En ce début d’année 2025, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), Jules Nyssen, accompagné des vice-présidents Frédérique Coirier, Jean-Baptiste Schwebel, William Arkwright et Xavier Daval, ont fait le point sur la planification énergétique nationale et régionale. Après avoir publié un travail collaboratif ambitieux en septembre 2024 (présentant des tableaux de synthèses des objectifs 2030 des régions par filière renouvelables), les experts ont fait part de leurs doutes, mais ont également présenté des solutions invitant inévitablement les EnR dans le mix énergétique de demain.
Instabilité politique et manque d’ambition
La prise de parole de ces experts en EnR s’inscrit dans la perspective des publications de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) et Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) courant 2025. Selon eux, les instabilités gouvernementales et le manque d’ambition dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) empêchent la France et ses régions de tenir les objectifs bas carbone. « On ne peut pas continuer comme ça, les industriels et consommateurs sont déstabilisés. On lance des stratégies et tous les trois mois, on change le thermomètre. Les professionnels, les investisseurs, les consommateurs, tous prennent des décisions et quand on change les règles, on peut considérer qu’on les met en grande difficulté pour leur travail du quotidien », s’exclame Frédérique Coirier, vice-président du SER.
Des concertations sur la Stratégie française pour l’énergie et le climat ont été conduites entre le 4 novembre et le 16 décembre 2024 (lire notre précédent article). Cela concerne la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). L’objectif de ces concertations est d’être intégré à la PPE 3 et de nourrir la dernière itération du scénario de la SNBC envisagée en 2024. L’élaboration définitive de la SNBC 3 sera effective courant d’année 2025. Ces documents de planification doivent permettre à la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, une nécessité pour répondre au défi climatique. Ils concernent tous les secteurs d’activité et sont révisés tous les 5 ans.
A ce contexte d’instabilité nationale, s’ajoute un contexte géopolitique boulversé. « On entre dans une nouvelle ère, les rapports de forces ont changé, il ne faut pas être naïf. Les Européens sont face à un bloc Amérique du Nord, un bloc chinois qui ne sont pas loin d’avoir une autonomie énergétique. La Russie est plus impérialiste et conquérante et nous, Européens, nous ne sommes pas capables d’être indépendants, car nous ne disposons de presque qu’aucune énergie fossile sur notre sol », affirme le président du SER Jules Nyssen.
« La force de l’Europe c’est de miser sur la décarbonation »
Mais les choses ne sont pas si noires. Un rapport publié le 23 janvier dernier, par le cercle de réflexion Ember, révèle que pour la « première fois, l’Union européenne a produit plus d’énergie avec du solaire qu’avec du charbon en 2024 », se réjouit Xavier Daval, vice-président, président de la commission solaire. La part des renouvelables s’élevant à 47% dans la production d’électricité contre 29% pour les énergies fossiles.
« Nous pouvons considérer qu’en France, nous sommes les champion d’Europe face à cette décarbonation. Nous produisons beaucoup d’électricité décarbonée », se félicite Jules Nyssen. En effet, selon les derniers chiffres du réseau de haute tension RTE, la puissance nucléaire a atteint 361,7 TWh, la production hydraulique 74,7 TWh et de la production des filières éolienne et solaire 70 TWh en 2024.
La France, qui exporte beaucoup de cette électricité, doit « mobiliser toutes les autres ressources énergétiques. Afin qu’une véritable politique de décarbonation se développe, il sera nécessaire d’inclure la bioénergie », assure Jules Nyssen.
La bioénergie est l’énergie produite par la biomasse. « Cette biomasse provient de la forêt, de l’agriculture (cultures dédiées, résidus de culture, cultures intermédiaires et effluents d’élevage), de déchets (déchets verts ; biodéchets des ménages ; déchets de la restauration, de la distribution, des industries agroalimentaires et de la pêche ; déchets de la filière bois ; boues de stations d’épuration ; etc). » Source : ministère de l’Ecologie.
La région Sud en retard sur ses objectifs à 2030
Le SER a donc conçu des tableaux représentants les objectifs régionaux en matière d’énergies renouvelables. « Notre nouveau système énergétique reposera donc sur les épaules des acteurs de terrain, au premier rang desquels les élus locaux. Mais ce n’est pas une charge, c’est une opportunité. Car cela s’accompagne d’une décentralisation importante de la politique de l’énergie », écrit Jules Nyssen en préambule de l’étude territoriale. Un discours qu’il avait tenu lors du 1er forum Nos énergies en question(s), consacré au solaire et à l’éolien en mer le 2 octobre 2024 à Centrale Méditerranée. Il ne manque pas de rappeler que les objectifs sont la souveraineté énergétique, le renouveau industriel et la protection du pouvoir d’achat.
« La Région Sud, déplore toutefois Jules Nyssen, concentre ce paradoxe de performance solaire avec une faible mise en application d’EnR sur le territoire ». William Arkwright, vice-président du SER, président de la commission éolien, également directeur général d’Engie Green, affirme quant à lui, que la région est loin d’atteindre les objectifs fixés par la feuille de route régionale définie par le Sraddet). « Elle prévoyait un ambitieux 12 giga watts de production d’électricité grâce aux EnR à l’horizon 2030 et n’en a pas généré plus de 3 giga watts. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne veut pas d’éolienne. L’agrivoltaïsme commence à émerger, mais cela reste faible, de plus les forêts sont de très faible qualité », regrette-t-il.
Jules Nyssen reconnaît cependant que le territoire est un « pôle très attractif où se trouvent de nombreux adhérents au solaire avec une vingtaine de boîtes très active spécialisées dans l’énergie solaire. Le problème, c’est que cet engagement, tourné vers les EnR, rencontre un militantisme locale, parfois violent », conclut le président du SER.
Lien utiles :
> Forum Nos énergies en question(s) consacré au solaire et à l’éolien flottant
> Solaire : Ensol (Paris) poursuit son développement dans le grand Sud
> Panneaux solaires : CVE et Tenergie investissent dans l’usine HoloSolis (Moselle)
> Laurent Simon (MAMP) : la SPL Energies de Provence entre en action