A l’occasion de l’inauguration du démonstrateur d’Eranova, qui vise à transformer les algues en matière plastique, Gomet’ a pu interviewer le maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône Martial Alvarez. Ville de 8500 habitants située en bord de mer, cette commune attire les industriels, qui s’implantent notamment sur le périmètre du Port de Marseille-Fos. Le maire et vice-président métropolitain en charge des relations avec le grand port maritime de Marseille (GPMM) fait le point notamment sur les projets de développement de l’énergie éolienne au large de la ville et de création du « premier port vert de France ». Interview.
Nous sommes ici à Port-Saint-Louis-du-Rhône pour l’inauguration du projet Alguex d’Eranova. Que représente ce projet à vos yeux ?
Martial Alvarez : Aujourd’hui est un grand moment pour Port-Saint-Louis-du-Rhône. Ce projet s’inscrit dans les gênes de la ville, qui a vocation à être actrice d’un monde meilleur. Cette technologie est tout ce qu’il y a de plus sain : on va pouvoir à la fois se débarrasser des algues et les revaloriser en matériau pour remplacer le plastique conventionnel, qui est la première problématique des océans en termes de pollution. Quant aux algues, nous les ramassons à la tractopelle sur nos plages et cela nous coûte cher de s’en débarrasser ! Ce que propose Eranova est extraordinaire et totalement innovant : nous allons pouvoir végétaliser aussi bien des sachets que des outils utilisés par des grands groupes comme Bouygues pour fabriquer des ouvrages, des ponts, à base d’algues. C’est une grande fierté.
« Sur la transition écologique, le rôle de l’élu est de faire de la pédagogie auprès des administrés »
Martial Alvarez, maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône
Comment le projet a-t-il abouti ?
M. A. : Rien ne va vite, même lorsque tout est réuni dans le projet pour réussir. Financièrement, la Métropole a accompagné le projet grâce à des crédits dédiés à l’innovation verte, de même que le conseil de territoire Istres Ouest Provence. Pour ma part, en tant que maire, j’ai été facilitateur des discussions avec les riverains. Pour les gens, la transition écologique c’est bien, mais si ça ne prend pas trop de temps ni d’argent et que ce loin de chez eux. Je pense que c’est le rôle de l’élu de faire de la pédagogie : je les ai rassurés sur les nuisances, olfactives ou autres. Il y avait aussi les ouvriers en bord de mer, qui craignaient que le démonstrateur occupe des places en bord à quai, ou encore les conchyliculteurs, très présents à Port-Saint-Louis-du-Rhône, qui redoutaient les rejets en mer. C’est tout un écosystème à rassurer pour mieux appréhender le monde de demain.
Eranova souhaite déployer son activité sur un site plus important. Avez-vous des pistes ?
M.A : Nous inaugurons aujourd’hui la phase 1 du projet, nécessaire pour savoir s’il pourra être pérenne. Si tel est le cas, il faudra trouver un site de 100 hectares pour l’exploitation. Nous trouverons le moyen d’identifier le site le plus adapté. Le projet va dans le sens des ambitions de la Région Sud et de la Métropole : concilier un développement économique sain tout en créant de la cohésion sociale et des emplois. En l’occurrence, ce type de projet en aquaculture a l’avantage de pouvoir se développer sur des friches industrielles. Cela veut dire que l’on peut réaffecter des sites qui étaient abandonnés. Je suis ravi que Port-Saint-Louis-du-Rhône soit le pivot de ce genre d’initiative.
Quatre ans après l’annonce de son arrivée à Fos-sur-Mer, le géant chinois de la fabrication des pneumatiques Quechen n’a toujours pas trouvé de site où s’installer. Ne craignez-vous pas une situation similaire si vous attendez trop ?
M.A : C’est justement peut-être l’exemple que nous avons eu des difficultés à nous coordonner avec le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM). Le projet est difficile à implanter et à installer. C’est différent dans le cas d’Eranova : l’adaptation est plus simple et tout le monde était d’accord. Ce projet est l’opposé de Quechen.
« Nous devons renforcer notre expertise sur l’éolien pour mieux l’appréhender »
Martial Alvarez, maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône
A l’horizon 2023, des éoliennes off-shore vont être implantées au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône dans le cadre du projet Provence Grand Large mené par EDF. A quel stade en est le projet ?
M.A : Je ne vous donnerai pas le calendrier exact ! Ce que je peux vous dire, c’est que le chantier suit son cours sur le site d’Eiffage, pas très loin d’ici, et que les flotteurs des éoliennes sont en train d’être assemblés. D’ici fin 2022, le site sera évacué de ses containers et l’assemblage final sera mis en route, ainsi que le tractage en mer des trois éoliennes comme démonstrateurs de l’avenir industriel de cette filière. L’arrivée des câbles électrique est déjà faite au départ de la plage Napoléon et alimentera la station off-shore.
En parallèle de Provence Grand large, la Ville travaille avec la Région et la Métropole au développement du projet Windtech, qui sera un centre technique pour les nouveaux métiers du vent et de l’éolien. Nous voulons renforcer notre expertise autour de trois axes : le vent comme énergie motrice ; le vent comme facteur de risque à anticiper ; et enfin, le vent comme élément sportif et de loisir, en particulier à l’approche des Jeux olympiques 2024.
Où en est le projet d’aménagement de la presqu’île du Mazet (voir notre précédent article )?
M.A : Les installations et réalisations avancent. Il y a plusieurs sous-projets dans le projet : la création d’un grand parc vert intergénérationnel, une revalorisation de l’hébergement touristique avec notamment l’implantation de camping cars et de loisirs, mais aussi l’installation de prospects. Il fallait rééquilibrer la zone, où l’activité était pré-existante au projet mais disséminée. Avec la Région Sud, nous sommes en train de finaliser la construction d’un nouveau port pour accueillir les petits métiers de la pêche, qui vont devoir quitter les quais. Ces derniers ont vocation à accueillir des industries en lien avec la construction navale, mais aussi des entreprises d’hivernage de bateaux de luxe.
« Concernant la presqu’île du Mazet, beaucoup a été fait en six ans sur cet espace qui était un no mans land »
Martial Alvarez, maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône
Le projet initial de village des start-up a dû être réorienté sur un autre endroit que celui prévu afin de laisser l’espace au développement de l’éolien. Notre ambition est aussi de créer de nouvelles places à flots avec un port entièrement dédié aux catamarans qui, nous l’espérons, deviendra le premier port vert de France. Ce projet se chiffre à 12 ou 13 millions d’euros. C’est conséquent, mais les prémices sont déjà lancées : nous avons déjà conçu le réseau d’assainissement et démoli des friches. Les prospects et partenaires sont impressionnés lorsqu’ils viennent et qu’ils constatent tout ce qui a été fait en six ans sur cet espace qui était un no mans land …
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