Les épisodes de pollution que nous connaissons actuellement méritent vraiment toute notre attention. Autour de moi, de nombreuses personnes témoignent de symptômes marqués : yeux et nez qui piquent, sensations d’oppression ou de gêne respiratoire… Même le chien d’un collaborateur, de retour du Briançonnais ce week-end, où AtmoSud a déclenché une alerte pollution aux particules fines, a présenté de sérieuses difficultés à respirer. En tant que spécialiste de la qualité de l’air qui a bien en tête le nombre de 40 000 décès prématurés en France chaque année dus à la pollution de l’air, et de 48 000 imputables aux seules particules fines, je ne peux m’empêcher de faire le lien entre ces observations et la conjonction inédite de facteurs atmosphériques enregistrée cette semaine en région Sud.
Particules fines arrivées du Canada : « du jamais vu »
D’abord, des particules fines arrivées d’outre-Atlantique, suite aux méga-feux de forêts canadiennes. Ce phénomène n’est malheureusement pas nouveau, nous l’avions déjà documenté les années précédentes. Mais les concentrations de particules fines restaient alors modérées et touchaient surtout les zones d’altitude. Cette année, la situation est tout autre : les Alpes, habituellement épargnées, ont été les premières concernées (image animée de Copernicus) Plusieurs procédures réglementaires de protection des populations vulnérables ont été déclenchées. Du jamais vu.
Ensuite, depuis le 11 juin, la présence dans l’air de poussières sahariennes – les fameux “dust” – chargées elles aussi en particules fines, qui sont venues s’ajouter à cette première pollution. Comme le rappelle Santé Publique France, si ces particules sont naturelles, il n’empêche que leur impact sanitaire reste préoccupant, surtout pour les personnes jugées à risque.
A ces épisodes de pollution s’ajoute un contexte météorologique défavorable, marqué par un anticyclone, peu de vent matinal et de fortes chaleurs l’après-midi. Autant d’éléments qui entraînent une pollution locale près des différentes sources d’émission polluantes en matinée, suivie de réactions photochimiques qui génèrent les pics d’ozone en journée, bien connus en Provence sous l’effet de la chaleur.
L’effet des pollens est considérablement amplifié par la pollution atmosphérique
Sans oublier, enfin, que la saison est aussi celle des pollens de graminées. Pour les personnes allergiques, leur simple présence suffit à déclencher des symptômes plus ou moins graves, même sans mesure de concentration particulièrement élevée. Ce que peu de gens savent encore, c’est que l’effet de ces pollens est considérablement amplifié par la pollution atmosphérique. Un phénomène qu’a d’ailleurs très bien expliqué le professeur Isabella Annesi-Maesano dans notre podcast Inspirons ! en décryptant la notion de « polllu-en ». La contraction des mots pollution et pollen, prise en compte par l’OMS quand il estime que 50% de la population sera allergique en 2050.
Fumées canadiennes, poussières sahariennes, ozone, pollu-ens… Il est essentiel de comprendre que ces différentes pollutions ne font pas que s’additionner. Elles s’agrègent, se potentialisent et forment un véritable cocktail toxique pour la santé, qui s’inscrit pleinement dans le champs de l’exposome (*).
Ne sous-estimons pas ce que notre environnement atmosphérique nous impose
Mon message aujourd’hui est donc simple : vigilance. Particulièrement accrue pour les populations vulnérables, mais aussi pour tous. Car l’épisode que nous traversons pourrait durer encore plusieurs jours. Les recommandations de Santé Publique France pour se prémunir de la pollution atmosphérique doivent être largement diffusées. Ne sous-estimons pas ce que notre environnement atmosphérique nous impose.
Dominique Robin
Directeur général d’AtmoSud
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(*) Le concept d’exposome désigne le cumul des expositions à des facteurs environnementaux que subit un organisme, de sa conception à sa fin de vie, en passant par le développement in utero.