Comme évoqué par Gomet’, Rolex France a été sanctionnée le 18 décembre 2023 à verser une amende de 91,6 millions d’euros à l’Autorité de la concurrence (ADLC), qui est l’organisme indépendant arbitre de la concurrence en France, au service de la compétitivité et du consommateur. Rolex disposera d’un mois après notification pour faire appel de cette décision auprès de la cour d’appel de Paris et son choix.
Le grief retenu était « l’entente verticale restrictive de concurrence » et en particulier l’interdiction faite par Rolex à ses distributeurs agréés de vendre en ligne, alors que les ventes sur internet se développaient pour toutes les autres marques ; Rolex elle-même est en train d’y venir, notamment pour les montres d’occasion. « L’Autorité a rejeté l’argument de Rolex France qui consistait notamment à justifier l’interdiction de la vente en ligne par la nécessité de lutter contre la contrefaçon et le commerce parallèle », alors que “ses principaux concurrents, qui sont confrontés aux mêmes risques, l’autorisent sous conditions.» Rolex France est condamnée solidairement avec la société Rolex Holding SA, la fondation Hans Wilsdorf (du nom du fondateur en 1905) et la société Rolex SA, les actionnaires suisses du groupe établi à Genève.
L’ADLC a enquêté sur la marque à partir des plaintes remontées dans le cadre de la procédure intentée par le joaillier marseillais Pellegrin et fils et l’Union des Bijoutiers Horlogers (UBH) contre Rolex.
Le litige commercial entre Pellegrin et fils et Rolex toujours pas tranché
En parallèle, la décision concernant le litige commercial entre Pellegrin et fils et Rolex reste à rendre. Rappelons que Rolex, leader sur le marché des montres de luxe, avait agréé depuis 1996 Pellegrin et fils pour la distribution de ses montres à Marseille, de manière non-exclusive puisqu’avaient été agréés également Sitbon Bornand (englouti dans une mise en examen pour fraude fiscale depuis 2014) et Frojo.
Depuis 10 ans, Rolex n’a retenu plus qu’un seul distributeur à Marseille, Frojo, et a ouvert une boutique dédiée commune, la boutique Rolex Frojo située rue Grignan à Marseille. Pellegrin a reproché à Rolex de l’avoir évincé sans raison valable en 2013. Cette rupture de contrat lui a été lourdement pénalisante : d’une part il a perdu les ventes de Rolex, qui s’élevaient à environ 30% de son chiffre d’affaires, ainsi que les réparations de ces montres, et la fréquentation que cette marque drainait ; mais de plus sa réputation a été ternie, et Pellegrin a subséquemment perdu les autres marques d’horlogerie de luxe comme Jaeger Lecoultre, Omega, Tag Heuer, Breitling, Hermès et Chanel.
Les tentatives de la maison Pellegrin de transiger à l’amiable ayant échoué, elle s’est lancée dans une longue et coûteuse procédure, conjointement avec l’Union de la Bijouterie Horlogerie (UBH), avec le concours du cabinet d’avocats Tactics (Loraine Donnedieu de Vabres et Florent Vever). Messieurs Pellegrin père et fils estiment que leur combat s’apparente à celui de “David contre Goliath“, tant la puissance des adversaires diffère, Rolex ayant réalisé 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022 dans le monde, tandis que Pellegrin et fils réalise 11 millions d’euros de CA avec 5 magasin, 32 salariés et un atelier.
Ils rappellent ainsi les étapes : en 2013, année de la rupture du contrat, ils ont assigné l’horloger en référé, mais ont perdu en première instance en 2015 ; après une année de réflexion en 2016, la maison Pellegrin a porté plainte auprès de l’ADLC en 2017 ; l’enquête de l’ADLC a débuté en 2018 et en 2019 les juges ont demandé un sursis pour statuer après enquête approfondie. C’est fin 2023 que Rolex s’est vu infliger cette lourde amende par l’ADLC. Même si la position de l’ADLC est encourageante, rien n’est encore joué pour le litige Pellegrin versus Rolex. En 2018, cinq ans après la rupture du contrat, le manque à gagner estimé par Pellegrin était de 6 M€, montant nettement supérieur six ans après. Messieurs Jean-François et Arnaud Pellegrin espèrent être entendus, indemnisés et défrayés en 2024.
Depuis, n’étant plus distributeur d’horlogerie, la société Pellegrin et fils s’est réorientée vers la joaillerie, métier de luxe davantage artisanal, en se focalisant sur l’achat de pierres précieuses (le dirigeant Arnaud Pellegrin se rend par exemple deux fois par an à Mumbai en Inde, centre international réputé pour le diamant taillé) et sur son atelier de joaillerie. Retour aux sources pour la Maison fondée en 1840, transmise depuis de père en fils, qui avait fait partie en 2023 des entreprises “centaures”, plus que centenaires, du territoire acclamées par la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Aix Marseille Provence.
Lien utile :
Pellegrin & fils fait condamner Rolex à une amende de 91,6 millions d’euros