Construire un nouveau modèle de financement des infrastructures de transports à horizon 2040, c’est l’objectif que s’est fixé François Bayrou avec « Ambition France Transports ». Le Premier ministre était à Marseille lundi 5 mai pour ouvrir cette « grande conférence nationale de financement des mobilités », chargée de proposer d’ici à l’été différents scénarios permettant de « repenser la manière de financer collectivement les mobilités dans un contexte budgétaire contraint ».
Le premier rendez-vous d’un grand raout de dix semaines durant lesquelles experts et acteurs clés du secteur des transports (collectivités locales, opérateurs, élus, économistes, associations d’usagers) vont se retrouver sous la forme de quatre ateliers, réunissant chacun entre dix et quinze participants. L’un portera sur le financement des transports du quotidien et en particulier les Serm (Services express régionaux métropolitains, les fameux RER métropolitains annoncés en 2023), les autres sur les infrastructures routières, le réseau ferroviaire et, enfin, le fret, en vue de « bâtir ensemble les bases d’un nouveau système de financements de infrastructures, refondées, mises à plat, modernisées pour les décennies à venir », selon le cap fixé par François Bayrou.

Transports : « Des décennies de sous-investissement et d’imprévisions »
Accompagné des ministres François Rebsamen, chargé de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Amélie de Montchalin, chargée des Comptes publics et Philippe Tabarot, chargé des Transports, le Premier ministre a longuement dressé dans son discours inaugural le constat « de décennies de sous-investissement et d’imprévisions ». « L’âge moyen d’une catenaire ferroviaire est de plus de 65 ans, près de 50 % des chaussées du million de kilomètres de nos routes sont dégradés, tout comme 34 % de nos ponts… », a-t-il énuméré.
« Plusieurs dizaines de milliards d’euros sont nécessaires pour régénérer et moderniser notre réseau ferroviaire, ainsi que nos routes et autoroutes non concédées », a insisté le Premier ministre, alors que la France doit trouver 40 milliards d’économies pour son budget 2026, insistant sur une refonte complète du modèle économique des transports en France face aux limites du financement actuel. « L’effort de modernisation et de régénération est indispensable. Ce défaut de maintenance des infrastructures doit être vu comme une priorité de notre action publique (…) Notre modèle de financement des transports est aujourd’hui à bout de souffle », a-t-il encore affirmé.
A Marseille, une ville en exemple et une méthode
Le choix de Marseille pour lancer cette conférence n’a pas été fait au hasard. Dans le cadre du programme « Marseille en Grand » pour transformer la mobilité dans la Métropole Aix-Marseille-Provence, la ville est en effet, aujourd’hui, au cœur de nombreux projets de modernisation des transports, tels que l’extension du tramway, la rénovation du métro et le développement de lignes de bus à haut niveau de service.
Surtout, François Bayrou, arrivé dans un bus électrique de la RTM et qui a visité sur place le pôle d’échanges multimodal Dromel Sainte-Marguerite, a souhaité en faire un exemple de sa méthode. « Ce n’est pas dans des bureaux à Paris que les décisions doivent se prendre, a lancé le Premier ministre. Nous avons fait le choix de faire confiance aux acteurs de terrain. Nous allons bâtir ensemble les bases d’un nouveau système de financement des infrastructures. »
A charge, donc, pour la conférence baptisée « Ambition France Transports » et présidée par l’ancien secrétaire d’Etat aux transports Dominique Bussereau, de dégager maintenant des pistes pour sécuriser des financements pérennes et adaptés aux défis actuels. Avec trois ambitions clairement affichées. D’abord régénérer et moderniser les réseaux de transports. Accélérer ensuite la transition écologique alors que les transports réprésentent à eux seuls un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France – l’immense majorité à cause de la route.
Les transports, on en parle lors des 4e rencontres du vélo et des mobilités douces le 23 mai à Marseille.
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Enfin, augmenter l’offre, en garantissant une mobilité accessible à tous les territoires. « L’un des principaux enjeux est d’assurer à nos concitoyens qui n’habitent pas dans les centres-villes de grandes métropoles qu’ils ne seront pas délaissés. C’est ce sentiment de déclassement, d’enclavement et d’inégal accès aux mobilités qui a, entre autre, nourri la colère des gilets jaunes », a rappelé François Bayrou.
La fin des concessions autoroutières au cœur des débats
Parmi les pistes explorées, si le Premier ministre a cité la création du versement mobilité régional, que la Région Sud s’est empressée d’adopter malgré les critiques, l’un des axes majeurs de réflexion concerne l’avenir des concessions autoroutières dont le chiffre d’affaires s’élève à environ 13 milliards d’euros par an et qui arrivent toutes à échéance entre 2031 et 2036. « Cela offre une opportunité sans précédent pour les pouvoirs publics de rediriger les recettes des péages de manière durable vers les projets de transport », a relevé François Bayrou.
« Je me souviens qu’en 2005 j’avais été bien seul à m’émouvoir lorsque le gouvernement avait décidé de céder ses parts dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes. L’Etat, je le crois, s’est volontairement privé d’une ressource qui était le véritable patrimoine des Français et qui aurait pu abonder de manière pérenne le secteur des transports pour trouver de nouveaux investissements, de nouveaux financements », a-t-il poursuivi, sans plus de précision pour l’heure. Conserver les concessions ? Passer à la gestion directe ? Financer l’entretien par le péage ou bien par l’impôt ? Et surtout, mettre la route à contribution pour financer le ferroviaire ? Autant de questions qui devront être débattues.
Le retour de la très contestée éco-taxe ?
Autre piste qui pourrait être réveillée, quitte à tendre les discussions : le retour éventuel de l’écotaxe poids lourds, mesure qui avait suscité un tollé en 2013 avant d’être abandonnée. Si elle avait été maintenue, « on aurait six milliards de plus par an actuellement, donc on n’aurait pas besoin de faire une conférence », a ironisé Dominique Busserau, qui avait lui-même porté la mesure, en vain, entre 2007 et 2010.
Autant de reflexions qui sont sur la table et vont à présent être étudiées et discutées par les experts réunis durant deux mois. Avec la volonté d’aller vite. « Je souhaite finaliser les travaux avant la fin du mois de juillet afin de définir rapidement notre ambition en matière de transport, a fixé à tous François Bayrou. Ce sont des délais courts mais nous n’avons pas le luxe d’avoir plusieurs années devant nous. Nous devons agir vite et fortement pour donner à nos infrastructures les moyens dont elles ont besoin. »
Voir l’intervention de François Bayrou et des ministres en vidéo
EN DIRECT | Ambition France Transports : discours du Premier ministre et des ministres. https://t.co/JNEWpYf7fK
— Gouvernement (@gouvernementFR) May 5, 2025
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