Tricastin, le premier site nucléaire de la vallée du Rhône, à cheval sur le Vaucluse et la Drôme, a de nouvelles ambitions depuis l’annonce par Orano (issue du démantèlement d’Areva) d’un investissement de 1,7 milliard d’euros sur l’usine Georges Besse 2. Tricastin est devenu « un des cinq plus importants projets industriels en cours en France aujourd’hui », selon Orano. Les travaux de génie civil de l’extension ont débuté à la fin de l’été 2024. Actuellement, 150 personnes travaillent sur le chantier de génie civil et il mobilisera jusqu’à 1 000 personnes à son pic.
En ce début d’année, 95 % des appels d’offres sont contractualisés avec la sélection d’une soixantième entreprise. Les entreprises sélectionnées sont à 90 % des entreprises françaises, et régionales pour 70 % d’entre elles. Orano a attribué au groupement composé de Dodin Campenon Bernard (mandataire) et Campenon Bernard Centre-Est, filiales de Vinci Construction, le lot de génie civil et de gros œuvre du marché d’extension de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges-Besse 2 Nord pour la réalisation de deux nouvelles tranches. Le chantier de construction représente 30 000 m3 de béton armé, 1 400 tonnes de charpente, 60 km de tuyauterie en acier et aluminium et 800 km de câbles.
> Pour mieux comprendre le projet
Quatorze modules plus quatre
D’un montant prévisionnel de près de 1,7 milliard d’euros, les travaux permettront d’augmenter les capacités de production de plus de 30 %. Lors de la construction initiale de l’usine d’enrichissement de l’uranium Georges Besse 2, les dispositions ont été prises pour permettre la mise en œuvre ultérieure d’une capacité supplémentaire de production. Cette extension consiste à reproduire à l’identique quatre modules complémentaires aux quatorze modules existants avec la même technologie de centrifugation, reconnue et éprouvée. Les quatre tranches seront mises successivement en service à partir de 2028.
Depuis plus de 60 ans, le site Orano Tricastin propose des services de conversion et enrichissement en matière de transformation d’uranium. Ces activités précèdent l’étape de fabrication du combustible nécessaire aux réacteurs des centrales nucléaires.
L’usine Georges Besse 2 est une installation d’enrichissement d’uranium par le procédé de centrifugation. Orano investit pour atteindre la capacité de production maximale initialement prévue au moment de la conception de l’usine Georges Besse 2.
Un enjeu géopolitique
C’est un enjeu géopolitique majeur, quatre producteurs se répartissant le marché mondial de l’enrichissement : deux occidentaux, Urenco qui réprésente 31 % de la capacité de production et Orano (12 %), un enrichisseur Russe, Rosatom (43 %) et un enrichisseur Chinois (CNNC). De nombreux électriciens nucléaires occidentaux, notamment aux États-Unis, ont souhaité réduire leur dépendance vis-à-vis des importations d’uranium naturel enrichi provenant de Russie.
« Les USA comptent une centaine de réacteurs et ils dépendent à 25 % de la Russie pour leur approvisionnement, explique pour Gomet Gilles Crest, responsable communication externe d’Orano Chimie Enrichissement. Il n’existe qu’une usine d’enrichissement sur le territoire américain pilotée par Urenco. Nous pourrons, avec cet agrandissement, conquérir des clients de long terme qui veulent se désensibiliser à l’uranium russe ».
Orano s’est organisé pour répondre à cette demande à travers une augmentation de ses capacités d’enrichissement pour une première production progressive prévue dès 2028 et une mise en service complète en 2030. Plus de 60 % de l’activité Chimie Enrichissement d’Orano est à l’export.
Flash-back : d’Eurodif à l’usine d’enrichissement
Georges Besse 2
L’usine d’enrichissement Georges Besse 2, est venue remplacer l’usine Georges Besse arrêtée en juin 2012 sur le site industriel Orano Tricastin. L’usine Georges Besse d’Eurodif a enrichi par diffusion gazeuse pendant plus de 33 ans de l’uranium afin de répondre aux besoins des producteurs d’électricité. L’usine Georges Besse 2, qui met en œuvre la technologie d’enrichissement par centrifugation, a été inaugurée en décembre 2010, avec l’introduction du premier cylindre d’uranium. En avril 2014, 100 % de la capacité de production était installée.
