Topp Decide, porte-étendard du projet
Ces avancées réglementaires encouragent un peu plus les pouvoirs publics et les armateurs à envisager un recyclage des bateaux en Méditerranée. Sur tout le littoral, le golfe de Fos apparaît comme le lieu le plus approprié pour accueillir cette filière industrielle. Le Grand Port Maritime de Marseille dispose des voies d’eau et des liaisons ferroviaires et fluviales à sa mise en place. L’association Piicto qui réunit les industriels du port (Solamat-Merex, Kem One, Evéré…) autour de projets d’économie circulaire s’intéresse beaucoup au projet. « C’est tout un écosystème qu’il va falloir créer avec des entreprises de découpe, de traitement de l’amiante, des aciéristes… On est pleinement dans un circuit vertueux avec des matières premières issues des bateaux qui pourront être réutilisées. On travaille sur des engagements avec les grands aciéristes, AreclorMittal et Ascométal pour qu’ils s’engagent dans le projet », explique Christophe Avellan.
Mais pour l’instant, le projet est surtout porté par Topp Decide, une société de conseil en ingénierie spécialisée dans le démantèlement des navires basée à Toulon. Son patron, Olivier Pillard, travaille sur la création d’une nouvelle base à Fos depuis plusieurs années et il semble le mieux placé aux yeux des partenaires institutionnels pour la concrétiser. Contacté par téléphone, Olivier Pillard n’a pas pu répondre à nos questions pour cause de déplacement à l’étranger mais Christophe Avellan le connaît bien et se rassurant sur le sérieux des ambitions de l’entreprise. « Il travaille sur de très gros chantiers à travers le monde et dispose de partenaires industriels et financiers importants prêts à financer ce site de démantèlement sur la métropole marseillaise », assure-t-il.
Une première commande publique pour lancer la machine
Pour créer ce site de recyclage des navires, il va falloir construire une barge flottante de déconstruction, « un poste à plusieurs dizaines de millions d’euros », indique Christophe Avellan. Le choix du site va également influer sur le coût du projet. Initialement, la Métropole avait donc envisager de l’installer sur le chenal de Caronte « mais finalement, l’installation d’une base pourrait bloquer le passage des autres navires donc je pense que ça se fera ailleurs », prévient le directeur adjoint du Pole Mer.
« Il faut que l’État montre la voie en passant les premières commandes afin de lancer la machine.»
Christophe Avellan
Le GPMM cherche donc le meilleur emplacement pour développer cette filière sans pénaliser le reste des activités. En attendant, il faut surtout convaincre les premiers propriétaires de navires de s’engager pour lancer le projet. Pour Christophe Avellan, « il faut que l’État montre la voie en passant les premières commandes afin de lancer la machine. Cela permettra de réaliser les premiers tests et de monter en puissance afin de faire baisser progressivement les coûts ».
La bonne nouvelle attendue au milieu de l’année 2020 pourrait d’ailleurs être la signature d’un premier client public. Du côté des grands armateurs, certains affirment être intéressés. A l’occasion des assises de l’économie de la mer qui se sont tenues à Montpellier début de semaine dernière, Rodolphe Saadé, le président de la CMA CGM a manifesté son intérêt pour une déconstruction de ses navires à quelques kilomètres de son siège social. « Mais il ne faut pas se leurrer. Ils continueront de faire appel aux marchés étrangers tant que nous ne serons pas compétitifs », prévient Christophe Avellan. Pour y parvenir, il compte s’appuyer les nouvelles technologies : machine de découpe intelligente, système de recyclage d’air, confinement de l’amiante… Le savoir-faire français et local en la matière est un atout pour convaincre les grands groupes maritimes.