Chaque semaine, Gomet’ ouvre ses colonnes aux débats d’idées, aux éditos, tribunes, humeurs et autres prises de paroles de contributeurs extérieurs (*). Cette fois, le député Modem de la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône, Mohamed Laqhila, revient sur la réforme de gouvernance initiée par la Métropole Aix-Marseille Provence depuis les dernières élections. Il compare l’institution à l’éternel recommencement de Pénélope, la femme d’Ulysse dans l’Odyssée d’Homère, estimant que les dernières orientations défont le travail initié par la loi Maptam de 2014 à l’origine de la création de la Métropole.
Dans le monde d’Homère, Pénélope, reine d’Ithaque, épouse d’Ulysse, pour ne pas céder à ses prétendants, tisse le jour et défait la nuit la portion de tissu qu’elle a confectionnée quelques heures plus tôt. Une action qui ne mène nulle part, un travail continuellement recommencé qui n’aboutira jamais.
C‘est un peu l’impression que donne la Métropole d’Aix-Marseille-Provence quand nous constatons l’énième transfert de compétences que vote le conseil territorial du Pays d’Aix, suivant en cela la réforme de gouvernance métropolitaine voulue par Martine Vassal, mais initiée par Maryse Joissains. En opposition complète aux analyses et aux propositions des acteurs économiques locaux (Top20, UP13, CCI) pour doter la Métropole de moyens adaptés et d’une gouvernance refondée (rapport de l’institut Montaigne « Construire la métropole Aix-Marseille-Provence de 2030 ») les édiles opèrent un transfert de compétences vers les communes vidant de fait la Métropole de toute efficience et rendent les communes concurrentielles.
Les édiles opèrent un transfert de compétences vers les communes vidant de fait la Métropole de toute efficience et rendent les communes concurrentielles.
Mohamed Laqhila
Qu’est devenue l’essence de la Loi de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles (MAPTAM) qui promettait en 2014 un espace de solidarité, pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social, afin d’en améliorer la cohésion et la compétitivité et de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional ?
Le législateur rêvait de pallier le millefeuille administratif, déjà très complexe par l’émiettement communal français, et de hisser les grandes villes au rang de métropoles compétitives à l’échelon européen. À terme, il s’agissait de regrouper les intercommunalités actuelles et de se substituer aux départements en exerçant de plus en plus de compétences.
L’échelle spatiale d’intervention paraît pourtant objectivement plus cohérente puisqu’elle permet de planifier de véritables politiques d’aménagement local, de mettre en œuvre des politiques de développement économique, de gérer l’organisation des transports publics et d’intervenir sur la planification générale des systèmes de transport.
Mais, cette conception ne peut vivre qu’avec l’approbation des collectivités fusionnées et suppose l’adaptation des structures de gestion et de pilotage qui les gouvernent.
Il est évident que les élus ne sont pas prêts à changer le modèle gouvernemental traditionnel par des logiques coopératives.
Mohamed Laqhila
Il est évident que les élus ne sont pas prêts à changer le modèle gouvernemental traditionnel par des logiques coopératives. Il est vrai que ce phénomène de regroupement des gouvernances au service des citoyens dans un but de solidarité et d’efficacité n’est pas sans conséquence pour les systèmes politiques de « clocher » qui perdent, de ce fait, une part de leur autonomie.
Depuis 2014, on assiste à des allées et venues de transferts de compétences entre la métropole et les communes ou leurs associations, de transferts de budgets entre les collectivités sans pour autant créer les liens indispensables entre densification, mixité, et mobilité qui définiraient des dynamiques géographiques de développement économique durable, et une politique de déplacement. Leurs délibérations, leur travail ne créent aucune valeur, n’ont aucune finalité. Les projets, quant à eux, se multiplient sans cesse sans aboutir, avec bien entendu, la création de nouveaux postes, de nouvelles nominations…
La réforme de la Métropole à laquelle nous assistons reverse plus de 60 % du budget versé par les communes, pour des projets communaux, initiés par les communes. Une Métropole vidée de son sens, coquille vide mais coûteuse, sans vision et sans avenir, à contre-sens de la promesse de 2014.
Je constate toutefois que le travail avancé par le conseil territorial prévoit un mode de scrutin de liste, ce dont je me réjouis puisque je le demande depuis plusieurs années maintenant. Mais réserver la direction de ces listes aux élus municipaux reviendrait une nouvelle fois à défaire pour refaire à l’identique. En d’autres termes, un travail de Pénélope.
Mohamed Laqhila
Député des Bouches-du-Rhône
(*) Les tribunes, points de vue et humeurs signés par des contributeurs extérieurs n’engagent pas la rédaction de Gomet’
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