La commission d’enquête sur la friche industrielle Legré-Mante à la Madrague de Montredon (8e) émet un avis « favorable » au projet immobilier de Constructa et au fonds suisse de dépollution Ginkgo. Or, plusieurs réserves sont formulées par les habitants et les institutionnels, récoltées par la commission d’enquête entre les 19 septembre et 21 octobre. Les documents constitutifs des permis de construire doivent être réajustés pour lever ces réserves.
« Nous avons désormais sept points qu’il convient d’éclaircir avant d’aller plus loin », concède Christine Juste, adjointe à l’environnement de la Ville de Marseille, dans un communiqué. En tant qu’ancienne militante et habitante du quartier, l’élue a été très engagée pour préserver la santé des habitants confrontés à la pollution de deux siècles d’activitéindustrielle de l’usine Legré-Mante.
Apporter une meilleure alternative pour décongestionner le quartier
Selon l’enquête de la commission, que Gomet’ a pu consulter, la congestion du quartier arrive en tête des préoccupations des habitants. Tous les jours, 1 300 véhicules traversent (hors période estivale) ce quartier encaissé à la lisière du parc des Calanques. Parmi les 220 observations, 52% des répondants estiment que « le trafic induit par le projet est sous-évalué ». Un avis partagé par l’Agence régionale de santé (ARS) et la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe).
En revanche, la Ville de Marseille et la Métropole Aix-Marseille n’ont pas noté d’observation à ce sujet.La commission relève par ailleurs que la Ville et la Métropole – qui détient la compétence voirie – ne se sont pas engagées sur le financement de mesures pour créer une liaison en transport en commun, ni de piste cyclable. Les documents en vigueur ne mentionnent qu’un horizon« lointain» à 2030.
Ainsi, la commission demande de réévaluer de + 35% du nombre de déplacements en voiture journaliers en saison d’été et de + 11% des mêmes déplacements journaliers hors saison. Elle constate que la seule action pouvant être menée par l’opérateur est l’élargissement de la chaussée, mais uniquement au niveau de l’usine, sans réflexion plus globale urbanistique. Cette solution ne suffirait pas à résoudre la congestion dans le quartier, voire peut l’empirer.
La commission requière également la mise en œuvre d’une Zone de Trafic Limité (ZTL) pour la desserte des villages de la Madrague et de Montredon afin de permettre la circulation des transports publics, des services d’urgences, des riverains et des titulaires d’autorisations expresses, « tandis que celle des autres automobiles serait réservée aux jours de semaine et pour certaines heures ». A noter que la mise en place de cette ZTL avait déjà été proposé par les habitants à l’arrivée du Printemps Marseillais en 2020, selon une source proche du dossier.
Mieux confiner les travaux de dépollution de l’usine
Outre les risques d’encombrement automobile, la pollution lors des travaux reste une inquiétude majeure. La peur de l’envolée des poussières polluées est mentionnée dans 90 observations d’habitants qui représentent 41% des observations totales du public. Une garantie détaillée sur le confinement des travaux doit être apportée par Ginkgo. La commission demande à ce que la version finale du plan de gestion des travaux « justifie de manière transparente ces choix pour confiner des zones de travaux.» Un bilan coût/avantage étudié en fonction des vents doit être mené.
Prendre en compte l’efficacité énergétique des bâtiments
Selon la commission d’enquête, l’unité foncière a été divisée en deux lots A et B. Deux permis de construire ont ainsi été présentés.
Deux lots
A : 280 logements collectifs, résidence tourismes, seniors, commerces…
B : 52 logements collectifs
En tout 332 logements vont être construits selon les permis déposés actuellement.
Bien que le permis A est daté du mois de décembre 2021, celui du permis B date de mars 2022, soit trois mois après le dépôt original. Un fait qui interpelle les enquêteurs. De plus, la loi énergétique prise en compte serait celle de 2012 et non de 2020. Or, « les bâtiments neufs des lots A et B dans leur intégralité doivent être soumis à la RT 2020, qui prend effet dès le 1er janvier 2022. En effet, l’État aide les collectivités pour utiliser les friches (ici 2 millions d’euros) qui demandent souvent un surcoût, dans l’esprit d’un habitat durable et citoyen », explique le document.
Quatre autres réserves émises :
- La prise en compte des effets sonores en phase exploitation. Le maître d’ouvrage s’est engagé à présenter une cartographie du bruit au comité de vigilance
- Une meilleure estimation des risques d’incendies, notamment le respect des prescriptions légales qui obligent au débrousaillage de la parcelle
- La commission n’accepte pas la construction d’un bâtiment (G) sur un endroit d’écoulement des eaux avant la mer
- Les stationnements trop nombreux qui vont accroitre le nombre de voitures dans le quartier
Si la procédure est poursuivie comme il se doit, les réserves doivent être levées pour que l’avis de la commission reste favorable au projet d’aménagement. Les opérateurs Ginkgo et Constructa devront remettre des permis en prenant en compte ces réserves.
Liens utiles :
> Comprendre tout le projet : Le projet immobilier Ginkgo sur Legré-Mante relancé malgré des zones d’ombre
> Suivre le projet sur ce site : 195 La Calanque