L’année 2022 a été marquée par une sécheresse record, qui se prolonge en 2023. En avril dernier, 28 communes des Bouches-du-Rhône étaient ainsi déjà placées au stade d’alerte, avec toute une série de restrictions accompagnant cette situation.
Sur quels critères les services de l’Etat compétents, à savoir la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) et la Direction départementale des territoires (DDTM) décident-ils d’activer l’alerte sécheresse ? Ces derniers ont eu l’occasion de l’expliquer lors de la conférence « Urgence eau » organisées mercredi 14 juin à la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence (CCIAMP). « L’objectif de l’arrêté sécheresse, c’est de préserver la ressource en eau lorsqu’elle devient plus rare en régulant les usages, par gradation », explique ainsi Charles Vergobbi, directeur départemental adjoint de la DDTM 13. Actuellement, quatre niveaux sont distingués, dans l’ordre croissant : la vigilance, l’alerte, l’alerte renforcée, et en dernier lieu la situation de crise.
Une logique par source plutôt que par bassin versant
« L’eau sanitaire est priorisée parmi les usages ainsi que l’utilisation de l’eau pour la préservation des milieux et de la biodiversité », poursuit-il. De fait, les usages qui sont prioritairement limités en cas de sécheresse sont les loisirs et les activités économiques… L’année 2023 devrait à nouveau tomber sous le coup de l’arrêté sécheresse : « Il ne faut pas confondre le temps et le climat. Les fortes précipitations de ces derniers jours ne permettront pas de résoudre l’important déficit des nappes souterraines », prévient Charles Vergobbi.
Le gouvernement planche actuellement sur un nouvel arrêté sécheresse, qui prendrait en compte la source de l’eau plutôt que les bassins versants. « Actuellement, les mêmes restrictions s’appliquent sur tout un bassin versant » poursuit le directeur adjoint de la DDTM. Or, la particularité du territoire métropolitain est qu’il puise 90% de son eau dans des sources extérieures à son périmètre, comme les Alpes avec le lac de Serre-Ponçon ou encore le Verdon.
Sécheresse dans l’Huveaune et le Réal de Jouques : un allègement des mesures à la suite des précipitations
Avec les pluies de ces derniers jours, la Préfecture des Bouches-du-Rhône vient d’émettre un nouvel arrêté concernant l’Huveaune et le Réal de Jouques, qui passent du stade de crise à celui d’alerte renforcée. Il s’agit donc d’un allègement des mesures prises jusqu’alors. « Le déficit de précipitations sur l’année hydrologique reste important bien que le mois de mai ait été excédentaire par rapport à la normale », nuance cependant la Préfecture. Cette alerte renforcée concerne 18 communes des Bouches-du-Rhône.
Le préfet appelle en outre les usagers des zones concernées à continuer d’avoir « un usage économe de l’eau.» Les services de l’Etat rappellent en outre que les prélèvements directs dans les cours d’eau restent interdits et que les solutions de pompages doivent être retirés. L’usage domestique, en revanche, n’est pas concerné.
Des règles spécifiques pour les sites classés ICPE
Le projet d’arrêté ministériel sécheresse concerne particulièrement les entreprises, spécifiquement les ICPE (installations classées protection de l’environnement). Par la nature de leur activité, ces installations peuvent nuire à l’environnement. Il s’agit, entre autres, des carrières de béton, de l’industrie, des caves ou encore des casses automobiles. Avec le nouvel arrêté sécheresse, ces activités seront plus sévèrement encadrées en période d’alerte ou de crise. L’arrêté ministériel énoncera un cadre dit « minimal » qui pourra être décliné voire aggravé par les préfets de département. Ce nouvel arrêté vise aussi à harmoniser les pratiques entre les différents territoires.
L’arrêté doit aussi limiter les prélèvements d’eau pour ces activités, en prenant toutefois en compte les secteurs essentiels, qui ne sont pas encore précisés. Le document veut aussi inciter aux bonnes pratiques : ainsi, l’arrêté ne s’appliquera pas de la même façon pour une entreprise déjà engagée dans une démarche de réduction de sa consommation en eau ou qui intègrent la réutilisation des eaux usées.
Un plan de sobriété hydrique pour les entreprises
La DDTM et la Dreal ont aussi pour mission d’inciter les entreprises à mettre en œuvre un plan de sobriété hydrique, qui pourra permettre l’adaptation des règles de l’arrêté sécheresse. L’objectif de ce plan, conçu conjointement avec la Dreal Auvergne Rhône Alpes, est d’abord d’harmoniser les pratiques autour du bassin Rhône Méditerranée Corse., mais aussi de consolider les connaissances sur les prélèvement et la consommation d’eau, ou encore appliquer de la façon la plus efficiente les nouvelles technologies.
Concrètement, ce PSH se présentera sous la forme d’un tableur, et permettra de renseigner les prélèvements en eau et leurs usages, ou encore d’indiquer si des réductions de prélèvement ont été mises en place. « Ce PSH sera validé par défaut, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de contrôle a priori. On part du principe que l’entreprise qui s’y engage applique ce plan. en revanche, il y aura des contrôles a posteriori dès cet été », prévient Serge Planchon, de la Dreal Provence-Alpes-Côte d’azur.
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