueil des conteneurs, des vracs du gaz et du pétrole. À Marseille, 400 hectares qui cumulent des équipements issus de l’histoire mais qui sont trop souvent dépassés.
Sète sous l’impulsion de son actionnaire la Région Occitanie investit, fluidifie et a ravi à Marseille des marchés de fruits et légumes, des passagers, des marchandises diverses. Toulon géré par la CCI se positionne de façon offensive sur les ferrys et sur des trafics avec l’Algérie par exemple. Marseille cède du terrain année après année.
L’Union maritime et fluviale met les autorités en face de leurs responsabilités : l’UMF analyse les chiffres et détaille, mètre à mètre, ce qui bloque le maintien des marchés et l’arrivée de nouveaux trafics. Si l’on retrouve le conflit d’usage de l’espace portuaire entre l’Etablissement public Euroméditerranée et le port ou l’impossible dialogue constructif avec la SNCF, l’étude de l’Isemar va plus loin et pose les enjeux : l’UMF demande de faire des choix clairs et assumés. Pour comprendre ce débat sur le devenir des bassins est, voici le compte rendu de la conférence de presse de l’UMF.
On parle d’un port dont les bassins ont été découpés il y a plus de cent ans
« On parle d’un port dont les bassins ont été découpés il y a plus de cent ans. On le maintient dans cet état comme si, autour, rien n’avait bougé » lançait Jean-Philippe Salducci, président de la station de pilotage Marseille-Fosdans les locaux de l’Union maritime et fluviale (UMF) de La Joliette (2e arrt) le 29 mai dernier. Le pilote détaille ensuite les résultats de l’étude réalisée par l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar) projetés au mur. Le document analyse les besoins de développement du transport roulier dans les bassins Est du port de Marseille-Fos, entre le Mucem et l’Estaque.
Si l’UMF présente plusieurs axes de développement des bassins Est, cela fait près de 10 ans que les professionnels de la place portuaire prônent un réaménagement. « Ce schéma était inscrit dans le plan stratégique du Port 2014-2018 et dans la Charte ville-port signée en juillet 2013 qui avait couté 1,3 million € au Port » rappelle Marc Reverchon, président de la Méridionale.
Diagnostic économique des bassins Est
En 2019, les bassins Est accueillaient principalement les remorques en provenance de Corse (131 600) avec Corsica Linea et la Méridionale et celles de Tunisie (70 000). L’étude spécifie que le marché corse est« totalement mature» et le marché tunisien« progresse» depuis le creux post-révolution des Printemps arabes de 2011. La Tunisie se développe avec trois compagnies établies: la compagnie maritime danoise DFDS, la CMA CGM à Marseille et la compagnie tunisienne CTN.
Pour Isemar, malgré la progression attendue de 10 à 15% du trafic, les limites nautiques des bassins Est sont un frein au développement. Par exemple, pour le trafic de véhicules neufs, les bassins Est accusent une baisse depuis deux ans, passant de 90 000 voitures neuves à l’import-export en 2019 à moins de 70 000 en 2020.
Première étape : faciliter l’accès des navires de plus de 180m
Le rapport de l’Isemar propose un plan en plusieurs étapes. La première est de faciliter l’accès des grands bateaux bassinspar le Sud. Actuellement, les navires de plus de 180 mètres ne peuvent pas passer par le quai d’Arenc, trop étroit. Ces grands navires « passent par le pont Pinède au Nord et perdent 30 minutes à l’entrée et 30 minutes à la sortie », explique Alain Mistre, président de l’UMF et directeur des opérations chez Corsica Linea.Seul le pont Pinède peut donc faire passer les plus longsnavires. Or « si une avarie touche Pinède, les bateaux peuvent rester bloqués des mois » prévient le pilote Jean-Philippe Salducci.
Alain Mistre constate que la production de navires de moins de 180 mètres n’est plus d’actualité. LeGrand port maritime de Marseille (GPMM) voit des marchés internationaux captéspar les deux ports voisins très dynamiques celui de Toulon et celui de Sète géré par la région Occitanie. Cette inquiétude porte autant sur l’accueil des navires rouliers (transport des voitures) que sur les navires ro-pax (mix remorques & passagers). Selon l’étude d’Isemar, le trafic de véhicules neufs en 2020 à Sète est de 75 000 unités contre moins de 70 000 pour Marseille-Fos. De plus, le port de Sète développe un trafic porté par le textile du groupe espagnol Inditex avec la Turquie qui représentait 80 000 remorques par an (DFDS) en 2019 et 2020. Enfin, début 2020 le port de Sète a annoncé des investissements sur le ferroviaire avec trois trains par semaine vers Calais pour atteindre un objectif de 40 000 unités en mode ferroviaire par an en 2025.