« Avec un taux de rendement supérieur à 99 % mesuré au sein de l’usine d’enrichissement Georges Besse II en 2023, le procédé de centrifugation démontre une productivité exceptionnelle pour l’industrie », explique François Lurin, directeur de l’activité chimie enrichissement d’Orano.
Mode d’emploi
Le minerai d’uranium ne constitue pas directement le combustible nucléaire nécessaire à la production d’électricité : pour que les noyaux lourds d’uranium puissent fournir de la chaleur utile par fission, ils doivent suivre un cycle du combustible, qui comprend plusieurs étapes industrielles, dont l’enrichissement.
L’uranium est un métal composé principalement de deux atomes très semblables, différenciables par leur masse, appelés isotopes : l’uranium 238 (99,3 %) et l’uranium 235 (0,7 %). Peu abondant dans l’uranium naturel, l’uranium 235 est le seul à libérer de l’énergie par fission. L’enrichissement consiste à augmenter la concentration en uranium 235 (autour de 4 %) pour obtenir une matière utilisable dans les réacteurs nucléaires. L’UTS (Unité de Travail de Séparation) est l’unité de mesure des services d’enrichissement.
La technologie d’enrichissement par centrifugation
La centrifugation consiste à faire tourner à très haute vitesse un bol cylindrique dans lequel est introduit l’élément naturel à enrichir sous forme gazeuse. Sous l’effet de la force centrifuge, les molécules les plus lourdes de l’élément naturel à enrichir se concentrent à la périphérie tandis que les plus légères migrent vers le centre. Cette étape élémentaire de séparation des molécules est répétée au sein d’un ensemble de centrifugeuses mises en série, appelé cascades. Ce procédé industriel offre les meilleures garanties en termes de compétitivité, d’économie d’énergie, de fiabilité technique.
Le site Orano Tricastin
Orano Tricastin est une plateforme industrielle de 60 ans qui regroupe l’ensemble des activités de chimie (conversion, défluoration et dénitration) et d’enrichissement de l’uranium sur une surface de 650 hectares. Orano Tricastin emploie 2 500 personnes directement et 2 000 en sous-traitance. Ces nouvelles installations assurent, selon Orano, « la pérennité des activités du site pour les 40 prochaines années et contribuent à l’indépendance énergétique de la France ainsi qu’à la production d’une énergie bas carbone ». La plateforme industrielle Orano Tricastin se transforme, avec des usines historiques à l’arrêt, en attente de démantèlement, et de nouvelles usines et ateliers en exploitation ou en cours de démarrage.
À la barre : Orano Chimie Enrichissement
La Business Unit Chimie Enrichissement d’Orano est composée d’une plateforme industrielle de 60 ans avec deux implantations : Orano Tricastin (Drôme & Vaucluse), Orano Malvési (Narbonne – Aude). Elle regroupe l’ensemble des activités de chimie (conversion, défluoration et dénitration) et l’enrichissement de l’uranium.
Avec la mise en service industrielle des usines Georges Besse 2 (4G€), des nouveaux ateliers de conversion de Malvési et de l’usine Philippe Coste, la Business Unit chimie et enrichissement représente un quart du chiffre d’affaires d’Orano avec 100 clients et partenaires dans le monde (France, Europe, Asie, Amériques). 90 % de l’outil industriel de production a été renouvelé ces 15 dernières années avec plus de 5,5 milliards d’euros investis. En perspective globalement : 3 milliards d’euros d’ici 2033
Orano dans le Sud-est, du site de Marcoule en passant par Tricastin, Malvési et Cadarache, emploie 6 000 salariés, plus 3 000 emplois d’entreprises partenaires et a recruté près de 1 000 CDI/CDI/alternants et stagiaires en 2024. Le site Orano Tricastin a lancé fin 2021 son École des métiers Chimie Enrichissement, un projet où le maintien et le transfert des compétences sont clés.
Lien utile :
> Nos articles consacrés à l’actualité autour du nucléaire