Par Christian Beaussant, associé de IODA Consulting
Dans un contexte de finances publiques dégradées, il est essentiel de rappeler que l’innovation est un moteur majeur de la croissance économique de la France. Elle implique aussi des défis comptables et fiscaux particuliers pour les entreprises. Entre dispositifs d’exonération, valorisation d’actifs immatériels, suivi analytique des dépenses subventionnées et gestion des difficultés financières, les entreprises innovantes doivent adopter des stratégies comptables rigoureuses pour assurer leur pérennité. D’autant plus en période d’instabilité économique ou de crise, avec des règles fiscales en constante évolution.
Une palette de dispositifs fiscaux favorables à l’innovation
Les entreprises innovantes bénéficient de dispositifs fiscaux spécifiques qui allègent considérablement leur charge et soutiennent leurs efforts en recherche et développement (R&D). Parmi eux, le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) permet d’importantes exonérations fiscales et sociales. Ainsi, les JEI créées avant 2024 bénéficient d’une exonération d’impôt sur les sociétés de 100 % pour leur premier exercice bénéficiaire, puis 50 % pour le second. Par ailleurs, toutes les JEI bénéficient, pendant la durée d’application du statut, d’une exonération de taxe foncière et des charges sociales patronales URSSAF pour le personnel affecté à la R&D.
À partir de 2025, un nouveau statut de Jeune Entreprise d’Innovation et de Croissance (JEIC) sera créé, à l’initiative du député Paul Midy. Ce statut s’adressera aux entreprises ayant atteint une certaine maturité mais toujours engagées dans l’innovation, leur permettant de bénéficier de mesures fiscales adaptées à leur développement continu.
Autre dispositif mais non des moindres : le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est une aide cruciale. Il finance 30 % des dépenses de R&D éligibles jusqu’à 100 millions d’euros, et 5 % au-delà. Toutefois, les délais de versement du CIR peuvent parfois être longs et peser sur la trésorerie des entreprises innovantes, rendant la gestion de leur comptabilité encore plus complexe. C’est ici que l’accompagnement par un expert-comptable spécialisé devient indispensable, non seulement pour constituer un dossier de demande de remboursement recevable, mais aussi pour anticiper les délais de remboursement anormaux.
Sous réserve de sa reconduction dans le projet de loi de finances 2025 en cours de discussion au Parlement, le Crédit d’Impôt Innovation (CII), quant à lui, s’adresse aux plus petites structures et leur offre un crédit d’impôt équivalant à 30 % des dépenses éligibles engagées pour innover, notamment l’investissement dans des prototypes. Bien qu’il soit réservé aux PME, il complète utilement le CIR et aide ces entreprises à financer leur développement. Ces dispositifs représentent des opportunités considérables, mais la gestion comptable qui en découle demeure complexe.
La gestion des actifs immatériels : un défi comptable
Par ailleurs, l’innovation repose souvent sur des actifs immatériels difficiles à valoriser : brevets, logiciels, technologies émergentes. La valorisation de ces actifs, et leur comptabilisation dans des conditions optimales pour l’entreprise, nécessitent des compétences spécifiques. À titre d’exemple, le dispositif de l’IP Box permet de réduire l’imposition des revenus issus de la propriété intellectuelle de 25 % à 10 %, mais sa gestion reste délicate et les risques de remise en cause significatifs.
Sur un autre plan, la présentation des états financiers est un enjeu majeur pour les sociétés innovantes, afin de valoriser la valeur créée par les innovations développées et préserver ainsi les fonds propres de l’entreprise. En particulier, les frais de R&D supportés en interne peuvent être comptabilisés à l’actif s’ils remplissent certains critères, qu’il importe de maîtriser. C’est également le cas de l’évaluation et du traitement comptable et fiscal des prototypes.
Entreprises innovantes en difficulté : des critères d’exclusion à surveiller
À noter, enfin, que les entreprises innovantes peuvent se retrouver exclues de certains dispositifs fiscaux si elles rencontrent des difficultés financières. Le CII, par exemple, n’est pas accessible aux entreprises en difficultés financières (procédures de sauvegarde, redressement et liquidation) ou dont les fonds propres sont dégradés. Ces critères, liés à la réglementation européenne des entreprises en difficulté, sont stricts : dès qu’une entreprise ne respecte plus le ratio fonds propres > 50 % du total capital + primes d’émission, elle devient entreprise en difficulté au sens européen et perd immédiatement son éligibilité à de nombreuses aides aux sociétés innovantes, dont le CII.
Il existe des solutions pour limiter la portée de cette mesure très pénalisante pour le développement et le financement des entreprises innovantes. Encore faut-il les connaître et savoir les appliquer au bon moment.
En conclusion : face à ces défis de taille, les entreprises innovantes ont un intérêt majeur à se faire accompagner par des conseils spécialisés, experts-comptables notamment. La complexité des dispositifs fiscaux, la valorisation des actifs immatériels et la gestion des difficultés financières exigent une expertise pointue pour optimiser leurs chances de réussite et garantir leur pérennité économique.
Christian Beaussant, associé de IODA Consulting
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