Depuis le 10 janvier 2024, le spécialiste des caméras scientifiques First Light Imaging, basé à Meyreuil, est passé sous pavillon britannique. L’entreprise compte 35 salariés, principalement des ingénieurs et techniciens scientifiques et a réalisé en 2023 un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros. Elle est née de la recherche publique. En 2009, David Boutolleau, Jean-Luc Gach, Philippe Feautrier et Éric Stadler sont chercheurs au Lam, le Laboratoire d’astrophysique de Marseille. Jacques Boulesteix en est alors directeur scientifique. Ils travaillent déjà sur des caméras, comme le résume à Gomet’ Jean-Luc Gach qui « permettent de voir ce que les autres ne voient pas ». Ironie de l’histoire, ils se tournent vers Oxford Instrument pour les fabriquer mais la société britannique décline alors l’offre.
« Making the invisible visible »
Soutenus par la cellule de valorisation de la faculté, par le pôle Pop Sud qui deviendra Optitec, ils créent leur entreprise de R & D et de fabrication. La difficulté de trouver un terrain pour leur atelier les conduit jusqu’à Meyreuil. First Light Imaging se spécialise dans les caméras scientifiques à grande vitesse et à faible bruit, notamment pour les applications en astronomie et en sciences de la vie. Leur caméra infrarouge à ondes courtes (SWIR), à grande vitesse et à faible bruit, est optimisée pour les longues durées d’exposition et aidera les astronomes à étudier les exoplanètes connues et leurs atmosphères. Leur base line « making the invisible visible » et leurs recherches ouvrent des portes insoupçonnées.
Dans leur univers, l’astrophysique, ils travaillent avec les centres de recherche et observatoires astronomiques les plus avancés au monde. Mais leurs cameras trouvent aussi des applications dans la santé. Leur imagerie permet une détection plus profonde, non invasive et à haute résolution des tissus in vivo ou ex-vivo, « grâce à la très faible réflectivité de la peau dans le SWIR et à un agent de contraste ou à des colorants. » Le champ d’application est large, notamment dans le domaine du cancer mais pas seulement.
La demande d’applications “New Space” est croissante pour, par exemple, l’observation de la Terre ou l’exploration spatiale : First Light Imaging propose ses solutions de caméra prêtes à l’emploi et personnalisables.
Dans l’industrie, les caméras « made in Meyreuil » sont utilisées pour l’inspection des semi-conducteurs, des aliments ou le contrôle qualité, l’analyse non destructive ou la surveillance environnementale. Elles sont aussi capables de percer les aléas météorologiques et de capturer des images à contraste élevé dans la brume, la pluie, le brouillard et des conditions atmosphériques difficiles. Enfin, application inattendue dans l’art avec l’usage des caméras de First Light dans l’inspection non invasive des peintures, pour identifier des altérations, des contrefaçons, des copies, des sur-peintures ou des marquages effacés.
First Light Imaging avec l’Irlande du Nord
L’équipe fondatrice cherchait un partenaire industriel pour progresser. « Après 12 années passées à bâtir First Light en tant qu’entreprise indépendante prospère, écrit David Boutolleau, cofondateur de First Light Imaging, il est devenu évident que pour amener l’entreprise à l’étape suivante de son développement, nous aurions besoin d’un soutien industriel et commercial pour renforcer notre fabrication, notre technologie et nos voies d’accès au marché ». Le dialogue s’est très vite engagé avec Oxford Instruments pour une proposition de rachat et d’intégration.
Oxford Instruments, issu de l’Université d’Oxford, a été créé il y a plus de 50 ans et emploie 1900 personnes. C’est un fabricant et concepteur britannique d’équipements et de technologies industriels et pour la recherche, basé dans l’Oxfordshire. Le groupe est coté à la Bourse de Londres et fait partie de l’indice FTSE 250.
First Light Imaging rejoindra une entité acquise par le groupe, il y a une dizaine d’années Oxford Instruments Andor , basée en Irlande du Nord. « Nos produits sont complémentaires, explique Jean-Luc Gach directeur scientifique pour Gomet’. Nous fabriquons des petites séries, nous sommes dans la haute couture et nous ne nous sommes jamais positionnés frontalement avec un concurrent potentiel comme Oxford ».
Selon le communiqué d’Oxford, le groupe anglais achète la société provençale pour 15,7 millions d’euros, sans liquidités ni dette, avec une contrepartie supplémentaire de trois millions d’euros conditionnée aux performances commerciales de First Light sur une période de 12 mois. L’un des quatre associés, Éric Stadler, quitte le navire, mais le staff reste en place. David Boutolleau est co-président avec le boss d’Oxford Richard Tyson, Jean-Luc Gach, CSO “Chief Strategy Officer” et Philippe Feautrier est CTO “Chief Technical Officer.”
Oxford Instruments s’est engagé à maintenir l’activité en Provence voire à transférer des productions d’Irlande vers la France. L’implantation du groupe en zone euro présente aussi un intérêt évident pour un groupe qui développe une stratégie mondiale.
Comme précise dans un communiqué, Richard Tyson, First Light Imaging a « une réputation et des antécédents en matière de qualité, d’innovation et d’expertise scientifique, et [leur] gamme de produits leader s’intègre bien à notre portefeuille de caméras scientifiques. Unir nos forces améliorera considérablement notre offre de caméras de classe mondiale ».