C’est l’histoire d’une rencontre que rien ne prédestinait. Celle de l’entrepreneur Michel Athénour et de Denis Borg. L’un est le patron de la société Nocika spécialisée dans le e-commerce qui emploie 70 salariés, l’autre travaille le bois de ses mains depuis son plus jeune âge sur le chantier naval créé par son père. C’est à l’occasion d’une balade en mer que les deux hommes font connaissance. S’ensuit le début d’une aventure entrepreneuriale à mi-chemin entre modernité et tradition pour remettre la barquette marseillaise au goût du jour. Entretien avec Michel Athénour.
Votre business est à l’origine davantage tourné vers le e-commerce. Comment vous est venu l’idée de racheter le chantier Borg ?
Michel Athénour : Je faisais une sortie bateau avec Florent [Boutellier, ndlr] de la société Syroco. Il m’a proposé de rendre visite à Denis [Borg, ndlr] sur le chantier. Je ne cherchais pas spécialement ni à acheter ni lui à vendre. Mais j’ai tout de suite senti qu’il y avait quelque chose à raconter sur ce chantier, un bon storytelling. La barquette marseillaise est emblématique de la ville. A l’époque, elle remplissait une fonction pleinement utilitaire. Aujourd’hui, elle sert davantage pour du loisir. Beaucoup de personnes ont hérité des barquettes de leur grand-père ou arrière grand-père : elles ne veulent pas s’en séparer mais ne savent pas forcément la réparer.
> L’entrepreneur Michel Athénour reprend le chantier naval Borg (Marseille)
Allez-vous continuer à travailler ensemble ?
« Ce n’est pas Michel qui achète et Denis qui s’en va ! Nous allons continuer à travailler ensemble. »
Michel Athenour
M.A : Dans cette affaire, ce n’est pas Michel qui achète et Denis qui s’en va ! Nous allons continuer à travailler ensemble et sommes tout deux liés pour de nombreuses années. Ce chantier réalise déjà de l’artisanat de qualité. Denis et ses équipes ont le savoir-faire de cette charpenterie marine, qui est une compétence très rare. Mais il est difficile de valoriser le produit et de justifier son prix auprès des clients. Moi, je suis là pour aider Denis à justifier le prix de son travail ainsi que pour tirer cette compétence vers le haut et atteindre le niveau de l’excellence. Bien sûr, on est sur une gamme de prix beaucoup plus chère qu’un bateau en plastique – environ trois fois le prix – mais aussi dans une démarche plus écologique, puisqu’il s’agit de bateaux en bois. Nous voulons redonner ses lettres de noblesses à la barquette marseillaise.
Concrètement, comment comptez-vous redorer son image ?
M.A : Nous avons mis sur pieds un plan en deux volets : le premier concerne la rénovation des barquettes et donc la relance de l’activité historique du chantier. Nous voulons aller plus loin sur la qualité et le sur-mesure. On ne se rend pas compte du travail que ce type de bateau nécessite, mais la simple restauration d’un bordé (bande de bois qui longe le haut de la coque, ndlr) peut prendre des semaines.
« Nous voulons monter en gamme sur la rénovation de bateaux, en allant plus loin sur la qualité et le sur-mesure. »
Michel Athenour
Le deuxième projet consiste à se lancer dans la construction d’un nouveau navire, inspiré d’une barquette que Denis a eue lui-même entre les mains, mais en version modernisée. Nous comptons utiliser la technique du strip planking (méthode qui consiste à coller de petites lattes de bois sur un mannequin inversé, ndlr), pour avoir une meilleure étanchéité et davantage de légèreté. Ce modèle pourra être stocké à sec. Il sera équipé d’un moteur électrique ainsi qu’une voile : s’il y a du vent, la voile pourra ainsi être hissée. Et s’il n’y en a pas, il pourra quand même avancer grâce au moteur électrique ! Nous sommes en train de travailler sur le prix, mais nous serons en dessous du million d’euros. Ce sera davantage un bateau de plaisance, à destination d’une clientèle prête à valoriser un beau travail.
Où comptez-vous construire ce bateau ? Avez-vous prévu d’agrandir le chantier ?
M.A : Pour construire notre bateau, nous avons besoin de place, surtout que nous projetons d’en construire cinq par an. Dans le cadre de la requalification de l’anse du Pharo, la Soleam, qui dispose d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public de la Métropole, a prévu de créer un bâtiment [sur la plage juste avant d’arriver au chantier Borg, ndlr] pour y installer un cluster d’activités navales. Nous sommes intéressés par un des espaces de cette nouvelle structure, qui ne devrait voir le jour à l’horizon 2025, ce qui nous convient car nous ne commencerons pas la construction des navires avant. A côté de cela, nous prévoyons de rénover nos bâtiments actuels, pour apporter un peu de fraîcheur.
Combien avez-vous investi dans cette opération ?
M.A : Je ne suis pas tout seul dans cette opération, j’ai investi avec d’autres actionnaires (voir notre précédent article). J’ai pour ma part contribué à hauteur de 200 000 euros, donc à un peu plus de 50%n pour lancer la première phase tournée vers la rénovation. Pour la phase de construction d’un navire, il y aura peut-être un second tour de table.
Liens utiles :
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