Deuxième étape : stationner plus de navires
Pour répondre aux enjeux maritimes actuels, l’étude préconise ainsi la suppression du tenon d’Arenc qui jouxte le bassin de la Grande Joliette. Une excroissance attenante au Môle de l’Abattoir(zones en jaune ci-dessous) devra également être démolie. Par ailleurs, l’Isemar suggère la drague d’une petite partie de la digue du large pour améliorer la manœuvre des grands bateaux.
A l’entrée du Port, la passe Sainte-Marie devra également être élargie de quelques mètres pour faciliter les passes. Au total, ces premiers travaux représenteraient 30 millions d’euros.
En complément, l’étude propose trois options d’aménagement au GPMM pour accueillir plus de navires rouliers de 200 mètres à quai. Pour les trois options, le Môle A devra être démoli et la partie grise foncée devra être comblée dans le prolongement du Môle d’Arenc. « Cette partie ne sert à rien. Il faut donc remblayer et donner un potentiel de terminal, de terreplein ou parking à cette zone » assure Alain Mistre.
L’option A, la moins onéreuse (30 millions de plus), prévoit ces deux types de travaux. Alors que l’Option B et B’ « bien plus chères » (minimum 50 millions) prévoient de surcroît la démolition du Môle de l’Abattoir pour stationner deux navires de plus à quai.
Les travaux de suppression du tenon d’Arenc, la drague de la digue du large complétée par l’option A sont chiffrés à 60 millions d’euros minimum. Un coût qui reviendrait à l’État par le biais de ses différentes entités, telles que le Grand port maritime de Marseille ou la Dreal. Néanmoins, « si ces aménagements nous génèrent des économies, nous sommes prêts à participer aux opérations » glisse Marc Reverchon.
Création de deux terminaux rouliers au Sud et au Nord
Pour mieux décharger les navires rouliers, l’Isemar propose la création de deux terminaux rouliers distincts : l’un au Nord pour les remorques et l’autre au sud pour les véhicules neufs.
Des tensions sur les dessertes ferroviaires
Si un système ferroviaire est adapté au transport des conteneurs, les bassins Est ne disposent par d’un système ferroviaire pour les trafics rouliers (voitures et camions). Pour l’heure, quatre trains sont acheminés à la gare du Canet pour alimenter le territoire (70%) puis jusqu’à Lyon et Lille (30%). Or, l’arrêt de l’activité de la gare du Canet prévue fin 2023 dont les 25 hectares ont été cédéé à l’aménageur Euroméditerranée va impacter la fluidité des dessertes ferroviaires. « La SNCF veut abaisser le nombre de trains de quatre à deux par jour jusqu’en 2027 » lâche Marc Reverchon qui précise pourtant un besoin de « six trains par jour »au regard des besoins en trafic rouliers et en conteneurs. Si le scénario voulu par la SNCF contraint le Port à affréter deux trains par jour, Jean-Philippe Salducci alarme : « On va affamer Marseille à ce rythme-là ! »
Les trois sociétés de la gare du Canet attendent d’être relocalisées sur un autre site adapté à leurs activités. C’est ce rôle que devait remplir le terminal de transport combiné de Mourepiane sur le territoire du GPMM. Mais ce projet décrié par les riverains a rencontré de nombreuses difficultés, allant jusqu’à l’arrêt total en 2016 par l’État. Une enquête publique sur le terminal initialement prévue en fin d’année 2021 se déroulera fin 2022. En attendant, la SNCF propose d’envoyer les marchandises à la gare de Clé Sud (Miramas) entre 2023 à 2027. La marchandise destinée à la ville de Marseille sera ensuite renvoyée par camions.
Cependant, le plan stratégique du Port 2020-2024 prévoit le report modal de la marchandise jusqu’à 35% en ferroviaire alors qu’il n’est aujourd’hui que de 15%. « Il faut un port et des voies d’accès ferroviaires. C’est là-dessus qu’il faut travailler. Avec un report modal pour alimenter les modes de mobilité douces » affirme Jean-Philippe Salducci rappelant que le Port n’est pas encore raccordé à l’autoroute. Si les aménagements du GPMM ne sont pas réalisés, et rapidement, Alain Mistre alerte sur le risque d’avoir de « casse sociale » et des grèves sur le port.« Actuellement, 17 000 emplois directs et indirects sont concernés par les aménagements des bassins est à Marseille», détaille-t-il. Une importante réunion, à savoir comment reporter les activités ferroviaires de la gare du Canet, est organisée par la Préfecture le 12 juillet avec le port Marseille-Fos, la SNCF et l’UMF. Marc Reverchon plaidera, donc, pour un minimum de six trains pour continuer à alimenter le territoire.
[Document source] L’étude complète d’Isemar
Liens utiles :
> L’Union maritime et fluviale (UMF) demande plus d’investissements sur le port
> Le port lance un appel à manifestation d’intérêt pour le silo à sucre de Marseille
> Mutations économiques, ouverture à la ville : le Port poursuit sa transformation