Maristella Vasserot est à la tête de l’une des dernières fabriques de pastis à Marseille, ayant pris les rênes de l’entreprise familiale Cristal Limiñana en 2013. Auparavant, elle a dirigé son propre établissement de formation, l’Hispam, pendant 12 ans, enseignant l’espagnol et le portugais. Son immersion dans le monde de l’entreprise familiale remonte à son enfance, où elle a observé le travail acharné de sa grand-mère et de sa mère.
On remonte le temps. Au 19e siècle, Pascual et Manuel Limiñana ont rejoint des membres de leur famille déjà installés à Alger pour échapper à la crise économique en Espagne. Là-bas, ils ont commencé à travailler dans le bar de leur cousin et ont créé la Paloma, une boisson anisée inspirée de leur Espagne natale. Cette boisson a rapidement séduit les immigrés espagnols installés sur le territoire algérien, propulsant ainsi la croissance de leur entreprise. Quelques années plus tard, en 1962, l’arrière grand-père de Maristella rejoint la France et installe son usine à Marseille, prenant la place de la Distillerie de la Méditerranée et de faïenceries dans le quartier de Saint-Pierre (5e arrondissement de Marseille). La fabrique cartonne, les Espagnols pieds-noirs fraîchement marseillais retrouvent “leur madeleine de Proust” raconte Maristella Vasserot. Bien que spécialisée dans les anisés à l’origine, l’usine élargit sa production au fil des années pour inclure rhums, gins, vodkas, liqueurs, et autres. Elle propose également des boissons non alcoolisées, le produit à la mode de la boutique depuis quelques temps et des produits dérivés comme des sirops, sorbets, et bonbons. Les visiteurs peuvent découvrir ces produits au sein de la boutique de l’usine et visiter l’une des dernières distilleries marseillaises.
Bercée depuis petite par l’odeur de l’anis, Maristella connait bien la maison et s’acclimate rapidement aux lieux. Malgré la crise du Covid-19, ses conséquences (baisse des commandes notables) et les pénuries et augmentations de tarifs des matières, Cristal Limiñana continue de s’imposer comme une référence des boissons anisés dans la cité phocéenne, avec un chiffre d’affaires en 2023 à 1,7 million d’euros et le maintien de ses neuf salariés, même en périodes de Covid. L’usine marseillaise produit en moyenne 700 000 bouteilles par an. Rencontre avec sa dirigeante, Maristella Vasserot.
Quel est votre parcours ?
Maristella Vasserot. Ayant grandi dans l’ambiance de la fabrique, le nom “Cristal” résonnait constamment à la maison. J’ai été témoin à la fois de ses succès et de ses défis. Naturellement, j’ai toujours été impliquée dans l’entreprise, travaillant même pour elle pendant mes étés de jeune adulte. Cependant, après avoir étudié l’espagnol et le français langue étrangère, j’ai ouvert mon école de langues, l’HISPAM. Douze ans plus tard, en 2013, j’ai ressenti le besoin de rejoindre mes parents dans l’entreprise familiale.
Quels sont les objectifs à court et long terme pour Cristal Limiñana ?
M.V. Depuis 2020, nous avons connu une baisse de notre marge, et notre premier objectif est de la rétablir. Nous devons nous réinventer et adapter nos méthodes de travail, notamment dans nos négociations avec la grande distribution où les baisses de tarifs sont devenues difficiles à supporter. Pour maintenir notre gamme de produits, composée d’une vingtaine de références, nous devons innover et proposer de nouvelles recettes afin de continuer à séduire nos clients. Notre ambition est également de diversifier notre clientèle internationale, tout en consolidant nos marchés existants, principalement en Europe du Sud et aux États-Unis. Malgré les difficultés liées à la pandémie, nous cherchons à développer nos ventes directes via notre boutique en ligne et notre magasin d’usine, en attirant les clients grâce à des visites guidées. Nous voulons renforcer notre ancrage territorial et faire connaître davantage notre entreprise centenaire, indépendante et familiale. Mon souhait est que les habitants de Marseille puissent trouver nos produits dans tous les bars de la ville, en ayant la possibilité de choisir entre une version avec alcool et une version sans alcool ni sucre.
Vos produits phares ?
M.V. Notre gamme Sereno, destinés aux épiceries et cavistes, avec nos anisés sans alcool, montent en popularité ! Sinon, bien sûr, la Paloma notre produit originel garde toujours son succès d’antan.
Quels défis aviez-vous surmonter en tant que femme entrepreneure ?
M.V. Naviguer entre vie professionnelle et vie familiale a été une réelle épreuve. En tant que chef d’entreprise, il faut constamment lutter contre les préjugés et posséder un large éventail de compétences. Personnellement, je n’ai pas été souvent confrontée au sexisme dans ma carrière, mais je refuse catégoriquement de lui laisser la moindre place. En tant que femme à la tête d’une entreprise, il est crucial de rester inébranlable et de ne jamais s’autocensurer. Cette position exige non seulement une force physique, mais surtout une force morale. Regarder vers l’avenir tout en tirant des leçons des erreurs passées est essentiel pour avancer.
En savoir plus :
Le site de Cristal Limiñana