À mi-parcours de la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) Provence-Méditerranée, la session 3, intitulée « Entreprendre avec le vivant », a mis l’accent sur l’intégration de la biodiversité dans les stratégies des entreprises. Après avoir pris conscience des limites planétaires et exploré des pratiques plus durables lors des sessions précédentes, les participants se sont plongés dans l’approche régénérative, en s’interrogeant sur le lien de leurs activités avec la nature.
Repenser le rôle des entreprises : un défi incontournable
La session s’est ouverte sur un rappel des bouleversements récents, de la montée des températures à l’apparition de microplastiques dans les organismes vivants. Emmanuel Druon, PDG de Pocheco, a partagé son expérience en matière d’“écolonomie”.
Depuis 1997, il fait évoluer son entreprise en remplaçant des produits toxiques par des alternatives naturelles, avec un constat frappant : « Il est plus économique de travailler de façon écologique.» En abandonnant des encres toxiques et en utilisant des matériaux recyclés, Pocheco a réduit ses coûts et son empreinte environnementale, créant même un corridor de biodiversité sur son site.
Pour Marc-André Selosse, spécialiste de la biodiversité, il est essentiel de comprendre le rôle de la nature pour notre propre santé. « La biodiversité, c’est nous. Il faut prendre conscience de notre dépendance envers les écosystèmes. » Selon lui, les entreprises ont tout intérêt à protéger la biodiversité, non seulement pour la santé humaine mais aussi pour réduire les coûts, en diminuant l’usage de produits nocifs, tels que les pesticides, qui fragilisent notre environnement et obèrent la capacité de nos enfants à jouir d’une vie similaire à la nôtre. Il cite des études qui estiment que rien qu’en Europe, 25% des habitants sont victimes de maladies directement issues de la dégradation de la biodiversité et de l’usage de produits phytosanitaires…
Quant à Emmanuel Delannoy, il a asséné son idée phare : « La Nature est un de vos fournisseurs qui n’envoie jamais de facture ». C’est ce qui explique notre difficulté à comprendre les services qu’elle nous rend. Une étude récente de la BCE montre que 72% des entreprises européennes dépendent de la nature pour leurs biens ou services, mais seul 1% d’entre elles l’a identifié… Pour Emmanuel Delannoy, les entreprises doivent reconnaître la valeur des écosystèmes en tant que fournisseurs irremplaçables de ressources et de services. Une meilleure gestion de ces ressources naturelles est cruciale pour garantir la résilience des organisations.
Justement, cette première journée a permis aux participants d’approfondir leurs points de connexion au vivant, notamment à travers une fresque murale intitulée « Le vivant qui relie ». Cette activité a renforcé la prise de conscience des interdépendances entre les activités humaines et la nature.
Culture d’entreprise : robustesse ou performance ?
L’intervention percutante d’Olivier Hamant a porté un regard critique sur la notion de performance, omniprésente dans le monde des affaires. Selon lui, l’accent mis sur la performance a un coût élevé, souvent supporté par les écosystèmes, car ce modèle pousse à maximiser l’efficacité au détriment de la résilience. Mais dans un monde en transition, avec des crises écologiques, climatiques et économiques grandissantes, il devient essentiel de privilégier la robustesse, c’est-à-dire la capacité de résistance et d’adaptation aux fluctuations.
« Les écosystèmes ne survivent pas en étant performants, mais en étant robustes »
Olivier Hamant explique que, contrairement à la performance qui tend vers l’uniformité et la spécialisation, la robustesse repose sur la diversité et la redondance, qui permettent aux systèmes vivants de s’adapter et de prospérer dans des environnements changeants. « Les écosystèmes ne survivent pas en étant performants, mais en étant robustes », rappelle-t-il. Pour les entreprises, cela implique de s’ouvrir à de nouvelles approches, de ne pas viser uniquement la performance, mais d’explorer des modèles adaptables et diversifiés.
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Un engagement pour l’avenir
Les témoignages de la marque L’Occitane, représentée par Florian Croce et Elsa Bueckly, ont montré comment une entreprise peut transformer sa stratégie en intégrant des valeurs de respect du vivant et de durabilité. « Il ne s’agit plus uniquement de vendre des produits, mais de proposer des solutions », ont-ils affirmé. En diminuant leurs emballages et en arrêtant le transport aérien, L’Occitane a fait de la durabilité un levier de compétitivité.
À l’issue de cette session, les participants ont commencé à élaborer des plans d’action intégrant le vivant dans leur stratégie d’entreprise. Avec en point de mire la 4e session, à Centrale Méditerranée à Marseille, pour s’atteler à « compter ce qui compte vraiment… »
Témoignage de la communauté des Alumni : poursuivre l’élan avec CORSICA linea
A l’heure où les entreprises se préparent à l’application de la nouvelle nomenclature européenne de reporting extra-financier, la CRSD, il apparait que la CEC a été un véritable catalyseur pour CORSICA linea qui s’est engagée dans sa feuille de route à intégrer la biodiversité dans sa stratégie de transition. De l’ambition à l’action, que s’est-il passé depuis la CEC ? L’action la plus manifeste est un projet coopération conçu avec nos parties prenantes locales. Mobiliser autour des enjeux environnementaux, c’est l’ambition du projet « Les Traversées de la biodiversité et du climat », lancé en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Ademe. Des animations ludiques et pédagogiques sont proposées par 11 associations à bord du navire « A Galeotta » – le 1er navire neuf au GNL pour la Corse – et à son personnel naviguant. Un public varié de plus de 4 400 personnes est ciblé lors de 44 traversées Corse-Continent d’ici fin 2025.
La Compagnie interroge également l’impact de son activité de transport sur le vivant et la biodiversité marine et, en cohérence avec sa feuille de route CEC, élabore un plan d’action pour aller encore plus loin que ce qu’elle fait d’ores et déjà avec l’association MIRACETI et le logiciel REPECT sur la détection et le signalement des cétacés dans le sanctuaire maritime Pelagos. La collecte des données à bord de l’impact sur la faune marine est essentielle pour développer des solutions d’atténuation et de préservation. C’est le défi de la mesure du bruit sous-marin ou de l’analyse de l’ADN environnemental avec des laboratoires de recherche pour mieux connaître les écosystèmes et protéger la vie sous-marine, en plus d’applications actuellement déployées sur les navires pour limiter leur impact telles que le revêtement en silicone sur les hélices et le nettoyage des carènes avec des solutions de filtrage et de traitement des eaux de lavage.