C’est un appel de détresse, une bouteille lancée à la mer par l’organisation non gouvernementale (ONG) SOS Méditerranée et adressée au reste de l’Europe. En état de choc à l’issue d’une opération de sauvetage de migrants le 27 avril. Si elle a permis le débarquement en Sicile de 236 rescapés, l’équipage de l’Ocean Viking, navire affrété par SOS Méditerranée, a tenu à alerter le reste de l’Europe sur le spectacle macabre qu’elle a pu observer en mer quelques jours avant. « Un naufrage ne laissant aucune survivante ni aucun survivant, le sauvetage simultané de deux embarcations pneumatiques surchargées, plusieurs interceptions par les garde-côtes libyens. La mort, la survie, les retours forcés », écrivent les membres de l’ONG dans un communiqué.
« Depuis notre arrivée sur place aujourd’hui [le 22 avril], nous n’avons trouvé aucun survivant alors que nous avons pu voir au moins dix corps à proximité de l’épave. Nous avons le cœur brisé. Nous pensons aux vies qui ont été perdues et aux familles qui ne sauront peut-être jamais ce qui est arrivé à leurs proches », relate Luisa Albera, coordinatrice de recherche et de sauvetage à bord de l’Ocean Viking. L’effroyable naufrage a fait 130 victimes, toujours dans la zone de recherche et de sauvetage libyenne. Et SOS Méditerrannée d’accuser : « Dans les heures qui ont précédé la découverte des restes du naufrage, aucune information n’a été communiquée par les autorités compétentes à l’Ocean Viking, seul navire de sauvetage humanitaire alors présent dans la zone. Aucun centre de coordination des secours maritimes n’a assuré une coordination efficace du cas de détresse. Ce n’est qu’après-coup que l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex a révélé que c’était l’un de ses avions de patrouille qui avait lancé deux appels MAYDAY pour le bateau en détresse. Trois navires marchands et l’Ocean Viking, navire de sauvetage civil, se sont coordonnés entre eux dans la zone pour organiser la recherche de survivant.e.s. Nos appels de soutien et de coordination sont une nouvelle fois restés sans réponse. »
Selon SOS Méditerranée, plus de 20 000 personnes ont trouvé la mort en mer en tentant ces traversées incertaines. Grâce à l’ONG et ses deux navires, l’Aquarius puis l’Ocean Viking, 32 947 personnes ont cependant pu être sauvées.
« Europe, nous sommes tes citoyens et nous avons vu le pire cette semaine.»
Sophie Beau
SOS Méditerranée dénonce également les dirigeants de l’Union Européenne qui auraient « sciemment décidé de ne pas faire tout ce qui était en leur pouvoir pour sauver ces vies, de cesser de coordonner les opérations de recherche et de sauvetage et de permettre aux garde-côtes libyens de renvoyer illégalement ces personnes en Libye. »
« Europe, nous sommes tes citoyens et nous avons vu le pire cette semaine. Il nous reste l’espoir que tout cela ne sera pas vain. Nous avons besoin d’une intervention humaine répondant à des valeurs d’humanité pour que cesse immédiatement cette catastrophe », déclare Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée France et co-fondatrice de l’association.
L’ONG réclame la mise en place d’un dispositif de sauvetage commun à l’Europe pour venir en aide à ces migrants. A bord de l’Ocean Viking, une grande partie des rescapés, dont 119 mineurs non accompagnés, témoignent de violences de la part des ces passeurs, qui les auraient forcés à monter à bord d’embarcations de fortune.
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