Le festival Marsatac revient du 14 au 16 juin au parc Borély à Marseille. Une 26e édition particulière, qui marque le quart de siècle de la structure qui porte l’événement, Orane. Sa fondatrice, Béatrice Desgranges, retrace pour Gomet’ l’évolution de Marsatac et donc d’Orane. Elle rappelle les valeurs d’un festival en quête constante d’amélioration.
Pouvez-vous présenter Orane ? Et pourquoi avoir créé Marsatac ?
Béatrice Desgranges : Orane est une structure associative née en 1999 pour porter Marsatac. Elle compte aujourd’hui quinze membres à temps plein. J’avais envie de faire émerger sur le territoire un événement qui mette en avant l’esthétique hip hop et électronique. La création du festival est aussi partie du constat que les jeunes sont souvent oubliés des politiques publiques. Un festival est bien plus qu’une proposition artistique, je le vois depuis 25 ans. Fréquenter un festival, c’est un rite de passage de l’adolescence vers l’âge adulte. C’est une bulle hors du temps pour lâcher prise face au stress qu’offre la perspective d’une vie d’adulte.
Le festival est aussi un espace de liberté, où l’on teste ses goût musicaux, on vit des expériences sociales car un festival ne se vit pas seul. Ce sont des espèces de micro-sociétés éphémères qui sont créées, le temps de quelques jours, mais qui sont très importantes à cet âge là. Et nous, organisateurs de festival, avons le devoir de l’accueillir au mieux.
Justement, comment concilier liberté et responsabilité ?
B.D. : Nous essayons surtout de faire passer des messages, sans que la promesse de fête soit entachée. Par exemple, sur le volet de l’éco-responsabilité, on essaye d’inciter à plutôt prendre les transports en commun que la voiture. C’est aussi plus sûr si l’on a bu… On a aussi porté l’application Safer, pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, qui permet de sensibiliser tout un chacun.
Nous avons même créé un espace récréation qui accueille plusieurs associations telles que Clean my Calanques et Solidarité Femmes 13. Les jeunes ne sont pas insensibles à ces causes là, ils ont une belle écoute. Tous les ans depuis 2018, l’association Les petits frères de pauvres, vient sur l’espace récréation : et chaque année, elle enrôle de jeunes festivaliers comme volontaires… C’est aussi pour cela que je dis qu’un festival est une micro-société.
Comment ont évolué les valeurs d’Orane depuis 1999 ?
B.D. : Les valeurs fondamentales, comme la notion d’émergence, de transmission, d’innovation, de solidarité sont là depuis le début. Nous cherchons surtout à les incarner de façon plus dense. Depuis toujours, Marsatac a eu le souci d’être une scène pour les talents de demain, tout en y mêlant des têtes d’affiche. La notion de transmission se traduit aussi au travers du rôle des bénévoles, qui souvent se destinent à ces métiers. Marsatac leur offre une première expérience. C’est le cas de nombreuses personnes qui font aujourd’hui partie d’Orane, qui ont commencé comme simples bénévoles. Nous agissons aussi pour la transmission au travers du programme Marsatac School, programme destiné à sensibiliser à la création artistique, soit les collégiens soit les jeunes de centres sociaux. Ce qui nous intéresse est de venir poser la petite graine, pour leur offrir une expérience et leur permettre de tracer leur chemin.
Nous œuvrons aussi pour cela au travers du programme La Frappe, porté par Marsatac Agency, qui met à l’honneur de jeunes marseillais talentueux.
Mais quid des valeurs d’éco-responsabilité et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, des préoccupations mises en avant bien après la naissance de Marsatac ?
B.D. : Pour ce qui est de l’éco-responsabilité, nous travaillons dessus depuis 2008 et avons réalisé notre premier bilan carbone en 2009. Il nous semblait logique de reproduire en tant qu’organisateur d’événements les bons gestes que nous avions à la maison.
Sur les violences sexistes et sexuelles, à l’origine, c’est le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) qui nous a contacté en 2018, car il n’arrivait pas à cibler le public jeune, qui passe souvent sous les radars des communications institutionnelles. Aujourd’hui le projet Safer (application qui permet de signaler un cas de violence), prototypé par Marsatac, est actif sur 150 festivals et se déploiera sur huit plages cet été à Marseille.
Sur quel(s) point(s) souhaitez-vous vous améliorer ou innover ?
B.D. : Nous sommes en permanence en recherche d’amélioration ! Il y a actuellement un gros chantier sur la gestion sonore. Comment faire en sorte que nos manifestations et festivals puissent avoir lieu en centre-ville sans impacter négativement leur environnement ? Nous avons sans cesse cette préoccupation de bienveillance et de respect. Avec le “décret son” paru en 2017, et un autre décret de précision paru en 2023, un cadre règlementaire s’impose. C’est aussi un défi économique, car mettre en place des mesures pour l’appliquer à un coût. Or, nous voulons à tout prix garder un coût du billet accessible pour notre public (37 euros le billet / 90 euros les trois soirs, ndlr).
Cela n’empêche pas de déployer beaucoup de moyens pour améliorer nos compétences sonores : nous menons ainsi un gros travail sur la directivité du son, pour qu’il sorte par le devant des enceinte et pas sur les côtés ou derrière. Nous essayons aussi de casser les infrabasses et on pose des sondes en bordure de site pour prendre des mesures, pour essayer d’améliorer. On intègre des clauses en ce sens dans nos contrats avec les artistes, certains sont amenés à changer leurs pratiques.
La grosse conclusion de ces deux dernières années de travail, c’est qu’il y a un vrai manque de compétences sur la question sonore. C’est pourquoi nous proposons aussi des formations aux professionnels avec lesquels nous travaillons, en partenariat avec l’organisme de formation Afdas.
Enfin, la gestion du son englobe aussi la prévention des risques auditifs. Cela peut paraître contre intuitif, mais nous avons mis en place l’an dernier une salle de repos auditif ! Avec quatre scènes qui tournent en simultané, il est important de proposer des espaces calmes à nos festivaliers.
Quelles perspectives vous offre 2024 ?
B.D. : Nous avons de célébrer cette 26e édition, la quatrième dans ce cadre idyllique du parc Borély. L’année 2024 sera aussi une année de changement pour Orane, puisque nous emménageons dans de nouveaux locaux, sur l’îlot Gambetta, où nous avons pour projet d’installer des salles de résidence pour les artistes ainsi que des studios d’enregistrement.
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