Les chants syriens, égyptiens, irakiens ou encore saoudiens résonnent entre les murs vitrés du Mucem. La nouvelle exposition « Orient Sonore » qui s’y tient jusqu’au 4 janvier prochain donne à voir, mais surtout à entendre, des contrées pas si éloignées de notre cité phocéenne. Une exposition montée en partenariat avec la fondation libanaise Amar – Arab Music Archiving and Research -, qui possède quelque 10 000 disques 78 tours représentatifs de la musique orientale au XXe siècle.
Dans le cadre de l’exposition « Orient Sonore », une soixantaine de pièces de cette collection unique est exploitée, ainsi que des vidéos tournées dans plusieurs pays orientaux : Egypte, Arabie Saoudite, Yémen, ou encore Syrie. Le président d’Amar, Kamal Kassar, explique vouloir préserver un patrimoine sonore « en péril, soit pour des raisons politiques, soit parce que la société a évolué ».« Le Mucem est le lieu idéal pour cette exposition, car elle rentre dans sa thématique », continue-t-il. En effet, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée met à l’honneur ces peuples qui entourent le bassin méditerranéen. D’abord présentée au musée Humboldt à Berlin, l’exposition a pu s’enrichir grâce au partenariat noué avec le Mucem, qui a poussé la fondation Amar à recueillir de nouveaux témoignages.
Une invitation au voyage
« Un voyage dans le temps et dans la géographie de la musique » : c’est ainsi que Pierre Giner, directeur artistique et scénographique de l’exposition, a souhaité concevoir cette dernière. Le parcours commence sur le récit chanté d’une épopée par un poète égyptien : au rythme des ouds, guitares traditionnelles, il conte l’histoire de la Sîra Hilâliya, soit la migration des Arabes vers l’Afrique Nord. Chacune des douze installations qui composent l’exposition est une invitation au voyage dans un pays différent : de vastes tapis persans aux tons chaleureux incitent le visiteur à s’installer face aux écrans, comme s’il était sous la tente avec les musiciens. Une façon de faire revivre « des traditions disparues, des musiques oubliées », explique Kamal Kassar, à l’instar des voix vibrantes de ces quatre chanteurs de Al-anîn qui sont les derniers à s’adonner à l’art de la complainte. Car la musique orientale se teinte souvent de mélancolie, de la tristesse de peuples frappés par la tragédie, comme ces prêtres syriens qui continuent à se réunir pour chanter dans une église détruite par Daesh à Mossoul. Une séquence émotion capturée par les caméras de la fondation Amar, et que le spectateur-auditeur peut visionner et écouter vers la fin de l’exposition.
Mais la musique orientale se fait joyeuse lorsqu’elle accompagne les scènes de bonheur de la vie quotidienne ou la liesse religieuse. Le visiteur partage cette joie, tantôt immergé, grâce à la magie des écrans géants, en plein mawâlid al-sufiyya, une tradition religieuse soufiste en Egypte, ou encore embarqué dans une commémoration de la Vierge Marie au Mont Dronka.
Au fil de l’exposition, à travers une déambulation parmi les disques vintage de chanteurs qui ont marqué le monde arabe – dont Yusuf al-Manyalawi et Oum Kalthoum sont d’éminents représentants – l’industrie musicale en Orient au XXe siècle se raconte : de 1903, date du premier enregistrement de musique arabe à nos jours, en passant par les débuts de la radio dans les années 30 et le tournant populaire de la musique orientale.
Une application pour prolonger l’expérience
« La crise sanitaire a bouleversé l’organisation de cette exposition » confie Pierre Giner. A l’origine, des casques étaient prévus pour pourvoir écouter les 78 tours pendant la visite. Compte tenu de la covid-19, les organisateurs ont dû se tourner vers des alternatives 2.0. Finalement, c’est en scannant les QR codes à côté de chaque disque que les visiteurs peuvent profiter de l’expérience musicale. Attention toutefois à se munir d’un smartphone assez moderne pour que le dispositif fonctionne … Ceux qui le souhaitent, peuvent même emporter l’exposition sur leur smartphone en téléchargeant l’application orientsonore.fr, qui permet de réécouter les morceaux exposés et visionner les séquences vidéos. Comme si innovation et tradition trouvaient finalement dans l’exposition « Orient sonore » un lien salutaire, l’une permettant la préservation de l’autre, pour continuer à faire retentir dans le monde les sonorités orientales ! A suivre nos vidéos…
Liens utiles :
> En Marcel et espadrilles, le Mucem vous rhabille pour l’été
> [En images] Le Mucem, un si beau plateau